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Ils étaient tous mes fils: Enfants de la guerre

Photo: Caroline Laberge/Collaboration spéciale

Jusqu’au 5 décembre, chez Duceppe, Benoît McGinnis tient le rôle d’un militaire rentré de guerre. Son frère a péri au front. Sa mère attend toujours ce fils disparu. Et son père porte une armure sur des sentiments qui sont loin d’être clairs.

All My Sons. Ils étaient tous mes fils. Se déroulant dans la cour arrière d’une maison américaine, ce drame d’Arthur Miller prend une tournure québécoise – dans le langage – dans cette traduction signée pour l’occasion par David Laurin. C’est du reste une chose qu’on savoure: le texte. Ces répliques qui s’emboîtent, cette intrigue idéalement construite. Benoît McGinnis acquiesce: il a été séduit par les mots. Et le propos. «Même si elle est violente, je trouvais l’histoire vraiment intéressante, belle et riche!» s’exclame l’acteur qui joue un soldat revenu de la Seconde Guerre mondiale.

Les souvenirs douloureux du front le hantent toujours. Dans la maison de ses parents, il se sent coincé. Surtout qu’il souhaite se marier avec celle qui était fiancée à son frère, disparu au combat. Ce frère dont leur mère espère toujours le retour

Au fil de la pièce, votre personnage sent naître en lui un sentiment de responsabilité. On devine presque chez lui une honte du survivant. Est-ce une idée que vous avez explorée en construisant votre personnage?
Je me suis vraiment référé à la pièce pour essayer d’imaginer ce que ça peut être de revenir de la guerre, d’avoir un choc post-traumatique. Je me suis demandé jusqu’à quel point on se rend compte que notre existence est ordinaire après ce qu’on a vécu. À quel point on se dit : «Je ne peux pas croire que je continue à vivre de même avec tout ce qui se passe!» Mais ça, c’est un constat que tout le monde fait, je pense. On se dit : «Je suis là. J’ai du fun. Et il y a des gens qui ne mangent pas, à l’autre bout du monde. Ou même à côté de moi.»

La pièce aborde le fait «d’être au bon endroit», «de se sentir chez soi». Votre personnage assure à son amoureuse qu’elle «est à la bonne place!» Son grand ami vient le voir et lui dit : «Je me sens tellement bien ici!» Une idée qui vous a guidé?
On en a souvent parlé, de cette envie de créer «LE lieu». Car les personnages sont beaucoup dans le souvenir de ce qu’a été leur enfance. Ce temps où ils étaient bien, tous ensemble. Arthur Miller a placé l’action de sa pièce dans la cour arrière d’une maison. L’endroit où il y a des fêtes, où les gens viennent jouer aux cartes… Dans ma famille aussi, c’était comme ça : les voisins venaient chez nous, il y avait toujours ben du monde. On se racontait des histoires. «Tsé, au jour de l’An, v’là 15 ans, quand matante est arrivée?» Je comprenais donc l’attachement des personnages pour ce lieu. En même temps, comme je le dis à mon amoureuse [jouée par Évelyne Rompré] : «On s’en va! On devrait être ailleurs! Pour recommencer!» Ce désir de s’émanciper, c’est beau aussi.

Et «de ne plus jouer au bon gars», comme vous dites sur scène?
Aussi. De dire à sa famille : c’est assez, je ne veux plus être ici! En plus, à cette époque, le rapport avec la famille était très important. On ne s’en allait pas de même, quand on voulait. Il y avait un protocole. Et on faisait attention à la manière dont on parlait à nos parents.

D’ailleurs, on sent la cassure au moment où vous passez du «vous» au «tu» avec votre père. Vous lancez dans la même réplique : «Je ne veux pas vous parler!» et «Je vais t’arracher la tête!» Un point de rupture.
C’est intéressant parce que, en anglais, ce n’est pas nécessairement présent. Parce que c’est «you» pareil. Là, David Laurin, le traducteur, et Frédéric Dubois [le metteur en scène] ont décidé d’utiliser cette nuance. Ça donne une autre dynamique. C’est drôle parce qu’il y a beaucoup de monde qui l’ont remarqué et qui m’en parlent!

Dans la traduction, justement, il y a des expressions comme «Vous allez vous accoter?» «Kessé que t’as à chialer?» Pas juste pour le public, mais pour les acteurs, trouvez-vous que cela crée un sentiment d’identification plus fort?
Oui… L’idée, c’était de sortir complètement de la traduction française déjà existante. Puis de s’approprier la pièce tout en se disant que ça ne se passe pas à Anjou, mais bien dans une municipalité, aux États. Je trouve qu’on gagne à faire ce travail avec des œuvres qui existent. De Tchekhov, de Shakespeare. Quand j’avais joué Hamlet, Jean Marc Dalpé l’avait adapté, et le sens de la phrase était dans une pensée québécoise. Je trouve ça intéressant.

«C’est sûr que d’ici la dernière représentation, des choses vont avoir changé. Mais de l’intérieur. Si quelqu’un vient revoir la pièce, je ne pense pas qu’il va faire : “OH MON DIEU. J’aurais dû attendre à la fin!” Mais nous, on le sait. C’est l’avantage de jouer longtemps.» – Benoît McGinnis

Vous avez des scènes de superbes face à face avec Michel Dumont et Vincent-Guillaume Otis. Est-ce que vous aimez particulièrement jouer de tels instants de confrontation?
Oh oui! C’est drôle parce que ces scènes, à la lecture, n’étaient pas nécessairement ressorties pour moi. Ce n’est qu’après que j’ai réalisé : OK, oui, il y a du stock! Mais j’adore ça! Ce sont deux façons d’aborder la confrontation. Avec Michel, c’est construit pour que tout s’écroule et que je fasse quoi?! Alors que, avec Guillaume-Vincent, c’est plus sournois. C’est tellement bien écrit! Tout est bien lié. C’est vraiment bon.

Pour conclure, comme Frank, le personnage du voisin débonnaire dans la pièce, consultez-vous souvent… votre horoscope?
Ha. Non! Vraiment pas. Mais j’avoue que je suis du genre à vérifier la numérologie. Par exemple, quand je me suis acheté une maison. J’ai un ami qui connaît ça, je lui ai envoyé les chiffres de mon adresse en lui demandant : est-ce que c’est bon? Mais mon signe de Taureau, ce qui va m’arriver dans une année, non.

Ils étaient tous mes fils
Chez Duceppe
Jusqu’au 5 décembre

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