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Whiplash: Jazz casse-gueule

Photo: Métropole films

Dans son terrifiant Whiplash, le réalisateur Damien Chazelle nous offre un regard explosif sur le jazz, évoquant la cruauté des combats auxquels se sont toujours livrés de grands musiciens comme Buddy Rich et Miles Davis.

Chers adeptes des fameux questionnaires à la «préférerais-tu…», en voici un bon: préférerais-tu mourir d’alcoolisme ou de toxicomanie à 30 ans et qu’on se souvienne de toi, ou rendre ton dernier souffle à 90 ans sans passer à l’histoire? Aux yeux d’Andrew (Miles Teller), jeune musicien de 19 ans qui souhaite faire partie des meilleurs batteurs de jazz de sa génération, le premier choix est immensément plus noble. Dans le foudroyant Whiplash, du réalisateur et scénariste Damien Chazelle, cet élève acharné d’un conservatoire de Manhattan doit rapidement faire face au harcèlement physique, moral et verbal d’un chef d’orchestre impitoyable (J.K. Simmons, pétrifiant) qui dit écraser ses élèves afin de les aider à cheminer vers la gloire.

Au fil des baguettes brisées, des mains ensanglantées et des regards imprégnés de terreur, ce jazz-movie gonflé à bloc tente de se sortir de l’éternel dilemme auquel tout artiste est confronté, tôt ou tard: doit-on se donner corps et âme, cumuler les sacrifices et les supplices dans l’espoir d’atteindre une certaine virtuosité dans son art?

«Les artistes vivent dans une bulle, mais ils n’ont pas vraiment d’autre choix», nous dit Chazelle, qui a remporté le Grand Prix du jury ainsi que le Prix du public à Sundance pour Whiplash. «Tu dois croire que ton art est d’une importance capitale; sinon, c’est trop difficile. Mais se rendre compte de l’indifférence de ses proches, c’est un réveil assez douloureux.»

«Je le jouais sans relâche, c’était ma bête noire! Un véritable cauchemar pour tout batteur.» – Le cinéaste Damien Chazelle, à propos de Whiplash, le morceau éponyme de Hank Levy

Brutalité musicale
Chazelle, qui a consacré cinq années de sa vie à l’apprentissage de la batterie au sein d’un orchestre de jazz avant de revenir à ses premières amours, a voulu mettre en images une réalité qu’il ne voyait jamais reflétée au grand écran: celle des crises d’angoisse et des nausées qui ont marqué son soi-disant épanouissement musical. «Le jazz n’est pas perçu comme un art violent ou colérique; pourtant, il a vu le jour dans une période d’oppression et de désespoir. C’est un genre qui, très tôt, a vu naître toutes sortes de rivalités. Les cutting contests (affrontements entre musiciens et orchestres) ont été aussi décisifs et influents dans l’histoire du jazz que les rap battles pour le hip-hop. Il y avait constamment cette notion de gens qui s’affrontent au moyen de la musique», précise-t-il.

Pour convaincre ses investisseurs du potentiel d’un portrait de musicien qui s’apparenterait à un film de guerre, et dans lequel les instruments remplaceraient les armes à feu, Chazelle a d’abord choisi une scène décisive de son scénario et en a tiré un court métrage. À la suite de la consécration de ce court à Sundance en 2013, le cinéaste de 29 ans s’est vu offrir la chance de réaliser en entier le projet, qui puise tant dans les comédies musicales des années 1960 et 1970 (West Side Story, All that Jazz, Cabaret) que dans les classiques de la boxe, comme Raging Bull de Scorsese. «D’emblée, notre défi était d’évoquer le même sentiment de peur qu’on retrouve dans un film d’horreur ou un récit de guerre, mais de transposer ces angoisses dans un univers totalement dépourvu d’enjeux de vie ou de mort. Après tout, la pire chose qu’il puisse arriver à un musicien serait de rater une mesure ou de perdre le tempo. Donc, comment plonger le spectateur dans l’état d’esprit de ces musiciens compétitifs, pour qui une telle erreur serait comparable à la mort, avec la décharge d’adrénaline qui accompagne toute situation de danger extrême?»

Whiplash
En salle dès vendredi

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