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Les effets politiques de la Pottermania

Photo: Archives Métro

Plus tolérante, plus engagée politiquement, moins cynique, opposée à la torture et à la peine de mort… la génération Y américaine, qui a grandi avec le phénomène Harry Potter, aurait en partie forgé ses convictions et ses opinions politiques en s’immergeant dans les aventures des personnages de la série.

C’est ce que soutient le livre Harry Potter and the Millennials: Research Methods and the Politics of the Muggle Generation, publié cet été. Pour cette étude, Anthony Gierzynski, professeur de science politique à l’Université du Vermont, s’est appuyé sur des sondages et des entrevues réalisées auprès de 1 100 étudiants américains qui avaient l’âge de Harry, de Ron et d’Hermione au moment de la publication des premiers tomes. Métro s’est entretenu avec l’auteur.

Vous avez auparavant publié trois livres sur la politique américaine. Comment vous est venue l’idée d’y associer le phénomène Harry Potter pour cette étude?
Je suis un mordu de Harry Potter. Depuis longtemps, je m’intéresse au rôle des médias du divertissement dans la politique. Ç’a commencé avec des films comme Star Wars, Independence Day, les films faisant du président américain un héros dans les années 1990, les différentes séries de Star Trek, Battlestar Gallactica, etc. J’ai aussi eu beaucoup de conversations avec mes étudiants sur ce thème et, ultimement, j’ai décidé de structurer un cours dans le but d’enquêter sur les effets des médias.

Pensez-vous que votre échantillon d’étudiants, qui proviennent d’universités assez différentes, est représentatif de la génération Y?
Il était suffisant pour tester le lien entre l’exposition à la série Harry Potter et les opinions politiques des enfants du millénaire. C’est donc une bonne représentation de la génération Y au sein des universités américaines, mais malheureusement pas de cette génération en entier.

Dans ce livre, vous observez que les adolescents qui ont lu Harry Potter et ont grandi avec la saga ont assimilé des valeurs politiques qu’ils appliquent dans la réalité…
Même si les livres de J. K. Rowling sont faits pour divertir, le but de l’histoire est que les personnages apprennent certaines leçons au fil de la quête et démontrent certaines caractéristiques propres.

Quand nous sommes plongés dans un récit et que nous nous identifions aux personnages, nous assimilons ces leçons et, parfois, nous adoptons même leurs caractéristiques. Harry et ses amis témoignent d’une forte aversion pour la violence, combattent pour la tolérance et l’égalité et s’opposent aux autorités oppressives. Nous avons trouvé que les fans de la série ont souvent des valeurs similaires.

Vous faites une différence entre les fans qui ont lu Harry Potter – à plusieurs reprises dans la plupart des cas – et ceux qui ont seulement vu les films. Pourquoi?
La lecture nous immerge beaucoup plus dans l’histoire. De plus, l’effet Harry Potter a réussi à faire lire cette génération. Le fait d’être un lecteur est associé à de plus grandes habiletés cognitives, lesquelles permettent aux lecteurs de façonner des visions plus complexes.

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Vous précisez qu’il est «impossible» de prouver qu’il existe un lien de cause à effet entre Harry Potter et la façon dont les lecteurs retiennent certaines leçons pour la vie réelle. Toutefois, vous estimez que la saga a joué un rôle dans le développement politique de plusieurs jeunes de la génération Y…
Il est impossible de prouver la causalité avec une étude par sondages, mais le poids de la preuve penche nettement vers un lien de cause à effet.

Selon votre étude, les fans de Harry Potter ont en majorité une vision négative des années Bush et ont voté en majorité pour Obama…
Plusieurs facteurs peuvent définir les opinions politiques des individus. Harry Potter en a été un pour les enfants du millénaire. Pour certains, la série a renforcé des opinions qu’ils ont acquises ailleurs. Pour d’autres, elle a forgé la façon dont était vue l’administration Bush. Ces deux effets sont importants, et comprendre le rôle que ces livres ont joué pour les membres de cette génération qui en sont fans nous a aidés à compléter le casse-tête des origines des opinions politiques des Y.

Qu’en est-il des générations suivantes, qui risquent de lire aussi les livres de Harry Potter?
J’ai encore des étudiants qui sont des fans de la série. La génération suivante, par contre, pourrait suivre un autre phénomène médiatique. Seul le temps nous dira quelle sera la prochaine tendance culturelle. Et je continuerai chaque année le dialogue avec mes étudiants pour la trouver.

Mon livre est une bonne lecture pour tous ceux qui sont intéressés par le phénomène Harry Potter et le rôle que les livres, les films, les émissions de télévision et les autres médias du divertissement jouent dans nos vies.

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Six leçons

Dans son étude, Anthony Gierzynski distingue six leçons tirées de la série Harry Potter qui ont renforcé les valeurs et idéaux politiques des fans :

  • Diversité et apparence. Ne pas juger une personne (ou une créature) par son apparence ou son sang. Dans le livre, on pense aux elfes de maison, aux gobelins, aux Moldus (personnes sans pouvoirs magiques), ou encore à Hagrid (mi homme, mi-géant) avec qui Harry crée des liens. Dans la vie réelle, les fans de la série font moins preuve de discrimination envers les différents groupes ethniques ou religieux (Noirs, Musulmans, etc.).
  • Tolérance et égalité. Tout le monde a le droit à la dignité et à la liberté. Harry se lie ainsi d’amitié avec des sorciers aux statuts sociaux disparates. Il libère aussi un elfe de maison, Dobby, destiné à l’esclavage. Les fans de la série se montrent plus tolérants envers la cause homosexuelle par exemple.
  • Ne pas être autoritaire. Plusieurs personnages comme l’oncle de Harry, la famille Malefoy ou Dolores Ombrage présentent des comportements d’autoritarisme en opposition à ceux des personnages principaux. Les lecteurs de la saga montrent moins de prédispositions autoritaires.
  • La violence et la torture sont mauvais. Dans la série, les personnes qui font preuve de violence sans limites sont les méchants, le plus cruel de tous étant Voldemort. Les membres de la génération Y qui ont lu Harry Potter s’opposent davantage à la peine de mort et pensent que l’exécution des terroristes n’est pas la meilleure solution pour combattre le terrorisme.
  • Les leaders politiques sont corrompus, incompétents et assoiffés de pouvoir. Les épisodes de Harry Potter dépeignent régulièrement des dysfonctionnements au sein du Ministère de la Magie. Anthony Gierzynski remarque dans son étude que les fans de la saga ont eu dans l’ensemble une opinion négative de la présidence de George Bush et ont suivi en majorité le mouvement d’espoir mené par Barack Obama en 2008.
  • Être sceptique et non cynique. Les personnages principaux se méfient des rumeurs sur des faits et des personnages, diffusées notamment dans La gazette du sorcier. Mais ils ne sont jamais cyniques : ils veulent connaître la vérité, sont en quête d’espoir et veulent trouver le bon en chacune des personnes. Selon l’étude, les fans de Harry Potter sont moins enclins à croire aux théories du complot et sont plus engagés dans la sphère politique.

Êtes-vous un vrai fan?

Pour mesurer le degré d’intérêt des étudiants pour Harry Potter, l’auteur a inséré dans son test 5 questions à propos de la série.

  • Qui est le Prince de Sang-Mêlé?
  1. Severus Rogue
  2. Harry Potter
  3. Voldemort
  4. Drago Malefoy
  5. Je ne sais pas
  • Qui est Peeves?
  1. Le professeur d’études des Moldus
  2. L’amoureuse d’Harry Potter
  3. L’esprit frappeur de Poudlard
  4. Le nom du phoenix de Dumbledore
  5. Je ne sais pas
  • Quelle position joue Ron au Quidditch?
  1. Attrapeur
  2. Gardien
  3. Poursuiveur
  4. Batteur
  5. Je ne sais
  • Quel est le nom du sortilège de défense contre les Détraqueurs?
  1. Alohomora
  2. Avada Kedavra
  3. Expecto Patronum
  4. Stupefix
  5. Je ne sais pas
  • Les Armoires à disparaître relient Poudlard :
  1. Au manoir des Malefoy
  2. À la Cabane hurlante
  3. À l’auberge La Tête de sanglier
  4. À la boutique Barjow et Beurk
  5. Je ne sais pas

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