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L’île Lapierre: une transaction qui dérange

Leduc-Frenette Samuel - TC Media
L’île Lapierre, située dans les eaux de la rivière des Prairies tout auprès du pont de l’autoroute 25, aurait été vendue par un promoteur immobilier pour la somme de 14 millions $ en novembre 2008. Or, selon un reportage diffusé à l’émission Enquête à Radio-Canada, l’île aurait été évaluée à 368 000 $ quelques années plus tôt.

En fait, l’île a été acquise par la Ville dans le cadre d’un programme de dons écologiques. Ce programme fédéral vise à favoriser le don de terrains par des particuliers à un organisme à but non lucratif dans le but d’en faire une aire protégée. En contrepartie, Ottawa offre des déductions fiscales.

Alfonso Argento, le promoteur immobilier, a ainsi obtenu 14 M$ pour son île, soit 10 M$ en crédit d’impôt et 4 M$ payés par la Ville de Montréal. Pour participer au programme fédéral, M. Argento a fait affaire avec l’organisme de conservation Canards illimités Canada.

Or, selon Radio-Canada, deux études confirment que l’île valait beaucoup moins que ce montant. En 2005, la firme Monoconsult est engagée par la Ville pour déterminer la valeur de l’île. Celle-ci évalue la rentabilité de l’île comme étant nulle.

En décembre 2007, Louis-Guy Hénault, un conseiller immobilier de la Direction des stratégies et transactions immobilières de la Ville, arrive à des conclusions similaires. Selon Radio-Canada, le coût de l’île est plutôt de l’ordre de 368 000 $. Au parti Vision Montréal, qui est dans l’opposition à la Ville-centre, on confirme même que la valeur de l’île sans son zonage est de 213 000 $.

Pourtant, lors de la transaction de novembre 2008, la Ville de Montréal s’est plutôt fiée à une étude produite en octobre 2007 par la firme Raymond, Joyal, Cadieux, Paquette et Ass. Ltée pour évaluer la valeur de l’île. Cette dernière étude a établi sa valeur marchande à 5,53 M$, ce qui est au-delà des 4 $M payés par la Ville.

La différence entre les deux évaluations est assez simple à comprendre. Les premières études se sont basées sur une modification de zonage de 1994 selon laquelle l’île pouvait seulement permettre la construction d’un bâtiment d’un à trois logements. La dernière étude s’est quant à elle basée sur le fait que le promoteur immobilier avait prévu dès 1981 entreprendre la construction de tours contenant 700 logements.

Pourquoi les élus ne sont-ils pas basés sur les études évaluant à la baisse le coût de l’île avant la transaction de 2008? Parce qu’elles ont été cachées, ont affirmé la chef de Vision Montréal Louise Harel et la mairesse de l’arrondissement Rivière-des-Prairies—Pointe-aux-Trembles Chantal Rouleau en conférence de presse le vendredi 18 novembre.

« On croit qu’il y a eu trafic d’influence pour que les élus de l’opposition n’aient pas l’information », affirme Mme Rouleau au bout du fil.

Lorsqu’on lui mentionne que Maria Calderone, qui est conseillère d’arrondissement de Rivière-des-Prairies pour Union Montréal, le parti au pouvoir à la Ville-centre, n’était pas au courant, Mme Rouleau ne s’étonne pas. « Je pense que justement c’est pas juste à l’opposition que ça a été caché. »

« Il y a quelqu’un qui n’a pas inclus ces dossiers là, ce qui aurait été primordial, indique-t-elle. J’ai rencontré les autorités policières la semaine dernière. »

Une valeur écologique discutable

Dans les années 1980, alors que la famille Argento a voulu bâtir son complexe immobilier, des travaux ont été entrepris pour remblayer et niveler le sol de l’île. Au total, 4000 camions sont venus décharger du remblai.

Selon des spécialistes questionnés par Radio-Canada, la valeur écologique de l’île est pratiquement nulle. La qualité de la faune et de la flore faisaient pourtant partie des critères d’achat de la Ville dans le cadre du programme des dons écologiques.

Dans un communiqué émis par la Ville à la suite de la sortie publique de Mmes Harel et Rouleau, on affirme pourtant que les qualités de l’île sont pratiquement demeurées intactes.

« Les îles sont globalement restées dans un état assez naturel. On y retrouve notamment des marais et herbiers en périphérie qui constituent des habitats de reproduction pour poissons, rat musqué [sic], amphibiens, reptiles et canards, de même que des aires d’alimentation du grand héron », peut-on y lire.

La Ville prévoit intégrer l’île Lapierre au parc-nature du Ruisseau-De Montigny. Ni le député de LaFontaine Tony Tomassi, ni M. Argento n’a retourné nos appels.

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