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Dominique Fils-Aimé: la liberté de l’aube à la nuit

Photo: Josie Desmarais

Incarner le rêve de liberté des esclaves et de leurs descendants qui ont fortement contribué à bâtir l’Amérique, c’est ce qui fait vibrer la chanteuse de pop-soul-jazz Dominique Fils-Aimé, finaliste de La Voix en 2015.

Engagé dans la lutte antiraciste au moment des grands mouvements anti-apartheid des années 1980, l’auteur de ces lignes avait fait le choix de ne pas aborder la question de la couleur de la peau de Dominique Fils-Aimé. Mais c’était avant de connaître le contenu de son premier véritable album (après le EP The RED EP, paru en 2015) : Nameless. Un titre qui fait évidemment référence à tous ces esclaves transportés de force dans des cales sinistres depuis, entre autres, l’île de Gorée, au Sénégal, pour venir enrichir les riches bourgeois blancs des États-Unis.

Élevée dans un certain confort matériel à Outremont, l’artiste qui se considère comme privilégiée a pu se brancher à ses racines en découvrant le jazz, la soul et le blues, grâce aux grandes chansons des non moins grandes Nina Simone, Billie Holiday et autres Aretha Franklin, bien que les auditeurs attentifs reconnaîtront aussi des reflets cendrés à la Sade dans sa voix qui emmitoufle. Elle offrira d’ailleurs quelques standards de ces chanteuses, en plus de ses propres compositions, au cours de sa rentrée montréalaise, le 28 mars prochain.

«Je ferai entendre d’où je viens sur le plan musical en interprétant des pièces popularisées par celles qui ont été mes influences. Ce sera très varié. Il y aura pas mal de Nina Simone, mais aussi de “covers de covers”. À une certaine époque, les artistes reprenaient des pièces et se les appropriaient sans qu’il y ait de sentiment d’appartenance. Je m’identifie à ce courant. Tu peux être une interprète et avoir ta propre identité. Il faut arrêter de penser qu’on a tout inventé. Tout a été fait, bien sûr, mais pas par soi-même», lance la gracieuse chanteuse qui a commencé à se produire avec une formation hip-hop avant de quitter cet univers, dégoûtée par le sexisme qui y régnait. Décision qui l’a incitée à retourner sur les bancs de l’université pour y suivre une formation en psychologie. Un champ d’étude qui la passionne et lui permet de nouer un lien avec son approche musicale, qu’elle souhaite pop, distrayante et entraînante, bien entendu, mais aussi cathartique. C’est d’ailleurs ainsi que son album a été conçu.

«Mes objectifs pour cet album et la musique en général, c’est d’exprimer mes émotions et mes perceptions, mais aussi d’offrir un peu de douceur, de réconfort et d’empathie. Je souhaite envelopper les auditeurs et mettre un baume sur leurs blessures. La musique a le réel pouvoir de toucher les gens et de faire passer des messages positifs de manière non invasive. Ce n’est pas en disant à quelqu’un “heille, change!” qu’il va le faire» – Dominique Fils-Aimé

À la différence, par exemple, d’une Betty Bonifassi, qui fait aussi un travail remarquable en interprétant des chants d’esclaves, Dominique Fils-Aimé propose de son côté une lecture aussi marquée de stigmates, mais plus encore d’affranchissement. Deux façons de voir la lutte contre le racisme. Deux nécessités. Malcom X versus Martin Luther King.

«Nous, on est plus proche de la fin de la nuit. Je comprends tout le discours autour de la souffrance et je suis d’accord avec le fait qu’on l’exprime, mais ce n’est pas là que je me place personnellement. Si on fait un cercle avec l’histoire, nous sommes plus près d’une période où on va chercher une nouvelle liberté que de l’époque où on allait chercher de nouveaux esclaves», poursuit l’artiste au visage radieux qui a d’ailleurs conçu son second album comme un voyage métaphorique, qui commence au début la nuit et se termine à l’aube.

Sortir de l’ombre
«Ce qui m’intéresse davantage, ce ne sont pas les chaînes physiques, mais les chaînes mentales qu’on garde encore en nous», analyse celle qui a commencé à monter sur scène il y a cinq ans, laissant de côté son rêve de ne se consacrer qu’au cinéma. Et si elle s’est longtemps refusée à la lumière des projecteurs, c’était aussi pour faire sa marque comme musicienne plutôt que comme canon de beauté. Une beauté que ne renierait pas, par ailleurs, une Grace Jones. Qu’à cela ne tienne, une recherchiste de La Voix, qui l’avait repérée en glanant ses enregistrements sur le web, l’a invitée à la populaire émission en 2015, sans même savoir qu’elle avait déjà tenté sa chance. Sans succès… «Il est en effet beaucoup plus facile de bien performer lorsqu’on vient te chercher en limousine et qu’on t’installe dans une loge, que quand tu dois attendre pendant des heures avant de livrer ton interprétation», explique-t-elle. Le plus beau souvenir qu’elle garde de cette expérience? «Le sourire radieux et le bonheur manifeste d’une jeune fille auprès de laquelle j’étais assise dans la salle en regardant mes collègues chanter. C’est là que j’ai compris l’immense impact positif qu’on peut avoir sur le public. Et ne serait que pour elle, ça vaut la peine de continuer.»

Dominique Fils-Aimé
En concert au Centre Phi mercredi à

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