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Neutralité religieuse: un accueil mitigé pour le projet de loi 62

Photo: Denis Beaumont/Métro

Pour dresser un portrait du projet de loi attendu sur la neutralité religieuse, déposé mercredi par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, TC Media a rejoint cinq experts en multiculturalisme.

Rachida Azdouz, psychologue spécialiste en relations interculturelles à l’Université de Montréal (UdeM), Elsy Fneiche, psychoéducatrice portant le hidjab, Stéphane Beaulac, professeur en droit international à l’UdeM, Marie McAndrew, professeure titulaire spécialisée en éducation multiethnique et Louis rousseau du département des sciences de la religion à l’UQAM, s’entendent pour dire que ce projet de loi était «nécessaire», mais l’interprètent tous de différentes manières.

Les musulmans visés
Selon Mme Azdouz, ce projet de loi ne calmera pas le débat qui dure depuis plus de vingt ans. «Il donnera des armes aux intégristes radicaux qui vont y voir de l’islamophobie», croit-elle.

En vertu du projet de loi 62, les employés des services publics, pourront porter le Tchador ou le turban, mais pas la burqa ou le niqab. «Les services devront être offerts à visage découvert», expliquait Mme Vallée en conférence de presse mercredi.

«Il y avait une nécessité politique d’intervenir, mais c’est essentiellement un projet de loi qui interdit le niqab et la burqa, selon Mme Azdouz. On lance deux projets de loi en même temps [projet de loi 59 pour lutter contre la radicalisation et projet de loi 62], c’est pertinent de proposer deux lois distinctes sur la radicalisation et la neutralité religieuse, mais ce qui est maladroit c’est de réduire les accommodements au niqab et à la burqa, alors qu’ils concernent tous les groupes religieux.»

Prudence ou audace
La psychoéducatrice, Elsy Fneiche qui porte le hidjab pense autrement, «la situation identitaire au Québec est fragile alors je comprends que l’on doive baliser le port de signe religieux. Je crois que le projet de loi actuel envoie un message qui favorise un climat d’ouverture, beaucoup plus que la charte».

Une ouverture que perçoit aussi le professeur en droit international, Stéphane Beaulac, «le projet consolide la position libérale du Québec: les individus sont libres de s’habiller comme ils le veulent même s’ils travaillent pour une instance publique.»

Ce que Mme Azdouz perçoit comme un revirement par rapport aux conclusions du rapport Bouchard-Taylor. «On ne parle plus des employés au pouvoir contraignant et des municipalités, et pourtant les conclusions de ce rapport avaient fait l’objet d’un consensus au sein même des groupes religieux», lance-t-elle.

Pour Marie McAndrew, le gouvernement n’a simplement pas eu l’audace de faire ce que proposait le rapport de 2008. «Ça aurait été intéressant d’aller voir», propose-t-elle, soutenant que ce qui est proposé à l’heure actuelle est déjà balisé par la Cour suprême en matière d’accommodements raisonnables. Louis Rousseau abonde dans le même sens, «je trouve grave que des gens qui sont autorisés à suspendre la liberté des autres puissent toujours porter des signes religieux, mais ça reflète parfaitement le gouvernement libéral qui n’a aucun intérêt pour ce genre de question».

Pour conclure, Mme McAndrew soutient que les libéraux «ont fait un projet de loi parce que les gens voulaient un projet de loi. Les balises proposées on les connait, elles sont déjà explicites pour les employés des hôpitaux, du secteur municipal, des écoles, etc».

À terme, en 2008, la commission Bouchard-Taylor émettait 37 recommandations, dont celle d’interdire le port de signes religieux aux magistrats et procureurs de la Couronne, aux policiers, aux gardiens de prison, aux président et vice-présidents de l’Assemblée nationale.

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