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Où sont passés les poissons?

Photo: Collaboration spéciale

Métro a profité de la Conférence sur le développement durable de l’ONU pour demander à un expert de nous parler de l’état de nos océans : Callum Roberts, biologiste, océanographe, membre de la Blue Marine Foundation et auteur du livre Ocean of Life: How Our Seas Are Changing.

Au 19e siècle, les visiteurs des côtes européennes étaient souvent accueillis par des pocheteaux gris, ces immenses raies qui séchaient sur de grands pieux de bois. La chair de ces poissons était souvent considérée comme trop coriace, mais le fait de les suspendre ainsi au grand air leur donnait goût et tendreté.

Même si en anglais le nom du pocheteau gris signifie raie commune, l’espèce n’est plus présente dans nos marchés. Tout simplement parce qu’elle est en danger critique d’extinction. Sa population a même commencé à décliner au milieu du 19e siècle, alors que les techniques de pêche se sont raffinées.

Le pocheteau gris fait partie des nombreuses espèces qui ont disparu des étals depuis un siècle, victimes de leur popularité et de notre surpêche. L’industrie de la pêche a connu une révolution extraordinaire aux alentours de l’an 1900, alors que les moteurs ont permis de pêcher plus loin et plus profondément, avec de plus gros filets. Ajoutez à cela l’arrivée de la surgélation – une invention de l’Américain Clarence Birdseye dans les années 1920 –, et l’industrie entrait dans une ère où presque plus rien n’était à son épreuve.

C’est pourquoi des organisations comme Blue Marine, qui créent des réserves marines, sont essentielles.

Rachel Carson, dont le livre Printemps silencieux a lancé le mouvement environnementaliste il y a 50 ans, a écrit un pamphlet en 1943, demandant aux femmes au foyer de cuisiner de nouvelles espèces de poisson. Deux de ses suggestions, le sébaste de l’Atlantique, un habitant des eaux profondes, et le loup denticulé, ont connu une popularité grandissante. Mais les stocks ont rapidement chuté et les deux poissons sont des espèces rares aujourd’hui.

L’hoplostète orange, une autre espèce des eaux profondes, a été fort populaire dans les marchés australiens et du reste du monde dans les années 1980. On avait alors découvert d’immenses bancs à plus de 1 000 m de profondeur. Mais les stocks devaient aussi chuter quelques années plus tard, et l’espèce est aujourd’hui vulnérable. Il ne serait pas étonnant que la légine australe, poisson populaire des mers australes, soit bientôt victime du même sort.

Le thon rouge – le poisson le plus cher sur la planète – devrait disparaître de nos assiettes d’ici quelques années. Devant cette mort annoncée, le géant japonais Mitsubishi aurait fait congeler d’énormes stocks de l’espèce.

Avec ces histoires qui se répètent, de grands prédateurs marins, comme le thon rouge, sont remplacés par des espèces qui étaient auparavant plus bas dans la chaîne alimentaire, comme la crevette ou le calmar. Avant, on rejetait ces espèces à la mer ou on les utilisait comme appâts.

Heureusement, quelques fruits de mer ont fait un retour dernièrement, grâce à la pisciculture. C’est le cas des huîtres, qui étaient fort populaires à la fin du 19e siècle. Au début du 20e siècle, les stocks étaient au plus bas à cause de la surpêche, des maladies et de la pollution. Aujourd’hui, les huîtres fraîches font un retour en force sur les menus.

Tant que la surpêche ne sera pas contrôlée, nous continuerons de voir des espèces disparaître. Sans surprise, plusieurs scientifiques prédisent qu’il n’est pas si loin le moment où nous mangerons de la méduse et du plancton, faute d’autres choix…

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