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Présidentielle américaine: le père Noël vote à droite

Photo: Isabelle Bergeron

LOGO Une présidentielle à véloIls parcourent les États-Unis sur deux roues, du Vermont jusqu’à la Floride, pour tâter le pouls des Américains en cette saison électorale. Voici le premier texte d’une série de quatre à paraître dans Métro d’ici l’élection présidentielle du 8 novembre, écrit par deux reporters à vélo. Aujourd’hui, ils racontent l’histoire d’un artisan au look de père Noël, fabricant de jouets par surcroît, dont le cœur bat plus fort à droite…

En entrant dans le magasin de jouet de Michael Divoll, à Rutland, au Vermont, l’impression de pénétrer dans un souvenir nous enveloppe. La lumière tamisée fait tomber une ombre sur les jouets de bois alignés sur les étagères. La simple ambiance du magasin fait qu’on baisse la voix sans y penser. «G’d’afternoon!»

C’est Michael, le seul employé de sa modeste entreprise, qui nous souhaite la bienvenue dans son royaume. Nous sommes encore un peu abasourdis par l’ambiance, le nombre de jouets qui attendent de se faire prendre par des enfants en quête d’aventures, et, disons-le, par la barbe de l’artisan. Tellement, qu’on ne serait pas surpris de voir un lutin nous passer entre les jambes alors que Michael commence à nous parler, peut-être par simple ennui, ou bien par intérêt pour des cyclistes à l’accent bizarre.

«Des journalistes? La campagne électorale? Tiens donc… Et vous avez trouvé quoi jusqu’à maintenant? Ah oui, Bernie, évidemment! Les gens ont finalement compris ce qu’il est réellement: un communiste!» Il nous avertit : «Attention: je m’emporte facilement dans ce genre de discussion.»

Au milieu de ses outils, l’artisan nous expose sa vision des choses. Plus il parle, plus on sent glisser son traîneau du pôle Nord vers une droite bien évidente. «Oui, je vais voter. C’est très important et ça devrait être obligatoire pour tous les citoyens.» Mais pas pour les prisonniers ou les gens qui n’ont pas de citoyenneté. Ça, hors de question, affirme Michael.

Quand il parle de Bernie Sanders, le sénateur du Vermont défait dans la course à l’investiture démocrate, on le sent sur le bout de son siège. «Ce sont ce genre de personnes qui veulent détruire la Constitution», dit-il en brandissant le document dans un format miniature. Michael considère Hillary Clinton comme une criminelle jamais formellement accusée. «Si les gens au sommet ne reçoivent pas le même traitement que ceux en bas, alors nous vivons dans une société sans loi.» Un vrai film western, image-t-il.

«J’aime profondément mon pays et, en ce moment, on détruit ses fondements.» Quand il parle de fondements, le fabricant de jouets en bois considère son métier comme étant à la base de l’éducation. «La créativité se développe avec les jouets qu’on possède quand on est enfants. On s’invente des histoires avec nos trains, nos petites autos. Imaginer des histoires, c’est vital. Aujourd’hui, les enfants ont quoi?» Il répond lui-même à sa question en mimant un enfant qui joue aux jeux vidéo avec une manette imaginaire, un regard espiègle en prime.

«Je ne veux pas ce qui est bon pour moi. Je veux ce qui est le mieux pour les États-Unis.» –Michael Divoll, fabricant de jouets artisanaux à Rutland, au Vermont

Selon lui, le gouvernement veut plus de pouvoir et ne veut pas que les gens pensent. Les universités aussi vont dans cette direction. «On éduque les enfants à utiliser de plus en plus les ordinateurs et à penser de moins en moins», estime Michael, qui croit que les plus jeunes développent une dépendance et cessent de réfléchir par eux-mêmes. Il martèle que les jeunes prétendent être d’une génération qui possède des connaissances, alors que sans leur cellulaire, ils ne savent plus faire grand-chose.

L’artisan ajoute qu’il aimerait voir les jeunes Américains prendre leur éducation en main sans attendre qu’on leur donne tout. «C’est toujours donne-moi, donne-moi, donne-moi, je veux, je veux, je veux. Si tu as envie de t’éduquer, pas besoin d’aller à l’université. Tu peux te lever et ouvrir un livre.» Pour lui, le gouvernement en fait déjà trop.

Découragé, il regarde autour de lui et dit que même son entreprise n’a pas le droit de grandir. «J’ai le droit de me tuer à l’ouvrage dans mon atelier, mais pas d’avoir un apprenti.» Il fait référence au fait que son atelier ne respecte pas les normes de sécurités ou de santé au travail.

Il prend une pincée de bran de scie sur sa table et la fait tomber par terre. «Savez-vous combien de parties par million il y a de ça dans l’air?» Trop pour le gouvernement apparemment. Alors, qui reprendra le flambeau? C’est un art ancien, et si on n’a plus le droit de l’enseigner à quelqu’un, c’est que quelqu’un en a décidé ainsi.

Mais Michael a un plan. Il aimerait pouvoir transmettre ses connaissances à des vétérans de la guerre. «Les gens amputés que le gouvernement trouve inutiles, je vais leur enseigner mon métier et les aider à s’installer dans les petits villages, peu importe leur handicap. On pourra alors déjouer le gouvernement. Les enfants doivent jouer avec des objets qui stimulent leur créativité. C’est vital!»

Son allégeance politique en 2016? Michael s’exprime assez clairement pour qu’on n’ait pas besoin de lui poser la question, mais on sent que, pour lui, ce n’est pas le candidat qui est important, mais bien les idées qui sont derrière.

Façade magasin Michael Divoll

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