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Rencontre privée avec Jean Charest moyennant 500 $

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca
Lia Lévesque - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – Le témoin non identifié a poursuivi ses révélations, vendredi, devant la Commission Charbonneau, affirmant cette fois s’être fait offrir une rencontre privée avec le premier ministre libéral Jean Charest, en septembre 2009, moyennant le versement d’une somme de 500 $.

Un courriel déposé en preuve devant la commission d’enquête fait d’ailleurs référence à ses dires.

Le témoin, un ingénieur pour les firmes BPR puis Roche, a été vice-président au développement des affaires et conseiller au président. À cette époque, il travaillait pour Roche. Il témoigne derrière un paravent et sa voix est modifiée.

Dans ce courriel du 24 août 2009, deux dirigeants de la firme de génie, feu Claude Lescelleur et André Côté, échangent concernant un cocktail et un souper pour inaugurer un musée _ un contrat qu’a obtenu Roche à Gaspé.

M. Lescelleur y écrit que «les gens du Parti libéral viennent de me téléphoner pour me dire qu’il y aura des rencontres privées avec le premier ministre à 14h30 à l’Auberge des commandants. Pour les gens intéressés, le coût de cette rencontre est de 500 $ par personne.»

Le président de Roche, Mario Martel, a aussi reçu une invitation à un souper gastronomique à 1000 $ par personne avec la chef péquiste Pauline Marois en septembre 2008.

La lettre de sollicitation mentionne que «nous sommes d’ores et déjà convaincus que Mme Marois portera une oreille attentive à vos suggestions et à vos préoccupations et que cette soirée au profit du Parti québécois sera mémorable et permettra d’établir des liens durables entre vous et nous».

Le témoin a aussi affirmé que c’est bel et bien Marc-Yvan Côté, employé puis consultant pour Roche, qui avait organisé les cocktails de financement pour la ministre des Affaires municipales Nathalie Normandeau, contrairement à ce qu’il avait soutenu devant la commission, affirmant qu’il avait seulement contribué à les organiser. «C’était Marc-Yvan Côté le leader», a dit le témoin.

Et M. Côté n’invitait que des représentants de Roche au sein des firmes de génie, pas ses concurrents. Les autres invités étaient d’autres types de fournisseurs du gouvernement, comme des avocats, architectes, entreprises d’expertise en sol, etc.

Il y avait une place vide à chaque table, pour permettre à la ministre Normandeau de passer de table en table. Elle prenait ainsi le potage avec certains fournisseurs du gouvernement, le dessert avec d’autres fournisseurs, a expliqué le témoin. Le personnel de son ministère était aussi présent.

Le témoin non identifié a aussi indiqué avoir participé au financement de la campagne du maire de Québec, Jean-Paul L’Allier, en 1996. Il n’a pas sollicité de firmes de génie, mais des firmes de comptables, avocats, architectes et entrepreneurs, a-t-il précisé.

Il a par ailleurs rapporté avoir joué au golf, aux frais de Roche, avec Sam Hamad, actuel ministre du Travail, en 2006. La Tempête était un club privé où Roche avait six cartes de membre. Le quatuor de golf était composé du témoin mystère, de M. Hamad, du président de Roche et de l’organisateur en chef du PLQ, Benoît Savard.

«L’entreprise assumait tous les frais», a-t-il pris soin de préciser.

La firme de génie savait également manifester son appréciation d’autres manières.

«Lorsque l’opportunité se présentait où un haut-fonctionnaire, son fils, avait besoin d’un travail, à qualité égale, on a tout intérêt à engager le fils d’un haut-fonctionnaire ou d’un sous-ministre. Même chose pour un député ou un ministre», a expliqué le témoin.

Sa firme de génie a ainsi embauché le fils de Gaétan Lelièvre, député péquiste de Gaspé, qui était à l’époque directeur général de la Ville de Gaspé. «Il a une rémunération, supposons, de 15 000 $ dans son été. C’est comme donner 15 000 $ directement au père, parce qu’il n’a pas besoin de débourser pour le 15 000 $ que son fils a gagné dans l’été», a résumé le témoin mystère.

De même, le président de la firme de génie était ami avec l’ancien ministre péquiste Rémy Trudel. L’ancienne épouse de M. Trudel a été embauchée pour du travail de bureau, «pour lui rendre un coup de main financier», a rapporté le témoin.

Ordre politique exceptionnel

L’ingénieur retraité a aussi élaboré sur le dossier de Cloridorme, en Gaspésie, un projet d’assainissement des eaux de 40 millions $ qu’il a qualifié de «dossier le plus complexe de sa carrière».

«On ne sentait pas une grande ouverture» de la part des fonctionnaires, a-t-il rapporté.

Puis lors d’une troisième rencontre au cabinet des Affaires municipales, le témoin a entendu le directeur de cabinet de la ministre Nathalie Normandeau et un attaché politique passer un message: «Mme Normandeau souhaite que le dossier se règle dans les plus brefs délais parce qu’elle veut faire une annonce».

Après, le témoin a senti que des pressions politiques avaient été faites par le cabinet sur les fonctionnaires du ministère, car ces derniers ont accueilli froidement les représentants de Roche. «On a quatre fonctionnaires qui ne nous serrent pas la main, qui ne nous regardent pas dans les yeux, qui prennent des notes. On est quatre de Roche et on explique notre projet», a-t-il rapporté.

«On sentait que c’était un ordre politique de nature exceptionnelle» qui avait ainsi indisposé les fonctionnaires, qui étaient donc mécontents de devoir procéder avec ce dossier malgré leur désaccord, a-t-il laissé entendre.

L’interrogatoire du témoin se poursuivra lundi.

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