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Le sel de la terre: tendresse derrière l’objectif

Photo: collaboration spéciale

Le documentaire Le sel de la terre retrace l’impressionnant parcours du photographe brésilien Sebastião Salgado, témoin des petites joies et des grandes souffrances de son époque.

Un grand humaniste avec une formation d’économiste qui, sur le tard, se découvre une passion pour la photo et consacre les quatre décennies qui suivent à parcourir le monde, témoignant de son époque (famines, exodes, guerres, génocides) au moyen d’images magistrales en noir et blanc. C’est l’histoire de Sebastião Salgado, un des plus grands photographes du 20e siècle, qui a fui la dictature militaire du Brésil dans les années 1970 pour s’établir à Paris, sans se douter qu’il consacrerait sa vie à mettre en images le sort des moins nantis, des opprimés et des oubliés. Maintenant, grâce à son fils Juliano Ribeiro Salgado et au cinéaste allemand Wim Wenders (Les ailes du désir), un admirateur inconditionnel de son travail, ce photographe âgé de 71 ans voit sa grande épopée relatée dans Le sel de la terre, un documentaire-hommage nommé aux derniers Oscars qui émeut en raison de la grande empathie qui s’en dégage.

Le projet a permis à Salgado père de revisiter les hauts et les bas d’une carrière toujours enrichissante, mais aussi très souvent éprouvante. En entrevue téléphonique, il souligne son admiration pour des collègues qui l’ont inspiré pendant qu’il apprenait sur le tas – des gens tels que le Mexicain Manuel Álvarez Bravo, le Péruvien Martín Chambi et le Français Henri Cartier-Bresson. «Reste qu’un artiste ne photographie pas à partir des photos des autres, mais à partir de son propre héritage, nuance-t-il. Ce que j’ai appris en économie, puis en tant que militant de gauche a été très important pour moi. Et avoir un enfant trisomique m’a aussi beaucoup apporté. Tout ça a contribué à façonner ma manière d’intervenir, ma personnalité, mon idéologie. C’est avec ça que je photographie.»

«Cartier-Bresson était un grand ami. Je partageais sa grande curiosité qui le poussait à aller voir ailleurs, mais on voyait le monde de façon complètement différente. On est allés aux mêmes endroits, mais on a capté des choses très différentes. Chaque photographe est seul au moment de composer son image.» – Sebastião Salgado

Ce qui se dégage de ce portrait très exhaustif – qui alterne les tranches d’entrevue avec Wim et les expéditions sur le terrain avec Juliano – est le dévouement absolu avec lequel Sebastião s’est consacré à des projets photographiques complexes, souvent fort perturbants, qui s’étalaient sur plusieurs années. De la famine au Sahel aux mines d’or du Brésil, il pratiquait chaque fois une immersion totale dans son nouvel univers, allant à la rencontre de ses sujets, contrairement au mode d’emploi de plusieurs photojournalistes actuels: atterrir au centre névralgique d’une tragédie, capter quelques clichés provocants à la va-vite, puis disparaître à jamais. «Chaque fois que j’ai photographié une histoire, j’avais une raison d’être là. Par exemple, La main de l’homme, mon livre sur les travailleurs, découle du fait que j’ai eu un entraînement marxiste. L’homme et le travail ont été au centre de mon univers; avec ce projet, je suis donc allé rendre hommage aux travailleurs. Retrouver cette noblesse immense dans la façon de travailler, découvrir des relations immenses dans le monde du travail, ce fut pour moi un énorme plaisir.»

Il dresse également un parallèle entre Exodes, son projet sur les migrations humaines de la Croatie jusqu’en Équateur, et son propre parcours de réfugié en France. «Je n’ai photographié que les choses avec lesquelles je m’identifiais énormément, parce que pour consacrer autant de temps à quelque chose, il faut que ça t’intéresse profondément. C’est ça, ma vie de photographe.»

Le sel de la terre
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