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Jerry Seinfeld et Gad Elmaleh à JFL: De Gad à égal

Photo: Collaboration spéciale

Sur l’affiche, ils sont côte à côte. Jerry Seinfeld, la légende américaine de l’humour de retour à Just for Laughs pour la première fois en près de 30 ans, et Gad Elmaleh, le Franco-Marocain star en France et habitué de Montréal. Depuis leur rencontre à Cannes, il y a une dizaine d’années, autour du film d’animation Bee Movie (Drôle d’abeille) – qu’ils ont doublé chacun dans leur langue –, une amitié s’est créée. Demain, ils se produiront en anglais, tantôt ensemble, tantôt en solo, mais dans un but commun : faire en sorte que deux publics se rencontrent. Entretien avec Gad Elmaleh, qui a entamé en 2015 son rêve chez l’Oncle Sam.

Vous avez l’habitude de venir jouer à Montréal, mais en anglais ces derniers temps…
C’est mon nouveau défi depuis que je suis aux États-Unis. Le faire à Montréal, en anglais, apporte des énergies dans la salle qui est très intéressante. J’avais le cliché de l’anglophone canadien, mais j’ai été très surpris. Tu as des gens qui ont immigré au Québec, des gens qui sont francophones, mais dont les enfants sont allés dans des écoles en anglais. Souvent, ils me connaissent, mais j’ai travaillé en français, et ce n’est pas la langue qu’ils parlent directement. Un truc m’a beaucoup touché: des Québécois ou des Québécoises francophones qui sont en couple avec des anglophones et qui se disent: «Finalement, je peux amener mon chum ou ma blonde!»

Allez-vous adapter vos blagues américaines au public d’ici?
J’ai envie de parler aux gens qui sont à Montréal. La langue, c’est simplement un moyen. Dans mon show en français, quand je dis que j’ai été à l’Université de Montréal en science politique, je pense que ça parle aux anglophones. C’est important qu’ils puissent s’identifier. Si c’est pour faire sur mesure ce que je fais à New York, ce n’est pas génial.

Certes, il y a des thèmes universels comme le dating, arriver en tant qu’étranger… mais c’est un kiff de pouvoir dire au public montréalais des choses un peu plus pointues, ce que je ne peux pas faire ailleurs. Avoir des observations sur Montréal, c’est sympa, d’autant plus que j’y ai vécu, que je connais bien.

Et cette fois, vous serez donc avec Jerry Seinfeld…
Il y a quelques mois, on est à la Place des Arts. Je fais sa première partie et on se rend compte tous les deux que la seule ville au monde où on attirera le public en grand nombre tous les deux, c’est Montréal. Aux États-Unis, je n’attirerai jamais autant de monde que Jerry Seinfeld, et en France, il n’attirera jamais autant de monde que moi.

On va assister à quelque chose qui est assez marrant le soir du spectacle : il va non seulement y avoir une rencontre de deux artistes, mais aussi
une rencontre de deux publics.

Vous croiserez-vous sur scène?
Ce sera dans la pure tradition du stand-up. J’ai entendu plein de choses comme: «Allez-vous vous déguiser ou faire des sketchs?» Non, certainement pas. On va saluer le public ensemble pour avoir une petite interaction, mais après, chacun aura son moment. Bien entendu, on veut absolument avoir un instant ensemble au début. On a envie de montrer au public notre complicité, notre joie d’être là, de parler ensemble. Si t’annonces un show comme ça, les gens veulent nous voir au moins un peu ensemble sur la scène, sinon ça n’a pas grand intérêt.

Depuis votre rencontre, il y a 10 ans, votre relation va en s’approfondissant, non?
Jerry et moi, on est devenus potes. Il vient voir mes shows à Paris, je vais voir ses shows à New York. Une vraie belle relation s’est installée entre deux humoristes qui ont un travail sur l’observation. Ça nous rapproche énormément. À chaque fois que je l’entends faire un truc, je me dis: «Ça, je connais.»

Comment vous y prenez-vous pour vos observations?
Je note énormément, sans rédiger, sur tout et n’importe quoi. Ce sont des notes brutes sur un carnet ou sur mon téléphone. Puis, je fais une première sélection des thèmes et j’essaie de les tester tout de suite pour savoir si c’est drôle. Le public te donne la sentence immédiate, il ne faut pas se priver de ça. C’est plutôt américain comme concept. Si je demande à un comédien américain: «Penses-tu que c’est drôle?» Il va me dire: «Tant que le public ne te l’a pas dit, je ne peux pas te le dire.» Nous, les francophones, on est plus prétentieux. On croit qu’on sait ce qui est drôle avant! [Rires]

«J’étais un peu inconscient. J’ai commencé à aller assez rapidement dans les clubs. Au début, ce n’était pas glorieux. Ça ne riait pas fort. Tu peux avoir la plus belle blague du monde, si elle n’est pas bien dite, ça ne marche pas du tout. Jouer m’a fait beaucoup travailler sur la langue. Récemment encore, j’ai découvert qu’il vaut mieux dire “Vacaaaation” plutôt que “Vaaaacation”.» – Gad Elmaleh, sur son expérience de la scène aux États-Unis

Comment vous y êtes-vous pris pour améliorer votre anglais?
J’ai travaillé comme un fou, en ne suivant pas uniquement des cours de langue, mais aussi d’accent. J’ai ce qu’ils appellent un dialect coach pour prononcer les mots bien comme il faut. Ça, ce n’était pas évident. Tous les jours, je faisais 90 minutes d’anglais pur et 30 minutes avec mon dialect coach, dont le cours est très fatigant, même physiquement : tu es là à te tordre la bouche dans tous les sens pour essayer de bien dire les mots. Le pire, pour moi, c’est de rater une blague bien écrite à cause d’un problème d’accent.

Et ça semble payer devant le public américain…
Je sens que ça bouge, que le public s’élargit, que les Américains sont intrigués. Il n’y a pas que des expatriés [francophones]. Il y a eu un petit boom avec les late nights. Je ne vais pas dire que ça y est, que je suis devenu quelqu’un de très populaire. Je ne suis pas reconnu dans la rue. Mais le pourcentage d’Américains qui viennent me voir est de plus en plus important, surtout en tournée, dans les petites villes, où il n’y a pas d’expat. Et ce ne sont pas les villes qu’on croit! On donne toujours comme exemple le Texas, mais non, il y a énormément d’expats là–bas! Je parle de minivilles, dans les banlieues des grandes villes. Je fais des villes que je ne pensais pas faire. J’ai fait des grandes villes comme Boston, Washington, New York, Los Angeles, San Francisco, mais je fais aussi Irvine, San Jose, New Haven… bref, des villes que je connaissais pas.

Et il y a aussi le public américain fan de stand-up, des gens qui viennent parce qu’ils sont fans de comédie tout court. C’est rare, ça, en Europe.

Maintenant que votre carrière aux États-Unis semble décoller, est-il difficile de vous imaginer revenir en France?
Dans ce défi, le plus dur, ce n’est pas l’anglais, ce n’est pas le stand-up. Le plus dur, c’est d’être loin de sa famille. C’est un vrai sacrifice au quotidien. Tu dois faire des voyages, tout le temps. La seule chose qui pourrait un jour me faire dire qu’il faudrait que je calme le truc, ce serait pour voir ma famille. Mais sinon, j’y trouve un énorme plaisir. C’est une expérience.

Je vais refaire des shows en français bien sûr. Quand je vais en France, je fais de petites soirées où j’improvise un peu. J’ai besoin de garder le contact avec ça. Je réécrirai des spectacle en français. C’est ma langue première. Mais j’ai envie d’aller au bout de ce projet en anglais.

Dans les médias américains

Gad Elmaleh a crevé les écrans américains ces dernières années: il est d’abord apparu dans la série web de Jerry Seinfeld Comedians in Cars Getting Coffee, puis dans les émissions de fin de soirée de Stephen Colbert, de Seth Meyers et de Conan O’Brien. «J’espère pouvoir faire Jimmy Fallon», déclare l’humoriste.

Prochaine étape : la diffusion sur Netflix en 2018 d’un spectacle enregistré au Town Hall, à New York, ce 18 novembre. «Ça va être énorme!» commente Gad Elmaleh, impatient.

 

 

 

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