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David Paquet: Tout le pouvoir de la poésie

Photo: Catherine Aboumrad/Collaboration spéciale

Après avoir écrit des pièces pendant neuf ans, le dramaturge montréalais David Paquet s’approprie la scène pour une soirée de «stand-up poétique». Ovation de mots debout.

Il avoue être «un junkie d’approbation» et dédie son spectacle, Papiers mâchés, à ceux qui possèdent le talent, selon lui inouï, de rincer du quinoa («Comment vous faites, calvaire?!»). Seul sur scène, David Paquet donne de l’amour à ses spectateurs, les pointant un par un («I love you. And you. And you.») et les gratifie, à la sortie, de pensées de biscuits chinois sans biscuits. Après avoir dansé, croisé un extra-terrestre et «vécu un moment Paolo Coelho», il quitte son public en lui souhaitant, parmi moult choses, de l’«enthousiasme».

Le performeur trentenaire parle aussi de «la chance de se faire rejeter par un gars, et un autre et un autre», se bute aux limites de la tolérance, raconte la fois où il s’est «chicané avec un enfant de cinq ans à la piscine municipale» et lance soudain, le regard dans le vague, le corps contorsionné dans une pose statuesque : «J’adoooore la drogue.» On adoooore.

Au fil du show, vous parlez du statut de spectateur anonyme que vous dites «apprécier énormément lorsque vous allez au théâtre». Néanmoins, vous faites sortir vos spectateurs de ce statut, en les mettant sous les projecteurs et en leur demandant : «Avez-vous des questions?» Est-ce un des privilèges d’être sur scène?
Hmm… Le désir d’ouvrir comme ça sur le spectateur vient de deux choses. Papiers mâchés, pour moi, ce n’est pas un objet théâtral classique. On est vraiment plus dans les arts du conte. Je parle à des gens; on est là ensemble; je ne peux pas les ignorer. Et puis, si j’ai des questions, ça me force à aiguiser mon sens de la répartie, de l’improvisation. Des fois ça marche… des fois ça ne marche pas!

Vous commencez votre spectacle en vous présentant au public: «Allô! Je m’appelle David! Je suis très content que tu sois là parce que ça fait neuf ans que j’écris du théâtre pour toi.» Puis vous dites : «Allô! Je m’appelle David! J’ai aussi très peur que tu sois là parce que ça fait neuf ans que j’écris du théâtre pour toi.» Quel sentiment, de la joie ou de la peur, a fini par prendre le dessus?
La joie! La joie! C’est sûr que le stress de performer est très différent du stress d’écrire. Écrire, c’est un stress diffus. Nos erreurs, on a la chance de les faire tout seul chez soi. Et quand notre texte trouve la scène, c’est que, si tout va bien, il est considéré comme terminé par l’auteur. Alors que, en tant que performeur, les erreurs, on les fait un peu devant les gens – surtout moi, dont ce n’est pas la formation. La peur vient de là. Mais malgré elle, je choisis de me concentrer sur l’enthousiasme.

Dans vos histoires, des stars font leur apparition : Boy George, Enya, Mariah Carey, «à laquelle il faut parfois demander conseil». Des amis? Des guides? Des points de référence?
Ces mentions de la pop, je les ai volontairement mises dans le spectacle pour décomplexer le rapport à la poésie. Par exemple, l’autre soir, lorsque j’ai dit : «Je voulais tellement être dans tes bras que j’ai fini par être dans tes jambes», il y a une madame qui a fait : «Ooooooh!» J’aime générer ce genre de réaction; démystifier le fait que la poésie, ce n’est pas un somnifère. De là mon désir d’allier stand-up et poésie – deux formes d’art que je respecte énormément – puis d’en faire un objet hybride.

Vous racontez aussi une brève histoire que vous dites avoir trouvée en ligne et vous être appropriée puisque, clin d’oeil, «si c’est sur internet, c’est à tout le monde». Cette propension à «emprunter» sur le web, est-ce une chose qui vous fâche? Vous préoccupe? Que vous trouvez, au contraire, intéressante?
C’est une arme à deux tranchants, non? Le fait qu’on puisse démocratiser des idées par le biais d’internet, et qu’on puisse sortir du contrôle médiatique, c’est fondamental. Mais au niveau du droit d’auteur, c’est sûr que ça me préoccupe. Un album, ça ne se fait pas en sept avant-midi. Un album, ça s’achète. Un album, ça se paye. Même chose pour mes textes. Mais cette histoire dont je parle dans Papiers mâchés, et qui dure une minute, je me la suis appropriée parce que son contenu m’importe. Et parce que je le dis d’emblée qu’elle n’est pas à moi!

Vous parlez souvent de «maison» et de ce qui l’entoure. Vous mentionnez le «sous-sol de votre être» et une chanson qui vous «donne envie de rénover votre appartement et de mettre un poteau au milieu». Vous dites déménager, défaire vos boîtes. Écrire, on imagine, c’est comme la construire, cette maison?
Pour moi, la maison, c’est la métaphore parfaite des mécanismes de défense, en fait. Parfois, on en a besoin, parfois, elle peut nous nuire. Si je devais résumer ça en une phrase, je dirais : un bouclier c’est utile, mais c’est lourd. Le passage où je «mets une brique par-dessus une autre brique, par-dessus une autre brique; elle est belle ma maison, une chance, parce que je ne suis pas capable d’en sortir», c’est un peu ça : comment on fait pour se protéger du monde sans se couper du monde?

Dans cette demeure, il y a plein d’électroménagers. Vous réalisez que votre frigo est «plus grand que vous», vous mentionnez des «toutous en forme de four». Des générateurs d’angoisse?
Pas tant des générateurs d’angoisse qu’une métaphore ludique sur une certaine déshumanisation. Les électroménagers sont toujours raccords, symétriques, beaux, propres, fonctionnels. Comme s’ils n’avaient pas d’imperfections. Alors que, pour nous, humains, c’est un peu plus complexe, hein? C’est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu prendre la scène en n’étant pas un comédien formé : on masque tellement nos imperfections qu’il devient presque politique de laisser transparaître notre vulnérabilité en public.

Papiers mâchés
Au Théâtre d’Aujourd’hui
Jusqu’au 28 novembre

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