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Projet de loi 86: la lutte au décrochage scolaire devrait primer, dit un expert

Jocelyne Richer - La Presse Canadienne

Québec devrait s’attaquer de toute urgence au fléau du décrochage scolaire, au lieu de brasser les structures avec son projet de loi 86, selon un expert reconnu du monde de l’éducation.

Professeur et chercheur en sciences de l’éducation à l’Université Laval, Égide Royer viendra témoigner en commission parlementaire jeudi pour dire au ministre de l’Éducation, François Blais, qu’il se trompe de cible, en privilégiant une réforme de la gouvernance scolaire, qui n’aura selon lui aucun impact sur le problème criant de la sous-scolarisation des jeunes Québécois.

La consultation sur le controversé projet de loi 86, déposé en décembre par le ministre Blais, débute jeudi. Il prévoit notamment remplacer les commissaires scolaires par des conseils scolaires formés de parents, d’enseignants et de dirigeants d’écoles, à qui on veut conférer plus d’autonomie.

Or, ce brassage de structures ne contribuera d’aucune façon à aplanir les difficultés rencontrées par les jeunes qui songent en grand nombre à fuir l’école, a indiqué M. Royer mardi, en entrevue à La Presse Canadienne.

Il rappelle qu’au Québec, un garçon sur trois et une fille sur cinq se retrouve sans aucun diplôme, au terme de sept années passées à l’école secondaire.

M. Royer qualifie cette situation d’extrêmement préoccupante, et il exhorte le gouvernement à ne plus «tolérer l’intolérable».

Québec devrait d’abord renoncer à improviser en éducation et présenter enfin un véritable plan d’ensemble favorisant la réussite scolaire, basé sur «des données probantes et des pratiques exemplaires», fait-il valoir. «Sans cela, on ne s’en sortira pas», prédit celui qui étudie ces questions depuis une quarantaine d’années.

Pour inverser la tendance, il proposera de créer un institut national en éducation, de rendre disponible l’école maternelle aux enfants de 4 ans afin de dépister très tôt les cas problèmes, de rendre obligatoire de fréquenter le réseau scolaire jusqu’à 18 ans, de rehausser les exigences de formation des maîtres et d’ouvrir les portes des écoles privées aux élèves en difficulté.

Pour viser la réussite scolaire du plus grand nombre, il insiste sur l’importance de dépister les enfants à risque avant même leur entrée à l’école, quand ils fréquentent la garderie. Aussi, les écoles devraient être obligées «d’aller vers les CPE, les garderies, et d’intervenir beaucoup plus tôt auprès des jeunes qui ont des besoins particuliers».

«Il est plus facile de construire des enfants forts que de réparer des adultes brisés», soutient le professeur.

M. Royer fait un constat d’échec de la réforme en éducation. À preuve, le Québec dépense actuellement 2 milliards $ pour les élèves en difficulté, et malgré cela le taux de décrochage des élèves souffrant d’un trouble d’attention et d’hyperactivité est pratiquement d’un sur deux.

«Le plus urgent n’est pas de modifier la structure de gestion des commissions scolaires, commente-t-il, le plus urgent c’est, entre autres, de cesser d’improviser en éducation et de prendre des décisions en référence à des mythes.»

Dans le même esprit, il proposera aussi de créer un ordre professionnel des enseignants et dira favoriser une formation de deuxième cycle pour les enseignants.

Il dit nourrir des attentes modestes sur ses chances d’obtenir une oreille attentive de la part du ministre, en tenant pour acquis que «l’éducation, ce n’est pas payant politiquement» au Québec. «Je me demande si c’est pas les politiciens qui eux-mêmes sont en train de déconnecter de la réalité.»

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