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Afflux de réfugiés politiques américains?

Michael Tutton et Alison Auld, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

HALIFAX — L’élection de Donald Trump donnera-t-elle lieu à un afflux de «réfugiés politiques» américains semblable à ce qu’on avait connu lors de la guerre du Vietnam? Ou la réaction épidermique des premiers jours s’estompera-t-elle à mesure que l’on verra «à l’usage» ce dont le nouveau président est capable?

Donald Savoie, qui enseigne à l’Université de Moncton, estime que ce qui semblait être il y a peu de temps un scénario improbable ou une boutade pourrait bien devenir réalité si M. Trump mettait réellement ses menaces à exécution — par exemple, ordonner la déportation massive d’immigrants illégaux, ou même rouvrir des traités internationaux comme l’Aléna ou l’Accord de Paris sur le climat.

M. Savoie, qui a passé la journée de mardi à sa résidence secondaire de Floride, comme il le fait souvent lors des campagnes électorales américaines, a déjà publié de nombreux essais sur la politique et l’administration publique au Canada. Il rédige actuellement un nouveau livre sur les systèmes démocratiques des deux voisins du nord.

«Il n’y a aucun doute que certains Américains vont estimer qu’ils ne peuvent plus vivre dans ce régime, et nous pourrions revoir ce que nous avons vécu à la fin des années 1960, a-t-il estimé au téléphone. Je ne parierais pas là-dessus, mais si (M. Trump) fait ce qu’il a promis de faire, il ne fait aucun doute que nous assisterons à une période un peu trouble, et que certains Américains voudront quitter le pays.»

En Nouvelle-Écosse, l’animateur de radio qui avait créé le site internet «Le Cap Breton si Donald Trump l’emporte» soutient qu’il a déjà reçu plus de 150 courriels mardi soir, à mesure que s’égrenaient les résultats électoraux. Certains de ces courriels, a-t-il dit, provenaient d’Américains instruits qui craignaient maintenant de vivre aux États-Unis.

«Les gens ont vraiment peur, et il est difficile de traiter cela avec légèreté», a estimé Rob Calabrese, au bout du fil. Il rebaptisera maintenant son site — pour changer le «SI Donald Trump l’emporte» — et espère pouvoir continuer à relayer aux autorités concernées les demandes d’Américains qui souhaiteraient immigrer au Cap Breton.

Or, certains Américains déçus ou inquiets du nouveau régime croient peut-être que la demande de statut de résident au Canada passera comme une lettre à la poste, à cause des liens qui unissent déjà les deux pays, et de leur proximité géographique et politique. Mais ils risquent de déchanter, préviennent des avocats spécialisés.

«C’est complexe et très coûteux», et ça peut durer des années, rappelle Lee Cohen, un avocat de Halifax spécialisé dans les droits des réfugiés. «L’idée voulant qu’il suffise de débarquer en voiture au Canada et d’y acheter une petite ferme — c’est complètement faux!» À moins de se qualifier comme «immigrant économique», comme les requérants de n’importe quel pays, souligne-t-il.

Me Cohen a reçu au cours de la campagne quelques demandes d’Américains inquiets, la plupart provenant de l’Arizona, où Donald Trump promet de construire le «mur mexicain». Cet État a été remporté par M. Trump mardi.

Par ailleurs, l’idée de demander le statut de réfugié politique à la suite de l’adoption par l’administration Trump de mesures sociales comme l’abolition du mariage gai, de l’assurance-maladie ou de droits liés à la procréation pourrait peut-être tenir la route, croit Me Cohen. Ce qui aurait été impensable sous n’importe quelle administration précédente, selon lui.

David Rosenblatt, avocat torontois spécialisé en immigration, dit avoir reçu dès mercredi matin une trentaine de demandes de renseignements d’Américains qui songeaient peut-être à émigrer au Canada. Mais il note qu’en 2004, lorsque George W. Bush a été réélu pour un second mandat, plusieurs Américains ont manifesté leur intérêt mais ont rapidement jeté l’éponge devant l’ampleur de la tâche.

«(Les Américains déçus) ne se qualifient pas, tout simplement (…) Ils ont des craintes, ils veulent partir (…) mais quand ils constatent combien c’est difficile, ils réalisent qu’ils n’ont d’autre choix que de rester chez eux.»

Eric Major, de la firme de consultants en immigration Henley and Partners, sur l’île de Jersey, dit avoir reçu plus de demandes de renseignements cette fois-ci qu’en 2004, après la réélection de Bush fils, notamment dans le cadre du programme d’immigration des investisseurs.

Le site internet d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada est d’ailleurs tombé au combat, mardi soir, devant l’afflux soudain de visiteurs. Le ministère n’a cependant pu confirmer s’il s’agissait effectivement de visiteurs américains qui songeaient à immigrer au Canada.

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