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Liste de Noël de Poulet Neige: «Blind date» au poulailler

Photo: Josie Desmarais/Métro

Faut-il encore expliquer le concept de la liste de Noël de Poulet Neige, qui en est à sa huitième édition? Pour le résumer en peu de mots, disons qu’il s’agit d’une blind date entre des artistes méconnus et le public.

L’entremetteur de cette date musicale qui n’a aucune chance de mal tourner, c’est Poulet Neige, promoteur artistique qui, grâce à sa ludique plateforme listedenoel.ca, permet de découvrir de nouveaux talents locaux.

Au fil des écoutes, on peut enregistrer la musique qui nous plaît dans sa «liste de Noël». Les albums sélectionnés nous seront ensuite livrés par le Père-Poulet-Noël dans notre boîte aux lettres électronique, le 25 décembre, comme ça, joyeux Noël!

Pourrait-on se risquer jusqu’à dire que Poulet Neige agit tel un Tinder entre les musiciens et les auditeurs? «Oui, parce que l’auditeur peut sélectionner “Ne plus jouer”, ce qui fait qu’il n’entendra plus jamais un artiste, ou peut au contraire, ajouter un album à son panier. C’est un peu comme balayer à gauche ou à droite, dans le fond!» résume Pierre Alexandre, cofondateur de Poulet Neige.

Pour offrir aux oreilles avides de nouveautés de quoi se régaler, lui et son collègue Philippe de Bourg ont écouté quelque 600 albums parus en 2018 (la moitié leur a été soumise, l’autre a été dénichée par eux-mêmes) et en ont sélectionné 90.

Un travail de moine qui représente près de quatre mois de leur année. «C’est tellement un gros engagement qu’on se retrouve tous seuls à pouvoir le faire, explique Pierre Alexandre. On ne peut pas se payer un comité d’écoute, et c’est difficile de demander à quelqu’un d’écouter 600 albums. Alors on se partage le travail. On essaie d’être méthodiques: on fait une première sélection, on débat, puis on fait un deuxième tri, jusqu’à notre liste finale.»

«Pour nous, la tradition est de douter de la plateforme. Chaque année, on se demande si on la refait. On se dit que tout le monde s’en fout, que ça ne sert à rien. Et chaque fois, on se fait dire de la refaire!» – Pierre Alexandre, cofondateur de Poulet Neige, questionné sur la tradition du temps des Fêtes qu’est devenue la liste de Noël.

Sur quels critères se basent les deux mélomanes? D’abord, la qualité, bien sûr. «Si un album est bien produit et que ça sonne bien, ça va nous interpeller, résume Pierre Alexandre, également musicien dans Fuudge et Barrdo, deux offres de la liste de Noël. Ça n’a pas d’importance pour nous qu’un artiste ait juste deux fans sur sa page Facebook.»

Même que Poulet Neige revendique fièrement l’honneur d’être une vitrine pour la musique alternative. «C’est plus underground que les événements qui se disent underground, ajoute-t-il. C’est vraiment du monde qui a zéro attention. C’est ce qui nous distingue.»

Poulet Neige se démarque aussi par son souci de prioriser les artistes francophones. «Je suis un peu critique envers les francophones qui chantent en anglais, admet Pierre Alexandre. Il y en a qui disent que c’est chauvin et nationaliste, mais on l’assume.»

Les deux poulets-lutins ont également voulu cette année s’approcher de la parité. Leur sélection de départ comprenait environ 20% d’albums d’artistes féminines. Cette proportion passe à 30% dans la liste finale.

«Il y a des petits mécanismes psychologiques ou sociaux qui font en sorte qu’on entend moins de femmes en musique. Mais ce n’est pas logique, parce que, homme ou femme, tout le monde fait de la musique et a quelque chose à exprimer, dit-il. On essaie juste d’être conscients de ça et de jouer notre minirôle.»

Le résultat de leur sélection se trouve sur la colorée plateforme d’écoute remplie de superbes et divertissantes animations, où on peut écouter un morceau de chaque album.

L’auditeur peut même choisir des filtres d’écoute conçus par les deux complices, par exemple: «contient de l’autotune», «musique débranchée branchée (folk)», «SQDC», «post-quelque-chose» et «appropriation culturelle».

«Je sais pas qui s’est mis là-dedans!» lance Pierre Alexandre, amusé, au sujet de ce dernier filtre. En effet, ce sont les artistes eux-mêmes qui choisissent dans quelle catégorie déjantée se placer.

«C’est un peu stupide, concède le vétéran poulet. C’est juste une façon d’inclure quelque chose d’un peu idiot.» Au même titre que le bouton «Share» à l’effigie de la chanteuse Cher (vous la comprenez?) placé en évidence sur le site. 

«On essaie de garder l’aspect kitsch et décalé, résume Pierre Alexandre. Plus t’es connu, plus t’as une nécessité d’être pertinent. Moi, je me dis: c’est correct d’être juste idiot!»

Au fil des ans, leur liste de Noël est devenue une tradition, même si elle a dû faire une pause forcée l’an dernier, leur agence web s’étant retirée du projet in extremis.

Cet arrêt obligé a permis à Pierre Alexandre de prendre du recul et de réfléchir à l’avenir de Poulet Neige. En effet, si en 2010 offrir des albums par courriel était avant-gardiste, on ne peut pas en dire autant en 2018, alors qu’on peut tout écouter en ligne.

«Qui veut vraiment télécharger des MP3 en 2018?» demande d’ailleurs Poulet Neige sur son site. La question se pose sérieusement, et c’est pourquoi Pierre Alexandre et son comparse voient de plus en plus leur outil comme une plateforme de découvertes.

C’est dans cette optique que le duo a développé des partenariats avec diverses institutions culturelles pour offrir, en plus des albums, des billets de spectacles et autres laissez-passer culturels, offerts en fonction du temps passé sur le site et de la géolocalisation des internautes.

Les choix de Pierre Alexandre

«Peu importe ton genre, il va au moins y avoir un groupe que tu aimes dans la liste», assure Pierre Alexandre, qui a pris soin avec son collègue Philippe de Bourg de représenter une diversité de styles.

Lorsqu’on lui demande ses coups de cœur de la cuvée 2018, le mélomane sort son téléphone. «Il y en a beaucoup…» dit-il en faisant défiler la liste de Noël sur son écran.

«Il y a Roche Ovale, un artiste de musique électronique expérimentale, commence-t-il. En même temps, c’est tellement expérimental que je comprends que personne n’écoute ça vraiment!»

Pour les fans de rock alternatif, Pierre Alexandre recommande notamment Bleu nuit. «Fuudge, c’est sûr que c’est bon», ajoute-t-il, prêchant pour sa paroisse, étant lui-même bassiste du groupe.

Si vous aimez que ça brasse davantage, le groupe de black-métal Basalte est tout indiqué.

«Je suis content d’avoir l’album de Catherine Leduc, que j’ai beaucoup écouté cette année», poursuit-il. Dans le genre douce pop féminine, Pierre Alexandre recommande aussi Maude Audet et Corey Gulkin.

«Émile Gruff, lui, je l’adore, dit-il au sujet du musicien folk.

N’étant pas d’emblée fan de hip-hop, Pierre Alexandre admet avoir eu un coup de cœur pour Kirouac. «J’aime vraiment ça, c’est pas trop gangsta rap.»

Quand on dit qu’il y en a pour tous les goûts, ça comprend aussi du trad: «La suite, ce sont deux violoneux qui font de la musique traditionnelle moderne. C’est le cas aussi du groupe Les poules à Colin.»

Quoi encore? En rafale: «L’Orchestre d’Hommes-Orchestres, Mon Doux Saigneur, Nicolet…». De quoi se régaler les oreilles entre deux repas des Fêtes.

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