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Une fuite vers l’avant dans le film Avant que mon cœur bascule

Photo: Denis Beaumont/Métro

Réalisé par Sébastien Rose, qui signe le scénario avec Stéfanie Lasnier, Avant que mon cœur bascule aborde les thèmes du pardon, de la culpabilité et de la mort. Discussion avec le cinéaste montréalais et Sébastien Ricard, acteur qui hérite ici d’un rôle «vraiment tripant!»

Au bord d’une autoroute, deux jeunes font des mauvais coups. Un ado, qui parle peu, et sa copine. Une fille renfrognée avec des Doc aux pieds qui répond au nom de Sarah (Clémence Dufresne-Deslières). Pour passer le temps, ils font mine de se bagarrer. Elle finit toujours par se faire embarquer en stop, escroquant par la suite les âmes charitables.

Un jour, pendant un de ces mauvais plans, Sarah monte à bord d’une voiture conduite par un prof d’histoire (Alexis Martin). Ça finit dans un drame, causé par l’insouciance de la jeune fille. Touchée et bouleversée, peut-être pour la première fois depuis longtemps, Sarah changera doucement sa façon de voir les choses et de mener sa vie. Ce faisant, elle se retrouvera ballottée entre deux univers.

Le premier, celui dont elle est issue. Un milieu rude et violent, dans lequel elle fait des passes croches avec son chum et un homme plus vieux (Sébastien Ricard). Et le second, plus rassurant, mais plus délicat, dans lequel elle apprend à connaître une professeure endeuillée (Sophie Lorain)…

Ce qui frappe d’abord dans ce quatrième long-métrage de Sébastien Rose, ce sont les courses fréquentes. Frénétiques parfois. Presque comme dans un film d’action. «Le personnage de Sarah, c’est une fille qui court après sa queue, souligne le très sympathique réalisateur. C’est un film qui parle de son mal-être, de quelque chose qu’elle ne peut pas nommer et qu’elle essaie de fuir comme elle peut. Elle tente de fuir vers l’avant, mais en même temps elle est coincée. Elle fait du surplace.»

Dans ce monde sans issue, l’autoroute, omniprésente, fait office de symbole. Le symbole d’une existence un peu désespérée, un peu subversive. D’ailleurs, deux amoureux au bord du chemin, ç’a quelque chose de très romantique, non? «Encore là, ça rejoint un peu l’idée de la course, répond le cinéaste. L’autoroute, c’est la possibilité d’un avenir meilleur; d’un voyage. Comme beaucoup d’entre nous, Sarah habite tout près des voitures, de la circulation. Plutôt qu’aller jouer au parc, c’est là qu’elle va traîner avec son chum…»

Dans cet environnement plutôt gris, Sébastien Ricard se glisse, méconnaissable, dans la peau de Ji-Guy, un homme louche et rustre. «Ce gars-là, il est trash! résume en riant l’acteur. Je trouve que c’est vraiment ça, le mot qui le décrit! Et le film tourne autour de ça. Oui, il y a de l’amour et de la tendresse, c’est sûr, mais le contexte n’a rien de tendre. Cet univers de changeurs, de chars qui passent tout le temps, de bruits de moteurs… En voyant ça, je trouve qu’on dirait que l’acculturation est en marche. Il y a quelque chose de violent dans tout ça, qui montre à quel point la société moderne est intense.»

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D’ailleurs, au début du film, à l’instar de ses deux amis de gars, Sarah n’a aucune conscience, aucune morale… ou si peu. Elle vole même, sans scrupules, un vélo avec un siège de bébé. Symbole puissant s’il en est un. « C’est vrai qu’au début, elle est assez odieuse… concède le réalisateur. Mais elle progresse tranquillement. Et puis, tous les ados ont un peu ce côté-là. N’est-ce pas le propre de l’adolescence de chercher et de tester les limites? On se forge une identité, on s’amuse, on vérifie ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Évidemment que son souhait, ce n’est pas de provoquer un drame, mais son inconséquence en provoque un, donc il faut qu’elle paye! Il faut qu’elle souffre!»

«L’adolescence, c’est un peu ça : la notion de bien et de mal, de responsabilité par rapport aux autres; c’est souvent à cet âge-là que tout se décide, ajoute Ricard. Mon personnage, lui, incarne davantage le gars qui n’a pas basculé du bon bord!»

Preuve de cette désinvolture, quand le récit commence, le trio se croit complètement invincible. Sarah, son chum et Ji-Guy se trouvent si forts qu’ils ne portent même pas de masques lorsqu’ils entrent chez les gens, dévalisent les commerces, terrorisent les propriétaires.

«Ce genre de crimes me fascinent, parce qu’ils parlent de l’indifférence, remarque Sébastien Rose. Les nouveaux criminels n’ont aucune morale. Ils sont complètement nihilistes. Et c’est ça qui est dangereux. En même temps, ce sont des gens qui souffrent, qui ne savent pas parler. Ce que j’ai voulu mettre en lumière dans mon film, c’est aussi que les choses désagréables, on les fuit toujours, mais à un moment donné, on n’a pas le choix. Il faut les affronter.»

Dans ses pas
Est-ce que les souliers disent beaucoup sur celui qui les porte? Dans Avant que mon cœur bascule, Sébastien Rose filme souvent ceux de son héroïne. Des Dr. Martens noires dans lesquelles elle écrase parfois une cigarette. «Au cinéma, on essaie toujours de faire en sorte qu’il n’y ait rien de gratuit, que tout ait un sens, remarque le réalisateur. Et là, je pense que c’est un bon exemple. Ce sont des souliers durs, masculins, qui disent beaucoup sur le personnage. Ce n’est pas pour rien que je les ai choisis! Je trouve que, des fois, les vêtements ne parlent pas assez. Mais ces bottes la caractérisent vraiment.»

Avant que mon cœur bascule
De Sébastien Rose
En salle le 16 novembre

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