Les associations de locataires dénoncent des évictions frauduleuses
Le regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ) a lancé, lundi, un appel aux élus provinciaux et municipaux, pour leur demander de protéger davantage les locataires de l’éviction.
Le RCLALQ pointe du doigt une disposition du Code civil qui permet à un propriétaire d’évincer un locataire au motif qu’il souhaiterait agrandir, subdiviser ou changer l’affectation du logement.
«Ce stratagème est devenu très prisé, car il permet aux propriétaires de vider les logements, sans dévoiler leurs intentions réelles, explique Maude Béguin-Gaudette, porte-parole du regroupement. Les locataires visés habitent généralement leur logement depuis longtemps et ne paient pas cher. Les propriétaires, eux, ont acheté depuis environ trois ans et veulent rentabiliser leur achat.»
Épaulé par l’université Concordia, le Comité logement de La Petite-Patrie (CLPP) a réalisé une analyse des 18 000 propriétés, qui se situent dans les rues résidentielles de La Petite-Patrie.
L’étude révèle que, de 1991 à aujourd’hui, 3287 unités locatives ont été transformées en copropriété divise ou indivise, dans le quartier, soit environ 20% des unités.
«On a été abasourdi par ce chiffre-là. En commençant à regarder chaque cas plus précisément, on s’est aperçu que l’éviction pour agrandissement était utilisée comme tactique principale par les propriétaires», indique Martin Blanchard, responsable du CLPP.
Le CLPP dénonce un manque d’encadrement des propriétaires. «Ils envoient un avis d’éviction, font une demande de permis à l’arrondissement, commandent des plans et déposent tout cela à la Régie du logement. Le problème est que personne ne vérifie si le projet d’agrandissement est réalisé ou non», lance M. Blanchard.
Parcours du combattant
Simon Plouffe et Myriam Jacob-Allard résident dans La Petite-Patrie depuis huit ans.
Le 29 décembre, ils ont reçu un avis d’éviction pour agrandissement, quelques jours après avoir changé de propriétaire.
«On est quatre logements à être évincés en même temps. Mais, on a déjà de grands logements, pas du tout insalubres. On présuppose que les logements seront revendus. Pour nous reloger dans quelque chose d’équivalent, on a compté que cela devrait nous coûter 4000$ de plus par an», note M. Plouffe.
Le couple a fait front commun avec ses voisins pour refuser l’éviction et a porté son dossier devant la Régie du logement.
Solliciter les pouvoirs publics
La députée de Gouin, Françoise David, a déposé un projet de loi, il y a plus d’un an, pour protéger les aînés des évictions.
«C’est un premier pas, car nous voyons beaucoup de citoyens qui vivent des drames de ce genre, dans nos bureaux de circonscription. Il y a un certain nombre de propriétaires futés qui ont compris comment contourner le moratoire sur les condos et certains se font des profits de 30% à 40% sur un an», dénonce la porte-parole de Québec solidaire.
«On a qu’à se promener dans les rues des quartiers centraux pour voir trois affiches de logements à vendre du jour au lendemain», renchérit Carole Poirier, députée péquiste d’Hochelaga-Maisonneuve.
Du côté de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), on dénonce la pratique.
On estime cependant que le parc locatif commence à être asphyxié. «L’intérêt des propriétaires à louer n’est plus ce qu’il était, avance Hans Brouillette, directeur aux communications et affaires publiques de la CORPIQ. Si on continue à peser sur les épaules des propriétaires, la location va disparaître. On n’est pas dans du logement social. Il faut qu’il y ait un gain en bout de ligne. Et, une étude que l’on a réalisée dans Rosemont–La Petite-Patrie montre que pour un immeuble de quatre logements, l’encaissement net à la fin de l’année ne dépasse pas 2%.»
Le RCLALQ appelle le gouvernement provincial, la Régie du logement et la Ville de Montréal, à travailler de concert pour protéger davantage les locataires des évictions et demander que des balises soient mises en place.