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Groenland: Beauté glacée

Photo: Photo : Chantal Lévesque/Métro | Montage : Steve Côté/Métro

Sur son deuxième album, le groupe montréalais Groenland traverse des frontières qu’il croyait fermées à tout jamais, se retrouvant enfin devant A Wider Space. Un espace plus grand. Plus vaste. Où se poser, se retrouver peut-être. Retrouver aussi une raison de continuer ou faire jaillir celles qui nous ont menés jusqu’ici. Parce qu’il faut bien qu’elles se cachent encore quelque part, ces raisons. Non?

Ils sont arrivés en 2013 avec The Chase, tout doucement, comme ça, au détour. Tiens, c’est qui, ça, Groenland? Rapidement, ceux qui ont prêté l’oreille ont modifié l’accroche: «Écoute ça. C’est du Groenland.»

Depuis, il y a eu les concerts à la pelle, la chanson pour La Guerre des tuques 3D et, instant désormais indissociable de leur récit – pardon de le mentionner encore –, ce concert donné à Rouyn lors duquel PKP les a priés de chanter «en français, s’il vous plaît».

Mais peu à peu, parmi les succès et la naïveté des débuts se sont insinués la fatigue, l’épuisement, un certain assèchement d’inspiration.

Aujourd’hui, après la spirale et les remises en question, le groupe revient avec un deuxième album, toujours sous étiquette Bonsound. «Jusqu’à la dernière journée de studio, je n’ai pas cru qu’on y arriverait!» lance la chanteuse et musicienne Sabrina Halde, faisant résonner son contagieux rire sonore. Devant elle, Jean-Vivier Lévesque assaisonne ses remarques de son humour moqueur. Il part ainsi sur une charmante dérape concernant «les lézards qui gouvernent le monde et décident de mettre les meilleures chansons en quatrième position sur tous les disques», mouah ha ha. Plus tard, en se rendant compte qu’il vient de longuement décortiquer une question sous de multiples angles (psychologique, émotionnel, technique), il stoppe puis remarque: «Je parle comme si t’allais faire un journal au complet avec nous. Prochaine édition: 30 pages d’entrevue avec Groenland!»

Si on finit par en faire 29 de moins, il reste qu’on pourrait en noircir tout autant de lignes sur ce deuxième album où on reconnaît l’énergie du band montréalais, cette fois-ci teintée de touches électro. Sans oublier les paroles plus sombres que Sabrina superpose sur les airs «mélancoliques barre oblique joyeux» qu’elle compose avec son complice et qu’ils interprètent avec le batteur Jonathan Charrette, le bassiste Simon Gosselin, la violoniste Ariane Gruet-Pelchat et la violoncelliste Gabrielle Girard-Charest.

«On est très intuitifs. On compose une toune et on essaye de la comprendre. Souvent, elle a un univers à nous faire découvrir. C’est comme si elle existait déjà. Nous, on la suit. C’est tout.» – Jean-Vivier Lévesque

Jean-Vivier, lui, est présenté comme le «chef d’orchestre» de ce noyau. Il rectifie: «Non. Moi, j’suis un p’tit nerveux qui pense ben vite. OK, tatata, OK, tatata. C’est plus moi qui parle en répétition parce que je suis le plus primé.» Sabrina lève un sourcil. «Bon, d’accord. Je suis le chef d’orchestre. Maison.»

Leurs maisons, pourtant, ils s’en sont souvent éloignés au cours des dernières années. Quand ils étaient sur la route, en tournée. La chanson Times of Survival, le temps de la survie, traduit bien cette émotion-fatigue, ce désir d’«essayer de se rendre jusqu’au bout». «I was tired, so tired», chante Sabrina.

«Ouais, Sab, c’est un gros bébé», s’amuse son ami. «Heille!»

On se dit que c’est en raison de tous ces spectacles donnés à la chaîne que la première pièce de l’album, Nothing Personal, se termine, clin d’œil, sur des applaudissements. Comme dans un concert. Fausse interprétation. «On était juste contents, raconte Jean-Vivier. On a tapé des mains tout au long de l’enregistrement et, à la fin, on applaudissait, bravoooo! On s’est dit: c’est vraiment niaiseux, on le garde-tu?»

Ils l’ont gardé. Comme toutes ces questions que Sabrina s’est posées et qu’elle a transposées dans ces textes. Du type «Am I doing the best I can?». «Le premier album était fait d’impressions, d’images. Ici, j’avais des choses particulières à dire. D’où la difficulté à écrire. Chaque ligne.»

Elle concède qu’il y a des mots qui lui sont venus plus facilement. Dans Times of Survival, c’est le libérateur «shitstorm», qui n’a pas son équivalent en français. («Tempête de m*rde», ça n’a pas du tout le même effet.) «Ça traduisait vraiment ce que je voulais dire : je traverse une shitstorm. Je suis à boutte. C’est vraiment défoulant!»

Les musiciens semblent d’ailleurs s’être défoulés entièrement sur ce Wider Space. Pour cela, ils créditent le réalisateur Marcus Paquin, qui a bossé avec Arcade Fire et The National («Une bibitte d’énergie», dit Sabrina. «Marcus président!» propose Jean-Vivier). Paquin les a poussés dans de nouvelles contrées, leur a fait faire des envolées de voix sur «une espèce de petite samba triste», les a inspirés à jouer avec des bouteilles vides qui traînaient à côté de leurs instruments. Le résultat est riche, accrocheur. Franchement super. Mais… «Je n’ai aucune idée si les gens vont aimer ça! s’exclame soudain Sabrina. Hîî! Je n’ai même pas pensé à ça!» «Si les gens n’aiment pas ça, on arrête, tranche Jean-Vivier. On s’en va chez nous.»

Non, restez. On aime. Vraiment. Vraiment.

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