Sortir de nos vies, avec le film Alphée des étoiles
Lettre au monde d’un père sur sa fille, Alphée des étoiles d’Hugo Latulippe est un portrait touchant de l’enfance. Discussion avec un homme qui crée de la poésie dans son quotidien.
La nouvelle est terrible. Alphée est atteinte d’une maladie génétique rare qui perturbe sa croissance. À l’âge de cinq ans, on conseille à ses parents de l’envoyer dans une école spécialisée. Ceux-ci choisissent plutôt de changer de vie et de transporter leurs pénates en Europe pendant une année afin de veiller à son éducation. Pour l’aider dans son cheminement, son père décide de la filmer…
«Je n’avais pas envie de faire un film bien cartésien et terre-à-terre sur une enfant malade avec un papa qui essaye de l’aider, explique le cinéaste Hugo Latulippe. Je voulais aller ailleurs… Alphée a quelque chose d’un personnage surréaliste. Elle est dans la marge dans tout. Et elle célèbre ça, elle l’affiche.»
Le spectateur se retrouve ainsi devant un documentaire à la hauteur de l’héroïne, baigné par de superbes paysages et une narration poétique, qui interroge le rapport au temps et aux enfants. La prémisse est peut-être tristounette, mais jamais le traitement n’est lourd pour autant. Au contraire, il est parsemé d’espoir et de joie de vivre.
«Alphée n’a pas vraiment de problèmes dans la vie, développe le réalisateur, qui a offert l’année dernière République : un abécédaire populaire. Ça confronte beaucoup les gens, qui sont souvent dans une posture d’apitoiement ou de pitié par rapport à elle. À la limite, je pense qu’Alphée trouve ça ridicule. Elle leur dit : «Allo, c’est quoi votre problème avec moi?» Elle se lève le matin et elle veut partir pour de nouvelles aventures. Je ne suis pas sûr qu’on ait tous la capacité d’enthousiasme qu’elle a. Elle a beaucoup à nous apprendre.»
L’art de s’engager
Il peut paraître surprenant qu’Hugo Latulippe, qui a fait son nom dans le documentaire social et engagé avec notamment Ce qu’il reste de nous et Bacon, le film, soit à l’origine d’un essai aussi personnel qu’Alphée des étoiles, où il parle de la maladie de sa fille. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que ce n’est pas particulièrement étonnant.
«Pour moi, le cinéma engagé et le cinéma social, ça ne veut rien dire, avoue-t-il. L’art est de facto engagé. À partir du moment où on met ses intuitions, ses sentiments, ce qu’on a au plus profond de soi sur la place publique, l’engagement est très fort. Ma monteuse me disait souvent en cours de route que c’était un film comme je n’en avais jamais fait. Oui, c’est vrai, il y a un caractère extrêmement intime. En même temps, sur le plan de l’univers qui a généré le projet, c’est la même soupe. Les personnages sont seulement plus proches de moi cette fois-là. Mais d’une certaine façon, on parle des mêmes choses : d’une vision humaniste du monde, de la nécessité d’une résistance aussi.»
Alphée des étoiles
En salle dès vendredi