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Félix & Paul : Moments Wild avec Patrick Watson

Photo: collaboration spéciale, Félix & Paul

Le jour où nous nous sommes rendue aux studios de Félix & Paul, dans le Vieux-Montréal, il faisait -20°C et un mélange de glace et de neige crissait sous nos pas. À l’intérieur, ça fourmillait de monde, on sentait la fébrilité. Pourtant, lorsque nous avons plongé dans les expériences de réalité virtuelle filmées en 360 degrés par les deux Montréalais à la tête des studios susmentionnés, nous avons eu l’impression de nous être évadée. D’abord dans la forêt, avec les actrices du Wild de Jean-Marc Vallée, Reese Witherspoon et Laura Dern, ou plutôt, avec leurs personnages. Puis dans le loft de Patrick Watson, où le musicien jouait une pièce au piano, sa clope fumant dans le cendrier juste à côté, son chien couché pas trop loin, tranquille. Saisissant.

Défricher le Far West
Depuis hier, le Festival de cinéma Sundance s’est entamé dans l’Utah, à Park et Salt Lake City. Si l’an dernier, la réalité virtuelle était peu présente dans le cadre de l’événement, cette année, ce sont une dizaine d’expériences – car il s’agit bien plus d’«expériences» que de «films» – qui y seront présentées. Parmi elles, trois seront signées par Félix Lajeunesse et Paul Raphaël. Ces deux réalisateurs et artistes visuels montréalais travaillent ensemble depuis une dizaine d’années. Ils ont fait de la pub, du cinéma, des clips et du documentaire avant de se lancer dans la réalité virtuelle filmée.

«Je pense que la chose qui nous attirait le plus dans ce médium, c’était cette espèce de sentiment de nous retrouver dans le Far West», remarque Félix Lajeunesse.

Et c’est vrai qu’en allant explorer la «RV», comme ils disent, les deux comparses se retrouvaient en terrain à peine défriché. «Il y a un an et quelques mois, quand on a commencé, personne ne comprenait ce que l’on essayait de faire! C’était perçu comme de l’expérimentation qui avoisinait la science-fiction. Les choses se sont précipitées beaucoup plus rapidement que n’importe quel observateur aurait pu l’imaginer. On est passés d’un manque d’intérêt quasi général à un embrasement de la presse et des médias.»

Aux États-Unis, les fort sympathiques F. & P. présenteront notamment Strangers with Patrick Watson. D’une durée de cinq minutes, cette œuvre nous permet de «passer un moment» avec le musicien montréalais. Presque pour vrai.

Résumé de l’expérience? Lorsque nous enfilons le casque et les écouteurs, nous nous retrouvons au centre d’une pièce. À notre gauche, Pat Watson, assis au piano, joue et chante. Devant nous, les fenêtres donnent sur la ville. Derrière, un palmier cache une affiche. Le chien de l’artiste est couché sur le sol. Nous avons réellement l’impression d’être là. Et nous savons qu’on n’y est pas vraiment, mais nous tendons quand même la main vers l’animal, un coup que, tsé…

Tout repenser
Felix & Paul Réalité virtuelle casque
Si «la réalité virtuelle générée à l’ordinateur existe quand même depuis longtemps, la réalité virtuelle filmée est plus récente», rappelle Paul Raphaël. «Il y a quatre, cinq ans, on a commencé à explorer le cinéma 3D, en essayant d’utiliser ce médium de façon plus ‘‘expérientielle’’ que le faisait le cinéma. Lorsque la réalité virtuelle est sortie ‘‘pour vrai’’, on a sauté dessus», se souvient-il.

Au début, il a senti une réticence. «La première chose qu’on me disait, c’est que c’était comme la 3D, que c’était une gimmick, que personne n’allait acheter ça, des casques de réalité virtuelle. C’était dans le temps… Enfin dans le temps… il y a six mois!» s’esclaffe-t-il.

Les casques dont parle – et qu’emploie – Paul Raphaël sont ceux de la marque Samsung Gear VR. Une fois qu’on en porte un, il faut rester bien assis. Et regarder partout. Si on ne tourne pas la tête vers la droite pendant les trois minutes que dure Wild the Experience, signé par les deux comparses, on risque de manquer Laura Dern, assise, pensive, sur une roche. Si on ne lève pas le regard vers le haut, on ne pourra pas prendre toute la mesure du ciel bleu, des arbres qui montent vers lui.

Pour arriver à ce résultat, dont le producteur exécutif est Jean-Marc Vallée, Félix et Paul ont eu besoin d’«une journée de tournage et de beaucoup de temps en postprod». Et d’une préparation folle, aussi. «Il y a beaucoup, beaucoup de questions à se poser que tu ne te poses pas en cinéma, remarque Félix Lajeunesse. Comment tu racontes une histoire, comment tu diriges les acteurs, comment tu conçois la notion de rythme, quel type de contenu tu veux raconter, la raison d’être de cette expérience, comment tu justifies la présence du spectateur à l’intérieur de ton œuvre, comment tu modules ton histoire de manière à ce que ça ait un sens pour le spectateur…»

«Il faut vraiment repenser toutes les conventions from scratch, à partir de rien», rajoute son collègue.

«On ne le savait pas du tout!»
Felix & Paul Portrait

On entend souvent les réalisateurs dire, quand ils terminent un film, qu’ils doivent apprendre à «le laisser aller». Ils indiquent ainsi qu’ils n’ont aucun contrôle sur la façon dont leur œuvre sera reçue. Dans le cadre de la réalité virtuelle filmée, cette affirmation semble d’autant plus vraie. L’éventail de réactions observées chez ceux qui vivent les expériences est pour le moins large et étonnant. «Parmi les plus extrêmes? On a vu des gens pleurer, d’autres rire. Il y en a qui sortent avec le sourire, d’autres avec l’air drogué…» note Paul Raphaël.

Et lorsqu’ils voient l’intérêt porté à la réalité virtuelle filmée depuis quelques mois, est-ce que les deux collègues se disent «Yes, on le savait!»?

«C’est ça l’affaire: on ne le savait pas du tout! s’exclame Félix Lajeunesse. Pour nous, commencer à utiliser la réalité virtuelle avait un sens, parce qu’on est des réalisateurs, des créateurs. On a besoin de ça pour vivre. Sans ça – et je ne parle pas juste d’un point de vue pécuniaire – on n’est pas heureux. On avait envie de travailler le médium cinématographique de cette façon, de le repenser. Les outils n’existaient pas, donc on a dû les créer, on a dû créer le langage, l’expérimentation, tout ça, sans vraiment penser à l’industrie ou au reste du monde.»

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