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Le roman à la façon William Boyd

Photo: Carolin Seeliger

L’écrivain anglais William Boyd revient avec L’Attente de l’aube, son onzième titre. Comme pour chacun de ses livres, il manie l’art du roman à la perfection.

Avec ce nouveau roman, il ressuscite Vienne à l’aube de la Première Guerre mondiale, et nous plonge dans les débuts de la psychanalyse avec Lysander Rief, un jeune comédien londonien venu soigner son anorgasmie. Pour les besoins de la cause, l’auteur d’Un anglais sous les tropiques a répondu aux questions de Métro par courriel.

L’Attente de l’aube est un roman d’espionnage teinté d’humour, mais c’est aussi un roman d’amour. Pourquoi ces changements de genres?
Je suis mon instinct et, très souvent, je mélange les genres. Le roman est la forme d’art la plus riche – vous pouvez faire tout ce que vous voulez, et je tire le maximum de cet avantage. J’écris des romans réalistes où le quotidien ressemble à la vie que nous menons tous – drôle, irritante, excitante, tragique, absurde, dangereuse, ennuyeuse, triste, trompeuse, etc. Il est donc inévitable que mes romans reflètent cette diversité.

Il y a des personnages bien réels, comme Freud, et d’autres qui portent juste le nom d’écrivains célèbres. Aimez-vous amener vos lecteurs à se questionner sur ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas?

Si quelqu’un lit un de mes romans et oublie que c’est de la fiction, alors j’ai le sentiment du travail bien accompli. Le but est de séduire le lecteur en lui disant : «Entrez dans ce monde que j’ai créé, rencontrez ces personnages, confrontez leurs histoires et plongez au cœur de leurs vies. Oubliez que vous lisez un roman et livrez-vous à la réalité du monde que j’ai inventé.»

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Dans ce nouveau roman, vous plantez le décor à l’aube de la Première Guerre mondiale, tout comme dans Les nouvelles confessions. Est-ce une période qui vous fascine particulièrement?
Je pense que les Anglais ont une obsession pour la Première Guerre mondiale, et je ne déroge pas à la règle. Mon grand-père (William Boyd) a été blessé lors de la bataille d’Ypres, en 1917. La guerre fait donc partie de mon patrimoine familial. Je pense que pour nous, vivant à notre époque, le grand défi de l’imagination est d’essayer de comprendre comment cette terrible guerre a pu arriver et comment des millions de personnes ont pu être condamnées à mourir sur les champs de bataille. Je pense que la sensibilité humaine a changé depuis 1914-1918. Une part de l’innocence s’est perdue pendant ces années de guerre. Le monde est devenu moderne pendant la Première Guerre mondiale. En réalité, le 20e siècle a débuté en 1918. Je soupçonne que c’est tout cela qui donne envie aux auteurs de revenir à cette période de notre histoire récente, pour poser les questions : Comment étions-nous à cette époque? Pourquoi sommes-nous allés, sans rechigner, à l’abattage sur des champs de bataille?

D’où vous vient l’idée de faire du comédien Lysander Rief un espion?
Je travaille dans le milieu du cinéma et de la télévision depuis 30 ans et pas moins de 16 de mes scénarios ont été portés à l’écran. J’ai également réalisé un film. Par conséquent, beaucoup des mes amis proches sont des acteurs, et j’ai toujours été fasciné par ce métier. J’ai souvent essayé de comprendre ce qu’il faut pour être un bon acteur. Leurs «qualités» sont, selon moi, proches de celles requises pour être un bon espion : la capacité à dissimuler, le sens aiguisé de l’observation, l’art de vivre «un mensonge» d’une façon tout à fait convaincante. L’espion et l’acteur sont proches. D’ailleurs, l’espion et le romancier aussi, me semble-t-il.

Vous oscillez souvent, dans vos romans, entre réalité et fiction. Est-ce pour rendre vos romans plus réels?
Oui. «Si vous voulez comprendre la condition humaine, lisez un roman. Paradoxalement, la fiction est la meilleure façon de sonder les vérités de notre étrange aventure sur cette petite planète. Et comme je veux que mes romans soient le plus réel possible, j’y introduis de vraies personnes ou des événements qui se sont vraiment passés. C’est une façon d’exploiter la force de la fiction puisque le roman peut s’approprier l’histoire, la biographie, le reportage, l’actualité et ainsi de suite, sans presque aucun effort.

Le thème de l’identité est récurrent dans vos romans. Y a-t-il un lien avec votre propre vie?
Je suis de plus en plus convaincu qu’il y a un rapport entre les deux. Si vous demandez à quelqu’un d’où il vient, il peut, en général, vous répondre en un mot. Moi, ça me prend cinq minutes. Je suis Écossais, je suis né et j’ai grandi en Afrique et, aujourd’hui, je vis entre l’Angleterre et la France. Je suis un authentique déraciné! Donc, l’idée de l’identité me fascine de plus en plus. Cela dit, on se pose tous des questions sur l’identité comme : Sommes-nous une seule personne, ou plusieurs à la fois? Peut-on changer? Sommes-nous différent tout au long de notre vie? Est-il possible de se réinventer? Et ainsi de suite.) C’est une préoccupation profondément humaine.

Vous avez une manière peu académique d’écrire. Pourquoi prenez-vous autant de liberté?
En utilisant ces différentes formes d’écriture, j’enrichis le roman. Bien que ce soit un roman d’espionnage, je peux exploiter tous les procédés littéraires qu’offre le roman pour dire secrètement aux lecteurs : «C’est un roman beaucoup plus complexe et riche qu’il n’y paraît au premier coup d’œil.»

Vous écrivez en employant différentes formes de narration, vous passez du «je» au «tu», en passant par «il» et «vous», et vous le faites brillamment. Pourquoi ces alternances?
Dans la littérature anglaise, depuis le début du 20e siècle, bon nombre de romanciers célèbres ont été attirés par le roman d’espionnage, comme Joseph Conrad, Graham Greene, Anthony Burgess, Muriel Spark, John Banville, Ian McEwan et bien d’autres. Et j’en fais parti. Une des raisons pour lesquelles j’utilise différents pronoms c’est pour montrer la richesse qu’offre le roman d’espionnage – ses thèmes de trahison, d’hypocrisie, de fausses identités, de mauvaise foi, des doublent et des triples vies –, mais en aucun cas ça n’enlève du sérieux au livre. Mais cela implique qu’il faut le lire avec beaucoup de concentration, d’autant plus qu’il y a beaucoup de chapitres d’intrigues.

Pouvez-vous nous livrer des scoops concernant ces prochaines aventures?
Nous allons débuter dans trois semaines le tournage, en Afrique du Sud, d’un film, pour la BBC, adapté de mon roman La vie aux aguets. Le casting est remarquable : Charlotte Rampling, Michael Gambon, Rufus Sewell, Michelle Dockery and Hayley Attwell. Je suis vraiment enchanté par cette perspective.

L’attente de l’aube
Seuil

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