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Aide à mourir: le comité voudrait plus de temps

OTTAWA – Le comité chargé de se pencher sur les suites à donner au jugement de la Cour suprême sur l’aide médicale à mourir demandera probablement un délai pour produire son rapport, prévient l’un de ses membres, l’ex-ministre québécois Benoît Pelletier.

Le comité a abattu beaucoup de boulot dans les dernières semaines malgré le déclenchement des élections, se déplaçant notamment aux Pays-Bas, en Suisse, en Belgique et dans l’État de l’Oregon pour consulter plus d’une quarantaine de spécialistes et des juristes.

Mais l’échéancier fixé par le gouvernement sortant est irréaliste, estime M. Pelletier: les consultations directes auprès des intervenants, qui ont débuté le lendemain du scrutin, doivent prendre fin le 6 novembre, et le rapport du comité est attendu à la mi-novembre.

Or, il est inconcevable de rédiger un document sur un enjeu aussi complexe sans prendre le temps d’analyser rigoureusement au préalable l’ensemble de la documentation et de l’information recueillies, a-t-il plaidé.

«C’est évident que ce sera un sujet dont on va discuter avec les nouveaux ministres lorsqu’ils seront assermentés», a lancé Benoît Pelletier en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, mercredi, depuis Vancouver.

L’ancien ministre québécois, qui enseigne le droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa, n’a pas voulu commenter la lenteur du gouvernement conservateur à réagir au jugement de la Cour suprême — la décision est tombée le 6 février, et le comité a été officiellement formé le 17 juillet.

«On a accepté en connaissance de cause», a-t-il résumé.

La seule chose qui a «désarçonné» le comité a été le déclenchement hâtif des élections, a soutenu M. Pelletier, se disant «honoré» d’avoir été choisi pour relever ce défi de taille qui commandait d’agir avec «célérité», considérant que le gouvernement disposait d’un an pour réagir au jugement.

Dans son rapport final, le comité doit proposer au gouvernement des manières de se conformer à la décision rendue par le plus haut tribunal au pays, qui invalide les dispositions du Code criminel interdisant le recours à l’aide médicale à mourir.

Quelques jours avant la fin des travaux parlementaires, en juin, le ministre sortant de la Justice Peter MacKay avait prédit que le gouvernement qui serait porté au pouvoir le 19 octobre demanderait un délai pour réagir au jugement de la Cour suprême du Canada.

Aucune requête en ce sens n’avait été formulée auprès du plus haut tribunal au pays en date de mercredi, et les libéraux ont été avares de détails quant à leurs intentions, refusant de réagir directement aux propos de M. Pelletier ou de confirmer si le rapport serait rendu public.

Selon le réseau anglais de Radio-Canada, cependant, ils envisagent de demander au plus haut tribunal au pays un délai d’au moins six mois afin d’avoir suffisamment de temps pour ébaucher un projet de loi.

Une telle décision irait dans le sens de ce que disait le nouveau premier ministre Justin Trudeau en février dernier lors d’un débat à la Chambre des communes — qu’un délai de 12 mois ne lui semblait «guère suffisant» pour légiférer sur un dossier aussi controversé.

«On ne parle pas ici d’un amendement insignifiant à une loi mineure», avait fait valoir le chef du Parti libéral du Canada, qui s’est prononcé personnellement en faveur du jugement de la Cour suprême.

«Ma conviction est profonde. Elle est fondée sur mon expérience personnelle à accompagner mon père pendant les derniers moments de sa vie», a exposé M. Trudeau en point de presse au parlement, le 24 février dernier.

Parmi les intervenants qui ont été rencontrés au cours des dernières semaines figure Jean-Pierre Ménard, qui a conseillé le gouvernement du Québec dans l’élaboration de son projet de loi sur les soins de fin de vie, lequel doit entrer en vigueur au mois de décembre.

Le «meilleur scénario», pour Ottawa, serait de «modifier le Code criminel en ajoutant un paragraphe pour spécifier que les articles (invalidés par la Cour suprême) ne s’appliquent pas lorsque l’aide médicale à mourir est donnée par un médecin (…) et sous réserve des règles imposées par une législature provinciale», croit l’avocat.

«On a dit au comité: « Si vous voulez aller plus loin, vous risquez de tomber fortement dans le champ de compétence des provinces (en matière de santé) »», a-t-il enchaîné en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, mercredi.

Le nouveau gouvernement libéral qui sera assermenté le 4 novembre pourrait-il légiférer sur la question sans demander de prolongation? «Ça va être serré», estime Me Ménard.

Dans la foulée du jugement, trois options s’offraient au fédéral: invoquer la clause dérogatoire pour s’y soustraire, ne rien faire — ce qui rendrait légale l’aide à mourir fournie par un médecin dans les limites des paramètres établis par la cour — ou encore légiférer.

L’Association médicale canadienne (AMC), qui a été consultée par le comité le 20 octobre, plaide fortement en faveur de la troisième voie.

«L’AMC craint vivement que si le fédéral n’intervient pas pour appuyer l’établissement de lignes directrices nationales sur l’aide à mourir, une mosaïque de stratégies différentes et éventuellement contradictoires ne fasse son apparition entre les administrations», écrit sa présidente Cindy Forbes.

Les autres membres du comité sont Harvey Max Chochinov, professeur en psychiatrie et directeur de l’Unité de recherches en soins palliatifs du Manitoba, et Catherine Frazee, ex-codirectrice de l’Institut d’éducation et de recherche sur le handicap de l’Université Ryerson de Toronto.

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