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Le bonheur de John Z. au MAC

Photo: Denis Beaumont/Métro

Depuis août 2013, John Zeppetelli a fait du MAC sa maison. «Je me sens très heureux», nous confie le directeur général et conservateur en chef lors de notre rencontre, s’interrompant même un moment, au milieu d’une phrase, pour demander, pensif: «De quoi on parlait déjà? Ah oui, du fait que je suis heureux! Je ne parle jamais de ça!»

De son bonheur depuis qu’il est arrivé à la tête du Musée d’art contemporain de Montréal, John Zeppetelli parlera pourtant beaucoup. Tout comme de son souhait «d’ouvrir davantage le MAC sur Sainte-Catherine». De son désir, aussi, d’en faire moins un «mausolée» qu’un lieu hospitalier où «tout le monde se sent accueilli». «Je veux que les gens sentent qu’ils peuvent entrer! s’exclame-t-il. Et que, même s’ils ne comprennent pas tout ce qu’ils voient, il y aura peut-être quelque chose de rétroactif qui va déclencher une pensée.»

Outre l’importance de l’ouverture, le passionné directeur général et conservateur en chef insiste également sur la nécessité de ne pas se confiner au domaine artistique. D’être attentif à tout. Tout le temps. «Si on veut que l’art soit un miroir pertinent de ce qui se passe ailleurs, il faut être à l’écoute de ce qui se passe sur le plan social. Sur le plan politique. Sur le plan psychologique. Sur le plan des enjeux écologiques. Partout.»

«Je veux augmenter notre fréquentation. Atteindre plus de monde. Toucher plus de monde. Ça ne donne rien de dépenser des sommes exorbitantes pour des expositions que personne ne va voir. Il n’y a rien de plus triste.» – John Zeppetelli, directeur général et conservateur en chef du Musée d’art contemporain de Montréal

John Zeppetelli l’a souvent dit par le passé: ce qu’il aime, ce n’est pas de prêcher à des convertis. Non, ce qu’il préfère, c’est plutôt convertir, émouvoir, remuer ces personnes qui n’ont pas forcément d’intérêt inné pour l’art contemporain. «J’adooore quand on gagne quelqu’un à la cause! avoue-t-il. Il y a presque une agressivité contre l’art contemporain, et je peux comprendre pourquoi. Mais je sais, pour ma part, que des instants dans des musées, dans des galeries, ont transformé ma vie.»

Cette vie, elle est riche en expériences. Il travaille depuis une trentaine d’années dans le domaine, ayant été prof, éducateur, journaliste, commissaire, ayant habité aux États-Unis, en Angleterre, en Italie… C’est peut-être le globe-trotteur jumelé à l’amoureux de l’art en lui qui affirme que «chaque ville et chaque société s’expriment à travers leur art visuel». Et pour sa ville, Montréal, tout comme pour le MAC, il voit, a toujours vu, grand. «Je pense que c’est très important qu’on fasse un bon travail! Le MAC, moi, j’y crois!» Tout comme il croit qu’il faut mieux faire connaître l’institution. «Côté notoriété, on s’aperçoit qu’on a un petit problème», confesse Zeppetelli. «Quand je prends un taxi, je fais toujours le test pour voir si les personnes savent qui nous sommes. Je leur demande: ‘‘Vous m’accompagnez au Musée d’art contemporain?’’ Et je pense que ça ne m’est jamais arrivé qu’on me dise: ‘‘Oh oui, à la Place des arts?’’ On me dit toujours: ‘‘Ah oui, celui sur Sherbrooke?’’ ‘‘NON! C’est le gros bâtiment! Où vous ne voyez pas la porte! Vous savez le bâtiment avec les lèvres?’’ Ah! Oui! Alors là, ils savent.»

Le directeur général nourrit d’ailleurs une affection toute particulière pour l’œuvre de Geneviève Cadieux, La Voix lactée, qui orne le toit de l’institution. Une œuvre devenue, selon lui, «l’emblème de Montréal». «C’est une image de femme, séduisante, entre le langage, le soupir, la respiration. C’est magnifiquement ambigu. Tout est parfait dans cette image. C’est la grandeur. C’est le plan rapproché. C’est le plan horizontal. C’est le fait de mettre ça sur le bâtiment. Et quand on monte la côte et qu’on voit ça, ah! C’est l’une des très, très belles choses du Musée.»

«Le MAC a le mandat, extrêmement clair, limpide et tout à fait magnifique, de conserver, promouvoir, exposer, des œuvres d’ici et d’ailleurs. Qu’est-ce qu’il y a de plus beau? Comment peut-on ajouter à ça une vision personnelle? C’est clair qu’en tant que directeur et conservateur en chef, je vais amener mon goût. Mais ce n’est pas qu’une question de goût. Ce n’est pas que j’aime le bleu et le rouge. C’est plutôt une question de réflexion sur ce qui nous entoure.»

«Ce que je trouve très excitant dans la production courante, enchaîne-t-il, c’est quand l’artiste ressent une urgence sociale, politique ou même psychologique, et qu’il l’allie à une exploration ou à une beauté formelle. Et c’est ce mariage qui m’anime. Parce que, sincèrement, je pense que la plupart des personnes qui œuvrent dans les musées sont là parce qu’elles aiment 5% de ce qu’elles voient, de ce qu’elles ont vu. Et c’est ce 5% tellement puissant qui les allume et qu’elles cherchent à arrimer.» Dans les 5% de John Z, on retrouve Ryoji Ikeda, l’artiste japonais dont il avait notamment présenté une expo, du temps où il était commissaire au DHC/ART, dans le Vieux-Montréal. «Oh! Ryoji! J’adore cet homme!»

Autre artiste coup de cœur? Simon Starling, dont l’expo se tient présentement au MAC, conjointement avec celle de Sophie Calle. Avec un sourire, le DG se souvient d’ailleurs du premier contact avec le travail de Starling… et de la frustration qu’il a d’abord ressentie en se retrouvant face à son Shedboatshed (alors présenté à la Tate Britain, et qui avait valu à l’artiste anglais le Turner Prize). «J’ai été… presque agacé. C’était un cabanon vraiment banal, dans une salle d’exposition imposante. Puis… ç’a explosé dans ma tête. J’ai compris que l’œuvre était le résultat d’un très long parcours. Qu’elle était investie d’une trajectoire, d’un récit, d’un voyage. Que Simon avait négocié avec un fermier pour lui acheter un cabanon dans un champ, en Suisse, qu’il l’avait démonté, en avait fait un bateau navigable, qu’il avait fait voguer sur le Danube avant de… le reconstruire en cabanon, raconte Zeppetelli. C’est incroyable! Vraiment! Qu’un objet banal soit devenu cette chose glorieuse avec un tel historique! C’est ÇA, la puissance de tout art conceptuel!»

Ce sont des révélations de la sorte qu’il souhaite provoquer chez les visiteurs. Les pousser à trouver l’intelligence dans les œuvres, leur puissance, leur résonnance. «Je trouve que nos artistes, les artistes qu’on expose, ce sont de grands penseurs. Ils sont l’équivalent de nos philosophes, de nos chercheurs, de nos journalistes, de nos politiciens. Ils définissent la conversation.»

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