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Charbonneau: Duchesneau nomme des entrepreneurs

MONTRÉAL – L’ancien chef de l’Unité anticollusion, Jacques Duchesneau, a livré des noms d’entreprises à la Commission Charbonneau, lundi, pour illustrer quelques-uns des dossiers auxquels il s’est intéressé.

Témoignant pour une troisième journée devant la commission, M. Duchesneau a indiqué que durant l’année et demie où il a oeuvré à l’Unité anticollusion, en 2010 et 2011, son équipe avait ouvert 138 dossiers. De ce nombre, 17 ont été transmis à l’escouade Marteau, «quand on pensait que des enquêtes criminelles pouvaient être poursuivies», a-t-il précisé.

Plus tard, il a ajouté qu’ils avaient «200 dossiers sur des firmes précises», après avoir scruté les banques de données du ministère des Transports et avoir constaté que certaines soumissionnaient toujours, ou en compagnie des mêmes autres entreprises.

Il a cité plusieurs exemples de dossiers auxquels l’Unité anticollusion s’est intéressée.

Dans le secteur des enrobés bitumineux, notamment, deux firmes, DJL et Sintra, contrôlent la plus grande partie des contrats dans certaines régions, a-t-il affirmé.

Les collaborateurs de M. Duchesneau ont également cité le cas des entreprises Doncar et CJRB. L’une avait obtenu le contrat d’une municipalité de la couronne Nord de Montréal, en tant que plus bas soumissionnaire, mais elle a ensuite été disqualifiée. Le contrat a donc été octroyé au deuxième plus bas soumissionnaire. Or, celui-ci n’a finalement pas fait le travail lui-même et l’a plutôt sous-traité à… la première entreprise qui était la plus basse soumissionnaire, en obtenant cette fois un prix supérieur. De plus, ces deux entreprises avaient des actionnaires en commun, a expliqué l’ex-collaboratrice de M. Duchesneau, Annie Trudel.

De même, à Saint-Mathieu-de-Beloeil, un pont a dû être reconstruit. La firme de génie Dessau, qui devait effectuer la surveillance, n’a pas fourni le surveillant tel qu’elle devait le faire. Cela a donc entraîné des délais pour l’entrepreneur Simard Beaudry, qui a dû être dédommagé par le ministère des Transports, au coût de 1,1 million $.

Autre dossier: pour le projet du pont de l’île Goyer, dans l’est de la Montérégie, où la firme de génie était Genivar, un supplément a été réclamé par l’entrepreneur Pomerleau inc., a relaté l’autre ex-collaborateur de M. Duchesneau, l’enquêteur Martin Morin. L’entrepreneur avait soumissionné un montant à l’unité pour l’abattage de quelques arbres seulement. Finalement, il en a abattu 221 et a réclamé un supplément en conséquence.

«Il y a des firmes de génie qui, dans certaines régions, quand c’est elles qui font les plans et devis, il y a souvent des extras. Et j’irais même jusqu’à dire que les extras, c’est avec certains entrepreneurs, pas nécessairement avec tous les entrepreneurs», a décrit Mme Trudel, qui est maintenant agente de renseignements pour l’Unité permanente anticorruption.

«Un de nos collaborateurs nous a identifié deux personnes de deux firmes, qui, elles, sont spécialisées à ne faire que ça: chercher les failles dans les plans et devis pour pouvoir demander des avenants (des «extras»). Elles sont même soupçonnées d’être payés une commission de 10 pour cent sur la quantité d’avenants qu’elles vont chercher», a encore rapporté Mme Trudel.

M. Duchesneau a aussi remarqué que de l’information censée être confidentielle concernant les estimations de coûts du ministère des Transports semblait avoir été coulée aux entrepreneurs, pour certains contrats. «La fuite ne venait pas du ministère: le ministère en est la victime, finalement. S’il y a entente secrète ou divulgation d’informations secrètes, ça se fait entre certaines firmes de génie-conseil et certains entrepreneurs», a-t-il indiqué.

Perte d’expertise

M. Duchesneau a aussi déploré le fait qu’à cause du départ d’ingénieurs d’expérience, mieux payés dans le secteur privé, le ministère des Transports du Québec est aux prises avec de sérieux problèmes quand vient le temps de surveiller ce qui se fait sur les chantiers.

Les ingénieurs du ministère des Transports qui sont encore en poste sont souvent plus jeunes, moins expérimentés, n’ont pas toujours le bon diplôme de spécialisation en génie et se retrouvent parfois devant leur ancien patron du ministère, qui travaille maintenant pour une firme privée de génie, a relaté l’ancien chef de l’Unité anticollusion.

M. Duchesneau a aussi relevé l’importante charge de travail des ingénieurs du ministère, qui ont beaucoup de documents à remplir et qui n’ont plus le temps de visiter les chantiers aussi souvent qu’ils le voudraient, ou de passer autant de temps à vérifier les plans et devis préparés par des firmes de génie.

La Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction passera toute la semaine à entendre M. Duchesneau. Elle ajournera ensuite ses audiences jusqu’au 17 septembre.

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