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Geoffroy: Ailleurs, plus loin

Photo: Chantal Levesque / Métro

Le littoral de Geoffroy, c’est un espace infini et riche. Où on oscille entre les sons électroniques et les vrais instruments. Où on se tient constamment sur le bord. Bord de mer, bord d’un gros choix de vie. En fait, pour reprendre une de ses expressions- clés, sur la Coastline de Geoffroy, «c’est nice».

Il a fallu deux ans à Geoffroy pour terminer son premier album studio. «J’ai vu la lumière au bout du tunnel peut-être trois mois avant la fin. Par moments, j’ai été dépassé. C’est beaucoup de travail, de sacrifices, d’instants où l’inspiration vient moins. Mais je savais qu’à l’arrivée, ça allait valoir la peine.»

Effectivement. Et comment.

Le Coastline (ou littoral) qui sert de titre à son album, le musicien montréalais l’avait dans la tête depuis le début, ou presque. Comme symbole de ses voyages, nombreux. Comme reflet d’un pas à franchir, de cette frontière sur laquelle on se tient avant de prendre une décision importante. Sous les palmiers et le ciel bleu poudre de la pochette (illustrée par Noémie Éclipse) se cachent des réflexions sur «le désir de l’amour constamment confronté au désir de liberté et d’évasion».

L’évasion, ici, est du reste entière. On plonge dans ce disque qui semble avoir réellement été pensé comme un tout et non comme un single, singulier ou pluriel. De 1 à 11. «Je voulais que chaque chanson ait son poids et devienne “la préférée” de quelqu’un.»

Une de ses préférées à lui, Day at the Museum, se trouve au centre, à la fin de la face A. Une pièce où ne résonne qu’une phrase répétée d’une voix hantée en boucle : «So… bring me back to your home?» (Dans le livret, un émoticon de bonhomme sourire suit cette affirmation. Faque, tu me ramènes à la maison?) «Ouain, s’esclaffe Geoffroy. C’est assez straight to the point

Le point de départ de ce morceau? Une visite de l’installation from here to ear, de l’artiste français Céleste Boursier-Mougenot, au Musée des beaux-arts de Montréal. Vous savez, celle où des vrais oiseaux jouaient sur, ben, des vraies aussi guitares électriques?

«J’ai passé plusieurs mois à chercher des paroles. Ça prend du temps. Des fois, tu t’enfermes pendant une journée, c’est samedi, il fait beau dehors, il n’y a rien qui sort.»

«Mon réalisateur Max [Antoine Gendron] avait été voir l’expo avec une date, raconte Geoffroy. Il avait enregistré une note que les oiseaux avaient faite sur une guit et on l’a échantillonnée. Je trouvais ça cool d’avoir une pièce plus contemplative. T’écoutes ça, tu entres dans ta bulle, tes pensées se mettent à tourner.»

Lui a tourné depuis quelques années plein de disques qui ont laissé leur marque subtile sur son Coastline. Ceux du réalisateur britannique Bonobo, du compositeur new-yorkais Nicolas Jaar, du duo électropop Sylvan Esso, du band british Alt-j… «Et beaucoup de musique du monde», ajoute-t-il.

Il a aussi été «pointu» sur l’utilisation des percussions, dont il a «toujours été un gros fan». «Je ne voulais pas de beats à la humtss, humtss, humtss. Parce que l’électro, ça peut parfois devenir monotone et redondant.»

Mais on est loin ici de la redondante monotonie. Entre autres parce que Gabriel Gagnon, le réalisateur avec qui il cosigne deux pièces («c’était un gros trip»), a convié plusieurs musiciens de talent en studio. Parmi eux, le jazzman québécois Charles Papasoff, qui joue notamment de la clarinette basse sur la Journée au Musée susmentionnée. Et sur la plus groovy Call of the Wild. «Je suis content, ça donne un son feutré, lourd et nice!»

Geoffroy aussi est gentil. Il nomme tous ses collaborateurs, une, deux fois, s’enthousiasme de leur travail. «Le synthé de Clément Leduc à la fin de Bad Habit, tatatatataa, je capote. Les percussions de Benji [Vigneault] sont malades! Sans parler de toutes les petites passes de guitare de Simon Pedneault!»

Il est vrai que le disque regorge de surprises. Comme Trouble Child, qui débute avec un échantillon de tambour indien bhangra. «On était dans un mood de Drive, le film. La basse saccadée, le beat électro derrière.» Et le tube Nightcall, de Kavinsky. «Ça me trottait dans la tête depuis longtemps. C’est venu me chercher.»

Chercher, comme l’ont fait les vidéos de ASMR («réponse automatique des méridiens sensoriels») sur YouTube. («Tu sais, des gens qui chuchotent ou qui mangent des affaires et qui enregistrent juste les sons? C’est vraiment weird!» On seconde : allez voir ça, c’est… hmm, intriguant.) C’est de là que viennent les murmures en intro à la pièce Raised by Wolves. «Des fois, on fume trop de weed, on a des flashs de buzzés et on finit par les garder! s’amuse Geoffroy. Mais si on a une idée, qu’on tripe dessus, qu’on la trouve drôle et que ça fonctionne, pourquoi ne pas la garder et ne pas trop se poser de questions?»

Parlant de question, sur la pièce-titre, il chante : «Même si mes meilleures années sont derrière moi, ça ne me fait rien.» Il le pense vraiment ou c’est un procédé poétique? «Je le pense vraim… hm, non. Ce n’est pas comme si j’étais déçu du présent ou que je n’avais pas hâte à l’avenir. C’est plus pour dire que j’ai réellement vécu une belle vingtaine.»

Une vingtaine à voyager tout plein avec sa guit, à jouer des reprises de Jack Johnson et d’autres artistes spécialisés en «musique de surf et de plage», en Grèce, en Australie, en Thaïlande, en Espagne. «Partout.»

Le natif de NDG («j’ai grandi coin Terrebonne et Royal») clame d’ailleurs être «an old soul», une vieille âme. Vieille comment? «Je grandis trop vite mentalement. Je me pose plein de grosses questions. J’ai 29 ans, donc je pense que c’est normal, mais… à force de voyager, de vivre des expériences, je suis désillusionné de beaucoup d’affaires.»

Désillusionné?  De tous ces périples? Pas ressourcé? Inspiré? «En fait, je ne suis pas intéressé par le succès immense ou par le fait d’être sur mon cell tout le temps.»

Ah! OK! Ça, ce n’est pas de la désillusion. C’est juste une belle façon de voir les choses.

Coastline
Offert sous
étiquette Bonsound
Lancement vendredi soir
à 20 h au Centre Phi

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