Soutenez

The Zero Theorem: La formule Gilliam

Photo: Collaboration spéciale

Avec The Zero Theorem, l’inimitable Terry Gilliam applique une fois de plus sa formule magique.

En 1983, dans The Meaning of Life, Terry Gilliam cherchait, avec ses copains des Monty Python, le sens de la vie. Avec The Zero Theorem, le célèbre réalisateur qui nous a donné des œuvres brillantes comme Fear and Loathing in Las Vegas et Twelve Monkeys, explore à nouveau cette question. Quelle est la clé de l’existence? Et y en a-t-il vraiment une?

Basé sur un scénario de Pat Rushin, ce film de science-fiction raconte l’histoire de Qohen (prononcez Coen), un homme triste, coincé dans une société où tout est trop bariolé, trop hop-la-vie, trop bruyant, trop envahi par la technologie. Incarné par l’oscarisé Christoph Waltz, ce héros un peu maladroit et profondément mélancolique ne souhaite qu’une chose: se déconnecter. Être seul. Quitter ce monde qui ressemble à un croisement entre un centre de jeux d’arcade et le palais du magicien d’Oz. Mais il y a une différence entre être seul et être isolé. Deux personnages empêcheront l’homme de sombrer du côté de l’isolement: un ado très sage pour son âge et une jeune femme pétillante aux tenues affriolantes, jouée par l’actrice française Mélanie Thierry.

Gilliam, être aussi chaleureux, rigolo et généreux qu’on pouvait l’espérer, nous a parlé de ce projet qui porte sa marque à nulle autre pareille.

Le sens de la vie, c’est une chose que vous cherchez depuis longtemps! On doit vous en parler souvent mais au final, diriez-vous, comme un des personnages dans le film d’ailleurs, que le sens de la vie, c’est de donner un sens à sa vie?
Ouep, c’est ça et c’est la responsabilité de chacun. Il n’y a pas de signification à l’extérieur de soi! (Rires) Il faut que chacun le découvre et le crée par lui-même, ce sens! Les choses meurent, les choses se décomposent, les choses tombent dans l’oubli. En gros, il faut que chacun fasse sa part du boulot! (Rires)

Vous avez tourné une première fin pour Zero Theorem, qui était très hollywoodienne (et qui était dans le scénario initial). Puis, vous avez coupé cette fin (et terminé le film de manière totalement anti-hollywoodienne). Est-ce que ça vous a fait du bien?
C’était une expérience intéressante. On a commencé à tourner rapidement et je n’ai pas passé beaucoup de temps pour rencontrer Pat Rushin et tenter de changer le scénario. Je me suis juste dit: OK, on le fait! Mais j’ai toujours eu des doutes au sujet de la fin initiale, parce qu’elle était trop belle pour être vraie. Quand j’ai terminé le film, et que je l’ai assemblé, j’ai dit: On ne peut pas faire ça. Ce n’est pas de ça que parle le film! Je voulais laisser à Qohen une dignité. Je voulais que, pour une fois, il soit en contrôle de sa vie!

Vous avez dit que la raison pour laquelle vous avez rendu l’univers de Zero Theorem aussi coloré, c’est pour que le film ne ressemble pas à [votre œuvre phare de 1985] Brazil, et que les gens ne fassent SURTOUT PAS de comparaisons avec Brazil. Ce qu’ils ont fait quand même.
Évidemment! J’ai échoué lamentablement! (Rires)

Zero Theorem

Dans Zero Theorem, Terry Gilliam dirige Christoph Waltz, acteur deux fois oscarisé que plusieurs ont découvert dans Inglourious Basterds, de Tarantino. On le voit ici portant une mallette.

Avez-vous également préféré les teintes vives parce que la majorité des objets technologiques que nous utilisons sont de couleur bonbon éclatante? On a de nouveaux iPhone verts, des iPad roses, des iPod orange…
Oui! Le monde est devenu tellement coloré! Regardez les derniers téléviseurs, avec l’ultra haute définition. Les couleurs brillent d’un éclat si éblouissant! Une fois passé le choc initial, et l’excitation, on est pris pour vivre avec ça tous les jours. C’est horrible! Ça m’épuise! (Rires)

Dans ce film, vous mêlez des éléments futuristes à des éléments vintages. Vous dépeignez aussi un Londres du futur rapproché qui, comme vous le dites, est déjà le Londres d’hier…
En effet!

Dans de récentes entrevues, vous avez souligné que le présent n’existe plus puisque tout va si vite. Il n’y a plus que le futur et le passé. Vivre à une époque où il n’y a pas de présent, est-ce que ça change la façon dont on fait un film?
Hmm… Pas vraiment. Je fais la même vieille affaire depuis toujours! (Rires) Je travaille de la même façon, avec moins d’argent ces jours-ci, mais quand même! Heureusement, la technologie me permet de faire des choses de façon moins dispendieuse qu’autrefois! Mais c’est la vitesse à laquelle tout arrive… Peut-être que c’est pour ça que les gens font des selfies tout le temps? C’est la seule façon qu’ils ont de revendiquer un quelconque présent et ce présent existe seulement sur leur iPhone! Nous vivons à une époque très étrange…Vous connaissez Arcade Fire, le groupe?

Bien sûr! Vous avez d’ailleurs travaillé avec eux (et filmé leur concert au Madison Square Garden).
Oui, c’est un de mes groupes préférés sur la planète. Je les adore! Sur leur album, The Suburbs, il y a une magnifique chanson qui s’appelle We Used to Wait. Elle parle de ce temps où l’on envoyait des lettres et où l’on attendait une semaine avant de recevoir une réponse… Oui, avant, on attendait. Et grâce à cette attente, la vie devenait plus riche. Maintenant? On n’a plus de temps pour ça! Il faut avoir une réponse immédiate à tout. Et ça… eh bien, je ne dirais pas que ça m’effraie, mais je regarde ce que les autres sont en train de faire de leur existence et je ne trouve pas vraiment qu’ils vivent le moment présent. Ce qu’ils font, c’est qu’ils commentent sur un présent qui, déjà, s’estompe. Ils vont voir des concerts de rock et avant même que la première chanson soit finie, ils tweetent! Vous n’êtes pas dans le présent, là, folks! (Rires)

Une des répliques les plus importantes de Zero Theorem est: «J’étais seul, mais je n’ai jamais souffert de la solitude.»
C’est une des clés de cette histoire! C’est ça que j’essayais de dire avec ce film. Il faut apprendre à être seul. Si on veut comprendre un jour qui on est, on n’a pas le choix. Sinon, on est juste un neurone, un androïde, qui connecte le reste du monde à d’autres morceaux du monde. J’encourage tout le monde à apprendre à être seul. Moi, par exemple, j’ai une famille… mais j’aime passer du temps loin d’elle! (Rires)

L’énergie de Qohen change subtilement en fonction des êtres qui l’entourent. Il devient gamin lorsqu’il est avec la femme qu’il désire, se fait plus expressif lorsqu’il est avec son ami Bob-l’ado. Est-ce une consigne que vous avez donnée à Christoph Waltz: s’adapter aux autres? Ou, comme vous le faites souvent, vous l’avez laissé s’amuser dans votre monde?
Un peu des deux! En fait, ce qui arrive avec ce personnage, c’est qu’il se réhumanise. Avec le jeune, il devient comme un père. Avec la femme, il sort son côté taquin et amusant. Christoph et moi avons très bien travaillé ensemble; il a des idées claires et arrêtées. Comme moi! On a eu un plaisir fou à se disputer! (Rires)

C’est génial: «Un plaisir fou à se disputer»!
Oui! C’était merveilleux! (Rires)

Il y a quelques années, vous disiez à la blague que vous alliez poursuivre George Bush et Dick Cheney pour avoir recréé le monde totalitaire que vous dépeigniez dans Brazil et pour avoir effectué un remake non autorisé de votre film. Est-ce qu’il y a quelqu’un que vous comptez poursuivre pour avoir produit une version non autorisée de Zero Theorem? Car le monde futuriste que vous présentez semble déjà très près du nôtre…
Je ne peux plus me battre avec l’Amérique en ce qui a trait au remake de Brazil! Mais pour ce qui est de Zero Theorem, hmm… je ne sais pas. Je n’ai pas encore vécu avec le film assez longtemps. Vous savez, lorsque je réalise un film, je passe plein de temps dedans et ensuite, je m’en échappe. Il faudrait que je le visionne à nouveau pour voir précisément de quoi il s’agit. Pour l’instant, je compte sur les autres pour me le dire! (Rires)

Et êtes-vous satisfait par ce qu’on vous rapporte à propos de votre nouveau film?
Oh oui, parce qu’on dirait que, soit les gens adorent Zero Theorem, soit ils le détestent. Et ça, ça me va très bien! (Rires) Ceux qui en saisissent le sens s’attardent sur son côté significatif, profond et touchant. Et ceux qui ne le comprennent pas disent : «Mais qu’est-ce que c’est que ça?! Il ne se passe rien là-dedans!» (Rires) C’est ce qui est arrivé avec Brazil quand il est sorti. La moitié des spectateurs quittaient la salle en maugréant : «C’est n’importe quoi! Ce film est d’un vide…!» Et j’aime ça. Les extrêmes m’intriguent en ce moment. De nos jours, tout est tiré vers le centre. Personne ne veut choquer, personne ne veut être grossier ou créer le malaise. Moi, j’aime mieux me hasarder sur les limites.

Parlant de limites, dans certaines scènes, vous présentez votre héros, déguisé en démon, en train de jouer à des jeux vidéo et de surfer sur le web dans une église. Une image particulièrement satisfaisante à capturer?
Ah! Dès que nous avons conçu ce costume de démon rouge pour Qohen, l’image m’a fait rire. Je me suis dit : le voilà! Le diable est sur le web! J’étais très content! (Rires)

Votre prochain film, est-ce que ce sera Don Quichotte? Vous dites souvent: «Mon prochain film est TOUJOURS Don Quichotte»!
C’est ça le rêve! Et c’est ça le plan! (Rires)

Terry Gilliam en 5 films
1.
The Imaginarium of Doctor Parnassus (2009)
2. Tideland (2005)
3. The Fisher King (1991)
4. Brazil (1985)
5. Jabberwocky (1977)

The Zero Theorem
À Fantasia au Théâtre Concordia Hall, dimanche à 14 h 10
En DVD dès mardi

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.