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Paul Hébert est décédé à l’âge de 92 ans

Photo: Archives / TC Media

MONTRÉAL — L’homme de théâtre Paul Hébert, interprète du bouillant Siméon Desrosiers dans le téléroman «Le Temps d’une paix», et fondateur de six théâtres au Québec, est décédé.

Il était âgé de 92 ans.

Selon Gisèle Gallichan, une amie de la famille, M. Hébert était hospitalisé depuis qu’il a fait une chute, au début du mois d’avril et il est mort dans un hôpital de la ville de Québec.

En soirée jeudi, le théâtre du Trident, dont il est l’un des fondateurs, a annoncé la triste nouvelle sur sa page Facebook.

Paul Hébert aura passé sa vie devant et derrière les rideaux, collaborant à un très grand nombre de productions théâtrales à titre de metteur en scène, d’acteur ou encore de directeur artistique, en plus de laisser une marque indélébile dans l’histoire de la télévision québécoise. Il avait déjà quitté le métier sur la pointe des pieds en 2005.

Selon Anne-Marie Olivier, comédienne et directrice artistique du théâtre Trident, le Québec a perdu un acteur plus grand que nature: «Jouer avec Paul était un bonheur complet, c’est très rare dans la vie d’un interprète de toucher à la perfection. Tout ce qu’il faisait était extraordinaire, il avait la justesse parfaite dans son jeu.»

Au petit écran, Paul Hébert participe à plusieurs oeuvres qui ont marqué l’histoire culturelle du Québec. Dès 1953, un an à peine après l’avènement de la télévision au Canada, il est du feuilleton «14, rue des Galais». Il prend part à plusieurs émissions pour enfants, dont «La Boîte à surprises», et interprétera dans les années 1980 le rôle de Siméon Desrosiers, rival politique de Joseph-Arthur dans «Le Temps d’une paix», de Pierre Gauvreau. En 2005 encore, on pouvait le voir dans le téléroman «Nos étés», diffusé au réseau TVA.

Gisèle Gallichan, se souvient d’un homme humble, qui était passionné par ce qu’il faisait: «Il a fait du théâtre et de l’art dramatique, sont apostolat. Il embrigadait ses collègues et ses proches dans son sillon. Il était tellement passionné parce qu’il faisait, qu’il ne pouvait pas faire autre chose que d’embrigader les gens autour de lui.»

C’est aussi lui qui a fondé avec son copain Albert Millaire, en 1955, le premier «théâtre d’été» au Québec, le Chantecler, à Sainte-Adèle.

On a pu le voir évoluer sur les planches jusqu’en 2002, année où il interpréta le rôle du docteur Tchéboutykine dans «Les Trois Soeurs» d’Anton Tchékov, montée par Wajdi Mouawad. Trois années plus tôt, Robert Lepage lui avait confié l’immense rôle de Prospéro dans «La Tempête» de Shakespeare, à «son» théâtre du Trident.

Paul Hébert, descendant de Louis Hébert, «premier colon français à s’installer en Nouvelle-France», est né le 28 mai 1924 à Thetford Mines, près de Québec. Il devient orphelin de père à l’âge de trois ans et sera élevé par sa mère et ses tantes. Après des études au Collège de Lévis et à l’Université Laval, le jeune acteur amateur se fait proposer par le directeur de la compagnie «Les Comédiens de Québec», Pierre Boucher, de mettre en scène «Le Jeu de l’amour et du hasard» de Marivaux, dans laquelle il jouera aussi Arlequin. Boucher lui confiera par la suite la direction de la compagnie de Québec pendant deux ans.

Il quitte le Québec en 1949 pour parfaire sa formation d’acteur à la prestigieuse école du «Old Vic Theatre» de Londres, grâce à une bourse du Conseil des arts de Grande-Bretagne. «Pierre (Boucher) m’a dit: ‘À Paris, on enseigne le théâtre; à Londres, on s’entraîne. Et le théâtre, ça ne s’enseigne pas’», expliquait Paul Hébert au quotidien Le Soleil en 2009. «Ça a été la totale! (…) On avait des professeurs extraordinaires.»

Rentré au pays en 1952, Paul Hébert se lance aussitôt dans la création de maisons de théâtre: l’Anjou en 1954, l’Esterel en 1961, L’Atelier en 1964 — voué à l’entraînement des acteurs comme il l’avait vécu à Londres —, et bien sûr le Théâtre Paul-Hébert à l’île d’Orléans en 1982 (déplacé en 1998 en haut des chutes Montmorency pour devenir le Théâtre de la Dame blanche).

Fortement attaché à Québec, il a été aussi de la première équipe du Trident, en 1971, dont il sera le directeur artistique pendant six ans. L’homme de théâtre y présente des pièces véhiculant une forte charge sociale: «Charbonneau et le Chef» (sur l’archevêque de Montréal et Maurice Duplessis), puis «La Mort d’un commis-voyageur» et «La Chatte sur un toit brûlant», grands classiques du théâtre américain du XXe. Pour Paul Hébert, le théâtre était «avant tout un geste social qui devient artistique et culturel», disait-il en entrevue au Devoir en 2007.

Malgré l’importance de ses rôles sur les planches, il confiait au Devoir que dans toute sa carrière, c’était son rôle de metteur en scène qu’il considérait comme le plus important. «Faire vivre concrètement l’imaginaire d’un auteur et de ses personnages dès le premier contact avec le texte, c’est le bonheur…», se réjouissait-il encore.

À la scène, pendant 54 ans, il a tâté de tout: «Un mois à la campagne» de Tourgueniev, «Qui a peur de Virginia Woolf?» d’Albee, le «Don Quichotte» de Ronfard, ou «Je ne suis pas Rappaport», mise en scène de Gill Champagne.

À la télévision, il sera notamment de «Rue de l’Anse», du «Paradis terrestre», de «Race de monde», des «Tisserands du pouvoir», de «Cormoran» ou de «La Montagne du Hollandais», et jusqu’à «Nos étés» en 2005.

Touche-à-tout des arts dramatiques, celui qui a longtemps été considéré comme «le doyen du théâtre à Québec» a aussi joué dans quelques films. Les cinéphiles québécois se souviendront surtout de lui dans «La Vie heureuse de Léopold Z.» (1965), de Gilles Carles, où il interprétait le superviseur de Guy L’Écuyer, déneigeur. Il a aussi tenu des rôles dans «La Neuvaine» de Bernard Émond, «Le Confessionnal» de Robert Lepage ou «Les Fous de Bassan» d’Yves Simoneau.

Il a aussi coécrit la pièce «Québec, printemps 1918», avec Jean Provencher et Gilles Lachance.

Paul Hébert a par ailleurs enseigné à l’École nationale de théâtre en 1965, puis a dirigé les conservatoires d’art dramatique de Montréal et de Québec en 1969 et en 1970.

Aussi actif dans sa communauté, il effectue du bénévolat pendant plusieurs années auprès des Petits Frères des pauvres. La maison de l’organisme située à Québec porte d’ailleurs son nom depuis 2007.

Paul Hébert a bien sûr reçu le prix Denise-Pelletier pour les arts de la scène, en 2007, mais aussi le prix du Gouverneur général, le prix «Hommage» de l’Académie québécoise du théâtre et le prix Victor-Morin pour le théâtre, de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Il a aussi été décoré de l’Ordre du Canada en 1987, fait chevalier de l’Ordre national du Québec en 1994, et a reçu des doctorats honorifiques de l’Université du Québec ainsi que de l’Université Laval en 1984 et en 2000.

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