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Vendre ou rénover: Répertoire… quel répertoire?

Photo: Marilou Bois/Collaboration spéciale

Seize jeunes dramaturges monteront dans le ring mercredi et jeudi avec la ferme intention de remporter la victoire au terme d’une lutte (verbale) acharnée. L’enjeu : la définition et la place des classiques dans la production théâtrale québécoise.

Vendre ou rénover : combat théâtral autour des classiques de la dramaturgie, présenté dans le cadre du Festival du jamais lu, se veut un combat ludique autour des notions de création et de répertoire.

Lors de ces deux soirées, huit duos de débatteurs échangeront à propos de pièces marquantes de la dramaturgie d’ici, à savoir si elles devront être vendues (c’est-à-dire ne plus être montées) ou rénovées (revisitées et montées de nouveau).

Au programme, des pièces «qui sont dans une certaine zone grise», selon l’animateur et concepteur du spectacle, Alexandre Fecteau.

«Ce sont des textes marquants qui ont eu leur heure de gloire, qui ont fait leurs preuves à leur époque mais qui ne sont pas des intouchables.»

Ainsi, les participants s’affronteront autour de pièces comme La déposition d’Hélène Pedneault, qui a connu une large diffusion dans les années 1980 et 1990, Les oranges sont vertes de Claude Gauvreau, «une œuvre très connue mais un texte difficile qui appartient à une certaine époque», ou Le temps sauvage d’Anne Hébert, une sorte de «contre-emploi» pour une grande auteure dont «on connaît très peu l’œuvre théâtrale».

«Ce ne sont pas les textes les plus connus aujourd’hui, mais ils ont marqué au moment de leur création, assure Alexandre Fecteau, qui est également metteur en scène. Ce sont de grands oubliés. Ou peut-être méritent-ils d’être oubliés? On pose la question.»

Vendre ou rénover est aussi l’occasion de faire de belles trouvailles, comme Cocktail d’Yvette Ollivier Mercier-Gouin, «un texte qui, s’il avait été écrit autrement, aurait pu être un élément fondateur du théâtre québécois ou canadien-français, croit Alexandre Fecteau. Une œuvre surprenante, écrite en 1935, d’une belle modernité, avec un personnage central de femme dans la quarantaine, quelque chose qu’on ne voit toujours pas sur scène de nos jours».

«Lorsqu’on pose la question de la place du répertoire, on pose aussi celle de la place de la création. Les créations d’aujourd’hui sont appelées à devenir – ou pas – le répertoire de demain. Comme on fait un art vivant, c’est un peu ridicule que notre répertoire, lui, ne le soit pas.» – Alexandre Fecteau, concepteur de Vendre ou rénover

Pour sa troisième présentation, Vendre ou rénover s’en tient aux auteurs décédés. «Lorsque les auteurs sont encore actifs, ça peut être assez délicat comme exercice», résume Alexandre Fecteau. Après tout, l’exercice se veut d’abord un spectacle, mélangeant créativité, intelligence et une certaine dose d’humour.

Ces deux soirées sont aussi l’occasion de lancer une réflexion plus vaste sur la place du répertoire dans la dramaturgie québécoise.

«Au Québec, on est avant tout dans un théâtre de création, juge Alexandre Fecteau, qui a notamment remonté Les fées ont soif de Denise Boucher au Théâtre de la Bordée à Québec en 2014. Il y a beaucoup d’auteurs et de textes qui s’écrivent, c’est fantastique. Mais il y a quelque chose qui ne se fait pas: la relecture et la critique des œuvres qui ont marqué dans le passé et qui peuvent encore nous parler.»

Une institution consacrée uniquement au répertoire québécois pourrait régler la question, mais elle est pour l’instant absente du paysage culturel.
«Le répertoire est parfois mis en compétition avec la création. On ne veut pas négliger les auteurs vivants au profit des auteurs du passé. Mais il faut garder en tête que des monuments, ça se construit, ça ne s’impose pas de soi nécessairement. Il faut revisiter les œuvres pour qu’elles deviennent tranquillement des incontournables, sinon c’est l’oubli qui guette les textes et, avec eux, certains fondements de l’identité nationale et culturelle.»

Mais au final, qu’est-ce qui mérite d’être considéré comme un classique?

«Il faut que la pièce soit plus que le bon témoin de son époque, estime Alexandre Fecteau. Elle doit être socialement et humainement plus universelle pour que les générations futures puissent se la réapproprier, pour qu’elles puissent parler de leur monde, de leur époque, à travers ces mots du passé.»

Infos
Au Théâtre d’Aujourd’hui
Mercredi et jeudi à 20 h

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