The Sisters Brothers: Chevauchée fraternelle
Jacques Audiard revisite le mythe du western avec The Sisters Brothers, une épopée impitoyable qui lui a valu le Lion d’Argent de la meilleure mise en scène à la Mostra de Venise.
Avec des œuvres phares comme Un prophète et De rouille et d’os, le cinéma de Jacques Audiard semble s’être abreuvé aux sources hollywoodiennes afin de livrer des récits authentiques.
Ce n’était donc qu’une question de temps avant que l’important cinéaste français s’attaque à un premier film en anglais.
«Peut être est-ce tout simplement un désir de travailler avec des acteurs hors de ma langue maternelle, relativise-t-il en entrevue, rappelant l’utilisation de la langue tamoule dans Dheepan, Palme d’Or en 2015. Le vrai dépaysement pour moi est là.»
Autre nouveauté pour le créateur de Sur mes lèvres: c’est la première fois qu’il n’est pas l’instigateur d’un projet. Le comédien John C. Reilly et son épouse productrice Alison Dickey l’ont approché avec ce roman du Canadien Patrick deWitt.
«J’ai adoré l’expérience!, évoque le réalisateur, dont le style unique et reconnaissable explose encore brillamment à l’écran. Le livre de deWitt est un merveilleux mélange de brutalité, de raffinement et de drôlerie. Il oscille entre le picaresque et la comédie macabre.»
Se déroulant en Oregon en 1851, le long métrage suit les aventures de deux frères diamétralement opposés (John C. Reilly et Joaquin Phoenix) chargés de mettre la main sur la formule d’un chimiste (Riz Ahmed), qui reçoit la protection insoupçonnée d’un mystérieux détective (Jake Gyllenhaal).
«Je l’aime et c’est un grand acteur. Très grand. Il a un savoir du jeu d’acteur très fin et très complet. Si je faisais un plan-séquence d’une ou deux heures sur lui, on dirait à l’arrivée que c’est un film.» –Jean Audiard, à propos de John C. Reilly
Tourné dans les décors de Sergio Leone en Espagne plutôt qu’aux États-Unis et bénéficiant d’une photographie remarquable de Benoît Debie (fidèle collaborateur de Gaspar Noé), ce western crépusculaire se démarque des conventions.
Sa fibre élégiaque et mélancolique le rapproche davantage de McCabe & Mrs. Miller ou de Little Big Man que des classiques de John Ford.
«Le western est LE genre américain par excellence et par essence, rappelle le metteur en scène. Il a fourni les valeurs, les visages et les espaces pour l’écriture du mythe. En tant que Français, ce n’est pas mon histoire… Je me permets donc de ne prendre que ce qui m’intéresse, ou mieux, ce qui intéresse l’histoire. Du coup, libres des archétypes, les personnages vont apparaître avec des préoccupations plus simples, plus naturelles.»
Malgré ce cadre différent, The Sisters Brothers reprend toutes les obsessions de Jacques Audiard (fibre intimiste, dialogues aiguisés, solitude des âmes, rôle de l’héritage familial, etc.), qui a dédié le film à son propre frère, décédé alors que le réalisateur derrière De battre mon cœur s’est arrêté n’avait que 22 ans. Comme conte, il se fait difficilement plus personnel.
The Sisters Brothers est présenté samedi à 13h au Cinéma Impérial, dans le cadre du Festival du nouveau cinéma.
En salle le 12 octobre