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Noir (NWA): entretenir une poudrière

Photo: Yan Turcotte/collaboration spéciale

Yves Christian Fournier continue d’explorer les sujets qui gangrènent notre société. Après le suicide dans Tout est parfait, place au racisme avec son nouveau film Noir (NWA).

Dans son nouveau film, Yves Christian Fournier explore un thème tabou et cruellement d’actualité… qui est pourtant loin d’avoir fait l’unanimité auprès des décideurs. «Parce que c’était des Noirs, ça ne leur tentait pas (aux institutions) de faire ça, explique l’authentique cinéaste lors de notre rencontre. Le préjugé est là, c’est profond. Elles sont convaincues que ça ne peut pas rejoindre les gens.»

Il est pourtant difficile de ne pas être happé par Noir. À partir d’un récit classique où des personnages fondamentalement bons, mais qui prennent de mauvaises décisions, sont incapables de s’extirper de leur condition, le récit se développe comme un film choral à la Treme (NDLR: une télésérie américaine qui se déroule à La Nouvelle-Orléans), mélangeant les quêtes et les destins. Au centre de ce maelstrom violent et implacable qui fait écho aux tragédies de Ferguson et de Fredy Villanueva se trouvent un apprenti vendeur de drogue, une jeune mère sérieuse, une danseuse nue et un père en probation.

«Le film est une visite des racines de la colère des gens, explique le cinéaste, qui a travaillé conjointement avec le scénariste Jean-Hervé Désiré. Tu vois un peu la pauvreté, le phénomène de la criminalité autour, l’injustice. Tout ça est enraciné… C’est un bobo qui est là. Tu ne peux pas faire semblant qu’il n’existe pas. Ça va nous revenir dans la face dans pas grand temps…»

Comme il l’avait fait lors de sa participation à l’émission de la Course Destination Monde, Yves Christian Fournier a opté pour une approche réaliste près du documentaire, mettant à profit son expérience du terrain (il a vécu en Haïti et à La Nouvelle-Orléans) pour y incorporer son style unique issu de la publicité, avec son lot d’images grisâtres, de ralentis, de textures stylisées et de mélodies imparables.

«Il n’y avait pas de filet. Je pouvais tomber, me péter la gueule. C’est un film qui pouvait détruire ma carrière. En le faisant, je le savais.» – Yves Christian Fournier, qui s’est mis en danger avec son nouveau long métrage Noir (NWA)

Sa propension à faire connaître de nombreux jeunes comédiens talentueux est également intacte. Il y a eu Maxime Dumontier et Chloé Bourgeois pour Tout est parfait et maintenant place à Kémy St-Eloy, Julie Djiézion et Jade-Mariuka Robitaille.

«C’est vraiment rare dans un film au Québec où il y a autant d’ethnies différentes, rappelle la sympathique Julie Djiézion, que l’on a pu voir dans l’émission 30 vies. La plupart du temps, je suis la seule Noire sur le plateau.»

«Le bonheur que j’ai vu sur le visage de certains jeunes que je filmais, confie le metteur en scène. Ils veulent travailler et c’est vrai qu’on ne leur ouvre pas de portes. C’est vrai qu’on est fermé et c’est vrai qu’on est raciste.»

Cordes sensibles
Avec son univers de ghetto relié aux gangs de rue, sa culture hip-hop et son dialecte où les langues se mélangent allègrement, Noir risque d’être perçu comme véhiculant certains préjugés. Une pointe d’accusation dont se défend toute l’équipe du film.

«Je n’ai pas l’impression que ce sont des clichés, parce que ce sont des sujets qui existent vraiment, raconte la pétillante Jade-Mariuka Robitaille, qui incarne une danseuse nue. Il n’y a pas d’exagération. Oui, on en a déjà entendu parler et oui, on a peut-être l’impression que ce sont des stéréotypes, mais c’est fondé.»

«Quand David Simon a fait The Wire (NDLR: une télésérie américaine tournée à Baltimore), on l’a accusé de traiter la situation par les stéréotypes, tranche le réalisateur. Mais les stéréotypes sont souvent la réalité. Je pense qu’on n’est pas encore rendu, à travers les institutions, à faire une comédie romantique entre deux Haïtiens…»

Noir (NWA)
À l’affiche dès le 10 avril

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