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Défendre l’intégrité du métier d’ingénieur entaché à la Commission Charbonneau

Photo: Yves Provencher/Métro

Dire qu’on est ingénieur ne suscite pas une grande sympathie chez les Québécois, qui sont bombardés quotidiennement de révélations de magouilles à la Commission Charbonneau. Pour savoir comment de jeunes ingénieurs vivent avec le poids des actes de leurs confrères plus âgés, Métro en a invité plusieurs à une table ronde.

Facile de rencontrer les nouvelles recrues de compagnies à la réputation écorchée? Pas tellement. Métro s’est heurté à des services de communications discrets, mal à l’aise ou simplement muets.

Les firmes Genius et Cima+ n’ont pas rappelé. La personne-ressource chez SNC-Lavalin était en congé , alors que Génivar, BPR et Dessau ont simplement refusé l’invitation. «Votre sujet d’animation est […] un enjeu qui nous préoccupe. Par contre, nos gestes d’entreprise à cet égard se vivent via des forums internes qui visent à répondre aux préoccupations de nos employés», a indiqué BPR.

C’est finalement l’Ordre des ingénieurs du Québec et l’École de technologie supérieure (ÉTS) qui ont recommandé les quatre ingénieurs rencontrés par Métro. Et ils en avaient beaucoup à dire, sans filtre. «Moi, j’ai sauté sur l’occasion pour venir nous défendre», lance d’entrée de jeu Kristell Tremblay. «Accro» aux audiences de la Commission Charbonneau, la jeune femme au franc-parler qui a fondé sa propre compagnie de construction, KT Construction, croit que les ingénieurs ne doivent pas tous être mis dans le même panier. «Ce ne sont pas des ingénieurs qui ont fraudé, mais des gens, des personnes», martèle Éric Tremblay, étudiant à la maîtrise à l’ÉTS, spécialiste de l’asphalte. «C’est comme les prêtres pédophiles : tous les prêtres ne sont pas pédophiles, mais on est choqué parce qu’ils portent un titre et qu’ils sont censés avoir notre confiance», illustre François Fontaine, ingénieur à la Ville de Montréal, qui ressent une pression supplémentaire au bureau pour montrer patte blanche.

S’ils se disent victimes de moqueries de leur entourage, ils tiennent cependant mordicus à défendre le métier qui les rend fiers.«Quand Frank Zampino dit que ce sont les ingénieurs qui ont mis en place le système à Montréal, c’est déplorable, répète Adrian Dafinei, de Centrissimo. C’est déplorable que quelques individus ternissent le métier. Surtout que ces ingénieurs ne faisaient pas vraiment de travaux d’ingénierie.»

Il reconnaît néanmoins que davantage doit être fait pour contrôler les intervenants et punir coupables, notamment par des peines exemplaires plus sévères, à l’instar de celle envisagée pour l’ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt, qui a été accusé de gangstérisme. «L’Ordre des ingénieurs doit retirer des permis», renchérit Kristell Tremblay, qui regrette que l’Ordre protège les ingénieurs, et non le public en dépit de son mandat.

Tous responsables

Chacun doit reconnaître sa responsabilité, particulièrement les citoyens, trop absents aux élections, estime pour sa part François Fontaine. «On a les politiciens qu’on mérite», laisse-t-il tomber cyniquement. Si les citoyens ne votent pas, les élus ne sont plus redevables à leur égard et sentent qu’ils peuvent agir en toute impunité. Il ne comprend d’ailleurs pas pourquoi un citoyen ne pose pas les questions nécessaires aux politiciens et ne s’assure pas de faire un suivi, comme il le ferait avec une garderie. Il propose même de créer un ordre des politiciens qui agirait comme chien de garde, puisque la population ne le fait pas.

Marteler l’intégrité
À l’instar de parents qui répètent les bonnes manières à leurs enfants, Adrian Dafinei et Kristell Tremblay croient qu’il est important que les politiciens et les ingénieurs révisent leur code d’éthique ou leur code déontologique. Ils proposent d’ailleurs des cours de rafraîchissement, surtout pour l’ancienne génération. «Me faire enseigner l’éthique, pour moi… je ne comprends pas. Ça va de soi, respecter les règles», nuance Éric Tremblay, qui juge son cours d’éthique peu utile. «Il faut simplement dire non, ajoute François Fontaine. Je l’ai déjà fait… avec un café, mais c’est comme ça que ça commence.»

Et à long terme?
Heureux de l’attention publique portée à ce dossier grâce à la Commission Charbonneau, Adrian Dafinei se demande comment faire pour assurer la pérennité des effets positifs. Les autres sont modérément optimistes à l’égard de l’avenir. S’ils prévoient des effets durables, ils doutent que la corruption ne reprenne plus. «On en a eu d’autres, des commissions… Les gens attendent un messie qui va faire le ménage», conclut pour sa part François Fontaine.

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