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Before I Fall : Encore aujourd’hui

Photo: Collaboration spéciale

Comment parler d’intimidation en ayant réellement un impact? En éveillant les consciences de ceux qui s’y adonnent?
En faisant réaliser que de se liguer contre un de ses pairs, juste pour faire comme tout le monde, c’est complètement nul et que ça laisse des traces indélébiles? Qu’il n’y a rien de mieux que d’être soi-même, de ne pas suivre le troupeau et de dire stop? Dévoilé à Sundance, Before I Fall, de Ry Russo-Young, y parvient en offrant un message pas trop appuyé, qui appuie toutefois juste là où il faut.

Un vendredi de février, juste avant la Saint-Valentin, Samantha se réveille à 6 h 30. Irritée, elle rabroue sa petite sœur, ne salue pas ses parents, rejoint ses trois meilleures amies. À l’école, elle récupère les roses qui lui ont été envoyées par ses prétendants (elle est populaire, elle en a plein), rit avec ses copines d’une de leurs camarades de classe, presque mécaniquement. «Hahaha, t’as vu ses cheveux?» «Hahaha, Norma Bates.» Le soir, elle se rend à une fête. Organisée par un gentil garçon qui l’aime bien. Mais Sam se fout de lui, ne veut rien savoir, n’en a que pour le tombeur-noceur avec qui elle sort. Il est un peu con, mais qu’importe. Elle ne l’avouerait à personne, et surtout pas à elle-même.

Au milieu de la soirée, inopinément, la souffre-douleur de la bande, celle qui a été la cible des moqueries du matin, celle qui est la cible des moqueries de tout le temps, se pointe. Évidemment, les méchancetés et les insultes fusent, tout de suite. Une chicane éclate, un accident se produit, tout devient noir. Puis, Sam se réveille. Le même matin. Encore. Vendredi. Encore. 6 h 30. Encore. Et elle revit tout ce qu’elle a vécu. Encore. Encore. Encore.

Adapté du roman jeunesse éponyme de l’auteure américaine Lauren Oliver, Before I Fall s’intéresse aux cicatrices laissées par l’intimidation, à l’impact des railleries sur une existence. Mais souhaitant visiblement atteindre le cœur du problème, ne pas se la jouer moralisante, index pointé, tut tut tut, la facture rappelle les séries remplies de protagonistes glamour et branchés, comme Gossip Girl ou Pretty Little Liars.

Ben Gabbe/Getty Images
La cinéaste Ry Russo-Young

Réalisé par la cinéaste new-yorkaise Ry Russo-Young, 35 ans, ce long métrage tourné à Vancouver baigne dans les tons de gris anthracite, de vert forêt, de bleu marine. «Beaucoup de films pour ados ont une esthétique pop, avec des rouges, des orange, des jaunes hyper lumineux, remarque-t-elle. Mais je trouvais que les paysages de l’Ouest canadien, et leur palette plus sobre, convenaient bien mieux à cette histoire. La pluie qui fait écho aux larmes de Sam, la brume, le brouillard… tout ça évoquait le mystère, oui, mais surtout la mort, le drame, la douleur. D’une façon belle, esthétique.»

Dans la bande-son, on entend le Pretty Pimpin de Kurt Vile, mais surtout des pièces interprétées par des artistes féminines. Grimes, Karen O, Ruelle. La musique est d’ailleurs quasi omniprésente. Fallait-il qu’elle fasse partie intégrante du film de la même manière qu’elle fait partie intégrante de la vie de presque tous les ados? «Certainement!» répond Ry. Puis, elle ajoute : «Je trouvais que les voix de ces chanteuses accompagnaient, fortifiaient et, en quelque sorte, donnaient corps aux événements que Sam traversait.»

Parmi ces événements : un face-à-face avec une compagne de classe assumée, directe, qui affirme vivre dans un «enfer hétéronormatif», et qui demande de front à Sam pourquoi elle et ses amies ne l’aiment pas. «Juste parce que je suis gaie? Vraiment? Juste pour ça?» L’intimidatrice se rend alors compte à quel point c’est stupide. À quel point elle a tort. À quel point elle fait du mal pour rien.

C’est la Californienne Zoey Deutch, nouvelle star montante de 22 ans, qui incarne Sam, cette adolescente d’abord froide, souvent blessante et centrée sur elle-même, qui se retrouve coincée dans un genre de Jour de la marmotte. Elle qui la fait passer par des dizaines d’émotions contraires au cours du film, qui imprime de multiples expressions dans son visage : air blasé, panique, inquiétude, fatigue, désespoir, empathie, douceur… «Le mot d’ordre que j’ai suivi, c’est de plonger aussi profondément que je le pouvais dans tous les sentiments que je devais traduire, confie l’actrice. J’ai travaillé vraiment fort, parce que ça me tenait énormément à cœur.»

Comme il tient au cœur de la réalisatrice, Ry, de faire comprendre à quel point il est important de s’éloigner de l’influence de la meute, d’être soi. La question que nous nous sommes tous posée un jour, soit «suis-je une bonne personne?» imprègne d’ailleurs le film. Tout comme l’inévitable interrogation qui suit, à savoir : «Et que dois-je faire pour en être une?» C’est du reste ce que Before I Fall met en lumière : on fait tous des erreurs. Ça fait partie de l’expérience humaine. Mais on peut réparer nos torts si on s’y prend vite, maintenant. En effet, comme pour Sam, il n’y a peut-être pas de lendemain, seulement un aujourd’hui (dans son cas revécu à répétition, mais quand même). «Il n’y a pas d’âge pour se laisser aller à ce type d’introspection, affirme la cinéaste. Que ce soit à l’âge adulte ou lorsqu’on est encore au secondaire, il faut remettre en cause nos actions, et les normes sociales qui les dictent. Celles qui nous semblent parfois aller de soi, mais qui sont souvent si nocives pour autrui.»

Before I Fall
En salle aujourd’hui

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