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Rocco, l’homme, la légende

Photo: Emmanuel Guionet/Collaboration spéciale

métro à veniseNotre journaliste Natalia Wysocka se trouve présentement à la Mostra de Venise, célèbre festival international de cinéma en Italie.

«Rocco Siffredi est à la porno ce que Mike Tyson est à la boxe et Mick Jagger au rock’n’roll», clame l’accroche du nouveau documentaire dédié au vétéran du X italien. Quiconque en aurait douté se serait ravisé en voyant l’accueil qui a été réservé au film comme à son protagoniste à la Mostra. Dans son domaine, Rocco est une star. Une grande, grande star.

En attendant Rocco Siffredi ce jour-là au Lido vénitien, pour discuter du film «où il se met à nu comme il ne l’a jamais fait auparavant», une pluie torrentielle se met à tomber, doublée d’un vent qui se déchaîne. «Hihihi, telle est sa force!» entend-on des reporters rigoler.

Mais si l’emprise sur la météo de celui que ses admirateurs surnomment «l’étalon italien» est incertaine, son effet sur ses semblables, et particulièrement sur la gent féminine, est instantanément perceptible. Dans le jardin, il pose d’ailleurs pour une photographe qu’il vient tout juste de rencontrer. Quelque chose comme 4,7 secondes plus tard, on les entend rigoler comme des gamins. «Ha, toi!» «Non, arrête, toi!»

Prenant ensuite place à la table ronde, il assure: «Maintenant, mon but dans la vie, c’est de passer du temps avec ma femme. Juste ma femme.»  Puis, il se ravise et se penche vers nous : «Mais vous avez vu la photographe? Waouh! Mon regard s’est posé sur ses seins et je suis devenu aveugle. Il me faudrait des… ça là… vous savez, pour le cheval?» fait-il en se tapant les côtés du visage des deux mains. Des oeillères, Rocco. Des oeillères.

Réalisé par les journalistes français Thierry Demaizière et Alban Teurlai, qui ont récemment signé un documentaire sur Benjamin Millepied (le chorégraphe, danseur et, pour la petite histoire, amoureux de Natalie Portman), Rocco dresse le portrait de l’acteur, sans mettre de côté son aspect sombre et tourmenté. «Je veux que vous montriez que je ne suis pas qu’une histoire de centimètres», aurait-il dit aux documentaristes, quand ils ont commencé à tourner. Laissant sa taille de côté, le long métrage revient ainsi sur la mort, dans son sommeil, de son frère aîné, alors âgé de 12 ans. Le changement que la tragédie a opéré sur sa mère adorée. La vie de prêtre à laquelle cette dernière le destinait. Son rapport à la foi. Son amour pour son épouse et la mère de ses enfants. «Sur le plateau, je baise, remarque-t-il. Avec ma femme, c’est différent.»

«À 20 ans, ma mère m’a amené chez le médecin. Il m’a dit : si tu fais de la porno, tu seras rejeté, tu n’auras jamais de famille, tu attraperas plein de maladies et tu mourras d’atroce façon. En sortant de son cabinet, j’ai levé mon majeur et j’ai pris ma décision : c’est ça que je voulais faire de ma vie.» – Rocco Siffredi

À l’écran, dans un français teinté d’italien, il l’encense d’ailleurs – à sa façon: «La chance que j’ai eue, ce n’est pas ma grosse bite. La chance, c’est Rosa.» Parmi les autres phrases à la tournure poétique qui meublent le film, on note: «My penis has always been my downfall» ou «Mon pénis a toujours été ma chute.» (Qui ne rêve pas de trouver un jour une telle pensée dans son biscuit chinois?)

Mais pour tout le drame et les doutes, il y a aussi beaucoup d’humour dans ce documentaire. Surtout grâce à la présence de Gabriele Galetta, son cousin. Un ex-banquier qui, voyant les succès de cet autre membre de sa famille, s’est demandé : «Pourquoi pas moi?»

Pas tout à fait taillé pour le jeu, «Gabi» s’est donc lancé dans la photographie de plateau et dans la réalisation. Qu’il prend avec un sérieux… un peu trop sérieux. Dans une scène, on le voit à L.A. diriger une séquence de ménage à trois avec l’étoile américaine Abella Danger, une piscine et du melon d’eau qui échoue partout, sauf dans l’assiette. En criant «coupez!», Gabriele pleure (pour vrai) d’émotion «devant tant de beauté». Puis il se rend compte qu’il a cadré la scène comme un incompétent, et qu’on ne voit pas la tête de son célèbre cousin. (À tous ceux qui viennent de penser : «Pfft. La tête.», votre sensibilité cinématographique vous dit: «Eille.»)

Cette séquence fait partie des dernières auxquelles Rocco a pris part. Car, après avoir participé à plus de 1 700 productions (ce n’est pas une faute de frappe), il a tiré sa révérence. Une décision que le docu met également en lumière. «L’industrie est devenue merdique, estime-t-il. On ne tourne plus que du sexesexesexe. C’est mécanique. Quand j’ai commencé dans le métier, il y a une trentaine d’années, on nous faisait d’abord réciter plein de dialogues à la con. Du coup, quand il fallait passer à l’action, on était réellement motivés, dedans.»

Il faut dire aussi que Rocco, charmeur et posé «dans la vie», semble fatigué du snobisme et des stigmates associés à «son monde». Après avoir répété que «ce qu’on fait, ce n’est pas de l’éducation sexuelle. C’est du divertissement pour adultes avertis», il lance : «Combien de fois ai-je participé à des émissions de télé où l’animateur m’a accueilli à bras ouverts en me disant qu’il était mon plus grand fan… jusqu’à ce que la caméra commence à rouler et qu’il se recule en prenant un air sérieux et hautain?

Vous savez, le grand public adore considérer la porno comme quelque chose de chic. Mais seulement quand ça l’arrange.»

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