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Honoraires des médecins: les coûts explosent

QUÉBEC – Québec a perdu le contrôle des coûts reliés à la rémunération des médecins, note la vérificatrice générale du Québec dans un rapport rendu public vendredi et aussitôt contesté par le ministre de la Santé.

C’est près d’un demi-milliard de fonds publics qui est en cause, parce que Québec a largement sous-évalué la facture d’honoraires expédiée par les médecins, au premier chef celle des médecins spécialistes, lit-on dans le rapport.

L’impact sur les finances publiques est considérable: 32,7 millions $ de plus que prévu à verser aux omnipraticiens et 384 millions $ destinés aux médecins spécialistes, pour un total de 416,7 millions $ en surplus des ententes conclues.

Mais même si son ministère a adhéré, par écrit, à toutes les recommandations formulées dans le rapport, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, conteste les conclusions de la vérificatrice: «il n’y a aucune perte de contrôle», a soutenu le ministre, en point de presse, en fin de journée.

La vérification porte sur les ententes intervenues entre Québec et les fédérations de médecins pour la période allant de 2010 à 2015.

Ce surplus dans la poche des médecins a dû être puisé dans les autres programmes du réseau de la santé, le financement de ces ententes ayant été mal planifié, conclut la vérificatrice, Guylaine Leclerc, surprise de constater que les augmentations à verser aux médecins n’avaient pas été budgétées par le Conseil du trésor.

La situation est due au fait que Québec a d’abord sous-évalué la hausse à venir du nombre de consultations médicales, qui a été de 3 pour cent durant la période, au lieu des 2 pour cent prévus. Or, le gouvernement «aurait dû savoir» que cette augmentation serait plutôt de l’ordre de 3 pour cent, selon Mme Leclerc. Car «l’information était disponible», assure-t-elle.

«Cela veut dire qu’il y a d’autres programmes qui nécessiteront des coupures», a-t-elle commenté en conférence de presse.

Le ministre Barrette nie cette affirmation. «Où sont les exemples? Où est la démonstration?» qu’il y a des coupes, demande le ministre, revendiquant qu’on lui «fasse la démonstration».

La méthodologie autour de la hausse appréhendée de pratique était imprécise, reconnaît-il, mais ce problème a été corrigé depuis.

N’empêche que le ministère de la Santé n’a pas assuré «une gestion économique et transparente» des fonds publics réservés aux médecins, conclut Mme Leclerc, en recommandant au ministre Barrette de revoir le mode de gestion de ces enveloppes budgétaires.

La vérificatrice blâme aussi la Régie de l’assurance-maladie (RAMQ) pour son manque de contrôle des risques de fraude ou d’erreurs reliées aux sommes versées aux médecins, même si leur rémunération accapare pas moins de 62 pour cent de ses dépenses de programmes. L’analyse a posteriori faite par la RAMQ des factures produites par le corps médical demeure exceptionnelle.

Cette année, l’enveloppe budgétaire globale versée aux médecins devrait tourner autour de 7 milliards $.

Le Québec compte environ 21 000 médecins. Les augmentations salariales (5,6 milliards $) consenties par Québec étaient de l’ordre de 25 pour cent, réparties sur huit ans.

Contrairement à ce qui avait été promis au départ, en 2014, cet étalement dans le temps ne permettra pas à Québec de faire un sou d’économie de fonds publics, selon Mme Leclerc. Le gain devait être de 394 millions $. Elle croit au contraire que l’économie «devrait être nulle».

Le ministre Barrette conteste aussi cette conclusion: l’économie sera inférieure à celle anticipée, mais elle devrait atteindre 250 millions $, grâce aux correctifs apportés, selon lui.

Le problème à la base: Québec a surévalué de 148,5 millions $ le montant total à étaler, par rapport à celui inscrit lors de la signature des ententes, plaide la vérificatrice.

Il s’agit d’un «bluff monumental», un «cadeau» du ministre Barrette aux médecins fait «à l’insu de tous», a réagi la porte-parole péquiste en santé, la députée Diane Lamarre.

De son côté, le porte-parole de la Coalition avenir Québec en santé, le député François Paradis, a réclamé que Québec accepte de revoir le mode de rémunération des médecins, actuellement payés à l’acte.

Lui-même médecin spécialiste, le député solidaire Amir Khadir a dénoncé les privilèges exorbitants consentis aux médecins, qui font partie d’un «lobby qui agit de manière déraisonnable et disproportionnée». «Un bar ouvert», selon lui.

Les deux regroupements de médecins (la Fédération des médecins omnipraticiens et la Fédération des médecins spécialistes) ont déploré «l’approche strictement comptable» privilégiée par la vérificatrice, et contesté ses conclusions.

Informatique

Dans un rapport séparé, la vérificatrice a mis au jour d’importantes lacunes dans l’attribution des contrats informatiques.

L’intégrité du processus n’est pas assurée, selon elle.

Les mécanismes de contrôle sont manquants aux différentes étapes du processus: rédaction de l’appel d’offres, indépendance du comité de sélection, évaluation des soumissions, respect des clauses du contrat, contrôle des coûts et imputabilité des fournisseurs.

La vérificatrice a examiné 27 contrats informatiques d’une valeur totale de 223 millions $ donnés par huit ministères ou organismes gouvernementaux, entre 2012 et 2015.

Le processus d’attribution des contrats informatiques n’est pas exempt de possibles conflits d’intérêts. Dans trois cas, «des ressources externes ont participé à la préparation de l’appel d’offres, alors qu’elles travaillaient pour la firme qui a obtenu le contrat», peut-on lire dans le rapport.

Elle conclut que le recours au secteur privé est fréquent et que cette façon de procéder augmente le risque de collusion et de corruption.

Le contrôle des coûts laisse aussi à désirer. Un exemple: un contrat donné par la Commission de la santé et la sécurité au travail (CSST) devait coûter au départ 269 500 $. Les travaux ont finalement coûté cinq fois plus, soit 1,5 million $.

Elle note aussi que les fournisseurs ont pris une faible part des risques.

Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont tous deux demandé la création d’une commission d’enquête sur les contrats informatiques donnés par le gouvernement.

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