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Le soldat qu’il n’était pas: Je me souviens

Photo: Collaboration spéciale

Les PRIM présentent ce soir le documentaire Le soldat qu’il n’était pas, de Leopoldo Gutierrez.

Le 11 septembre 1973, un coup d’État renversait le gouvernement Allende au Chili et le général Pinochet prenait le pouvoir. Parmi les soldats conscrits, le documentariste Leopoldo Gutierrez, qui, quelque 40 ans plus tard, a retrouvé quelques-uns de ses camarades de l’époque pour replonger avec eux dans les mémoires douloureuses de cet événement qui a marqué le Chili au fer rouge. Discussion avec le réalisateur de ce film-choc.

Voilà près de 40 ans que le coup d’État a eu lieu; pourquoi avoir fait ce film toutes ces années plus tard?
Faire ce film, c’était un engagement envers moi-même, car j’ai participé – j’étais conscrit à l’époque. Je crois que je n’aurais pas pu le faire avant. C’est une question de tempo naturel. D’autre part, je crois que ce n’était pas si facile que ça, et que ça ne l’est toujours pas, de parler de ces événements avec les gens concernés. Le recul permet un certain calme par rapport aux faits, de parler d’un sujet qui pour certains est plus complexe. C’est aussi comme faire un plongeon dans une mémoire qui n’est pas nécessairement claire.

Pourquoi ne l’est-elle pas?
Parce que les gens qui ont été soumis à un syndrome post-traumatique représentent involontairement ce qu’ils ont vu ou vécu dans leur esprit, et c’est un manque de maîtrise sur leur volonté, avoir ces images qui se répètent, les noyer dans l’alcool ou dans d’autres substances. Ce voyage dans la mémoire n’est pas évident. Il faut faire un certain nettoyage, prioriser certaines choses. Ça me marque beaucoup, le fait que l’État, que les gens ne veuillent pas parler de ça. Ça peut être de la honte, mais il y a un silence. On ne veut pas en parler. Ça fait l’affaire de ceux qui ont le pouvoir, parce qu’on ne veut pas avoir trop de gens dans la rue. Mais le calme est très fragile; dès qu’on parle un peu, ça explose.

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Est-ce que ç’a été difficile de convaincre les gens de parler? Ça semble au contraire les soulager…
Établir la confiance, ce n’est pas évident. Il a fallu parler, passer du temps ensemble, échanger des histoires… Souvent, ils voulaient que j’aille chez eux, que je rencontre leurs femmes, leurs enfants, leur monde, quoi. Et puis, ensuite, on pouvait tourner.

Avez-vous appris des choses que vous ignoriez en tournant ce film?
Ce qui m’a le plus ému, c’est de découvrir qu’il y a eu des soldats qui ont désobéi. J’ai trouvé ça assez courageux, et ça m’a confronté avec moi-même. Pourquoi moi, je n’ai pas désobéi? Parce que je voulais survivre. Mais ça prouve bien d’autres choses, comme le fait qu’il y a des gens qui ont une éthique à toute épreuve. On ne peut pas juger ceux qui n’ont pas désobéi; à 18 ans, on est des enfants. Ça montre la perversité de l’armée. Le service militaire, je crois que c’est une façon d’enlever la liberté aux citoyens sans qu’ils s’en rendent compte. Au fur et à mesure que les années passent, on réalise ce qu’on a fait – j’ai contribué à réprimer mon propre peuple et à détruire la démocratie… – et c’est très difficile à avaler. Mais on ne le voyait pas parce qu’on n’avait pas de leader éclairé pour nous le faire comprendre.

Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de ce film?
Un certain inconfort. Ce n’est pas pour être méchant, mais pour s’éloigner du sentiment très mortel que peut donner un film avec un happy end à la Hollywood. Je veux que les gens sortent avec un questionnement et se demandent s’il y a un moyen de contrôler les armées, parce qu’il y a des atrocités qui sortent, dans toutes les armées du monde. Il y a des attentats à la dignité humaine et à la volonté citoyenne. Je sais que le film est dérangeant, parce que bon, il faut bien que quelque part, quelqu’un soit capable de se mettre dans la peau de ces gens.

Le soldat qu’il n’était pas
À la Cinémathèque québécoise
Mercredi à 20 h 30

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