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La loi contre la discrimination syndicale: un flop

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – L’entrepreneur Normand Pedneault, propriétaire de l’entreprise de construction Paul Pedneault, croit que la loi adoptée sous le gouvernement libéral, en 2005, pour lutter contre l’intimidation et la discrimination sur les chantiers de construction, est carrément un échec.

Lors des audiences de la Commission Charbonneau, jeudi, le commissaire Renaud Lachance lui a demandé si cette loi était pour lui «un flop».

«C’est exact», a répondu le témoin, «cette loi n’a rien réglé».

Cette loi a été adoptée en décembre 2005 à la suite du scandale des dépassements de coûts de l’usine Gaspésia. Elle devait permettre de contrer la discrimination syndicale sur les chantiers et l’intimidation, a souligné l’avocat du Parti libéral du Québec, Félix Rhéaume, qui contre-interrogeait le témoin.

Or, en novembre 2005, le chantier de M. Pedneault à Longue-Rive s’est fait assiéger par 40 à 50 manifestants qui ont aussi molesté ses deux frères, terrorisé ses ouvriers sur place et abimé de l’équipement.

Me Rhéaume a tenté de démontrer, par ses questions, que le gouvernement libéral avait agi pour contrer l’intimidation et la violence sur les chantiers grâce à cette loi. C’est à cette occasion que M. Pedneault a affirmé que la loi n’avait pas vraiment changé les choses.

La veille, M. Pedneault avait rapporté avoir raconté la violence et l’intimidation subies au ministre libéral du Travail de l’époque, Laurent Lessard, en janvier 2006, lors d’un congrès de l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Le ministre n’avait tout simplement pas voulu élaborer, avait rapporté M. Pedneault.

M. Pedneault croit que pour mettre fin à l’intimidation et à la violence sur les chantiers, il faut d’abord «briser la peur» pour ensuite être capable de dénoncer.

Il croit que les travailleurs doivent aussi «se prendre en main» parce qu’eux non plus, selon lui, n’aiment pas cette violence et cette intimidation. «Ils en souffrent» aussi, comme les entrepreneurs, estime M. Pedneault.

L’entrepreneur expérimenté plaide aussi pour que de véritables peines soient prononcées contre les auteurs des gestes inappropriés et les contrevenants aux règles. «Tant qu’on fait ce qu’on veut sans impunité, ils vont le faire», a-t-il conclu.

À la juge France Charbonneau qui lui demandait pourquoi lui-même n’avait pas porté plainte, il a répondu que «les gens n’ont pas confiance au système».

La juge l’a félicité pour son courage. «J’espère que votre femme et vos frères sont très fiers de vous et marchent la tête haute», lui a-t-elle lancé. La veille, il avait pleuré en racontant comment ses frères avaient été molestés.

Autres aberrations

La commission a ensuite entendu Jean-François Sabourin, enquêteur à l’Unité des enquêtes spéciales à la Commission de la construction du Québec. Il a résumé le genre de doléances et d’aberrations que la CCQ a recueillies au fil du temps.

Des employeurs sur la Côte-Nord ont rapporté l’existence d’une «clause Rambo» ou d’une «clause Bezeau» dans les façons de procéder sur les chantiers, qu’ils doivent respecter _ du nom du représentant régional de la FTQ-Construction pour les opérateurs de machinerie lourde et de celui du représentant régional pour les manoeuvres.

M. Sabourin a rapporté le cas d’un chantier, pendant une période de canicule, l’été, où des représentants syndicaux avaient exigé que les travailleurs bénéficient de 45 minutes de pause après 15 minutes de travail.

Dans un autre cas, les manoeuvres avaient fait le ménage de la roulotte des grutiers, sur un chantier, mais les grutiers ont tout de même demandé à l’employeur de les rémunérer pour ce ménage, puisqu’il s’agissait de leur roulotte.

Dans un autre cas, une pluie verglaçante s’annonçait durant un week-end. L’entrepreneur avait donc demandé à ses grutiers d’abaisser le mât de leurs grues. Mais ceux-ci ont fait exprès pour les laisser relevés. «Le verglas a pris dans les grues et ils ont perdu plusieurs jours d’ouvrage, la semaine suivante, à dégivrer, avant d’être en mesure de poursuivre les travaux», a rapporté M. Sabourin.

Il semble aussi y avoir des problèmes de productivité en Gaspésie. Le représentant de la CCQ a rapporté les propos d’un ingénieur qui lui a relaté que le temps de montage d’une éolienne était en moyenne de 500 à 600 heures dans l’ensemble du Québec, mais de 800, 900, voire 1000 heures en Gaspésie. «Il ne voyait pas d’explication technique à ça autre que la productivité de la main-d’oeuvre et les revendications, les moyens de pression, les délais et tout ce que ça a pu engendrer comme coûts», a rapporté M. Sabourin.

M. Sabourin a affirmé avoir entendu «des rumeurs» de pots-de-vin touchés de la part de ceux qui faisaient du placement syndical sur la Côte-Nord, mais il ne s’agissait que de rumeurs. Personne ne lui a dit avoir dû payer.

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