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Être le frère du «Che»

Photo: Collaboration spéciale

Après des années de silence, «Tin» voyage dans le monde pour parler de la facette plus intime du célèbre révolutionnaire argentin Ernesto «Che» Guevara dans son livre Mon frère le Che, écrit avec la journaliste française Armelle Vincent. Métro l’a rencontré en Italie.

Le plus vieux frère, dont l’année 2017 souligne les 50 ans de sa mort, est devenu célèbre avec son surnom du «Che». Son cadet de 15 ans, Juan Martin, en essayant de prononcer son propre nom, n’a réussi qu’à dire «Patatin». Ce prénom officieux se contractera plus tard, notamment dans les articles de presse, pour devenir seulement «Tin». Aujourd’hui, cet Argentin de 74 ans est éditeur et vendeur de cigares retraité.

Qu’est-ce que ça veut dire, être le frère d’une légende?
En fait, je suis le frère d’Ernesto, ou Ernestito, qui est devenu la légende qu’il est aujourd’hui. Mais il est quand même mon frère et mon partenaire de pensée. Un des objectifs en me détournant de mon profil bas est de commencer à donner des entrevues, des conférences pour ainsi ramener la légende [du Che] à l’homme, ou, en d’autres mots, pour l’humaniser.

Est-ce qu’avoir un frère comme le Che complique votre vie? Vous avez fait de la prison pendant des années durant la dictature en Argentine.
Ça n’a jamais été un fardeau, être le frère du Che. Par erreur, on a dit que j’avais grandi dans son ombre. En fait, à partir d’un moment, j’étais sous la lumière qu’il projetait. Une lumière que je tente de mettre en contexte aujourd’hui à travers sa manière de penser. Beaucoup connaissent son image, peu connaissent ses écrits. En ce qui a trait à la prison, je n’y ai pas été parce que je suis son frère, mais en raison de mon militantisme politique.

Pourquoi avez-vous évité 
de parler de lui pendant tant d’années?
D’un côté, parce que je ne réalisais pas l’importance qu’il a eue et qu’il a toujours pour un grand nombre de personnes dans le monde : son histoire, son image, sa manière de penser, son éthique… Et peut-être aussi parce que je ne voulais pas utiliser son importance pour me hisser à un niveau qui ne me correspondait pas. Je ne sais pas, vous devriez demander à Freud, à Lacan ou à n’importe quel de leurs pareils! La vérité, c’est que, au fur et à mesure que j’ai commencé à donner des entrevues, j’ai réalisé à quel point c’est important pour les autres de connaître sa famille, sa vie, son humanité et sa manière de penser.

Quel est votre souvenir le plus important du Che?
Les conversations qu’on a eues en Uruguay à la conférence de l’Organisation des États américains à Punta del Este en 1961. Nos discussions étaient rares et concises, mais très importantes pour moi. Nous parlions du monde, de l’Argentine, de Cuba, du socialisme, etc.

Selon vous, est-ce que votre frère avait des défauts?
Bien sûr. Il était un être humain. Vous voulez surement que je vous dise quels étaient ses défauts. Il serait impertinent de ma part de me lancer dans cette tâche. Mais je peux vous répéter ce que Fidel [Castro] a dit un jour : «Le Che risquerait sa vie pour tous les enjeux, parfois même sans calculer la valeur de sa propre vie.» C’était peut-être le cas, mais il se voyait aussi comme un leader, ce qui lui a fait prendre la tête dans des situations aux dépens de sa vie.

Dans ses écrits, il fait des erreurs, comme dans son livre sur [la République démocratique du] Congo.[NDLR : Che Guevara s’est rendu en RDC au milieu des années 1960 dans le but d’étendre à l’Afrique la révolution amorcée à Cuba. Il a toutefois quitté ce jeune État africain après un cuisant échec.] Probablement qu’en Bolivie aussi il y eu des erreurs, sinon il en serait autrement. Mais tout ce qui entoure la Bolivie a été tellement enveloppé de mystère que c’est difficile de dire s’il y a eu des erreurs. [NDLR: Le Che a été exécuté en Bolivie après avoir été capturé en compagnie des guérilleros, à La Higuera, par les forces spéciales boliviennes. Plusieurs récits contradictoires sur cet événement existent. On sait toutefois que des agents de la CIA travaillaient activement à la recherche d’Ernesto Guevara.]


«Le Che» tenant Juan Martin dans ses bras.

Est-ce que votre frère 
aimerait Cuba aujourd’hui?
Comme je le dis toujours, je ne peux pas être certain de ce que le Che penserait. […] Je suis sûr qu’il ne serait pas du tout content de l’état du monde d’aujourd’hui. Il retournerait au front des luttes populaires pour le changer. Cuba a eu sa révolution, il a construit une société ayant un niveau de solidarité et de justice qu’il défend dans un monde adverse.

Plutôt que de critiquer Cuba, on devrait faire ce qu’on peut pour changer le monde. Il est d’autant plus évident aujourd’hui – et par rapport aux années 1960 ou 1970 – que ce que les peuples font, dans ce monde mondialisé, ils doivent le faire, ou le feront, de façon «mondialisée».

Après Obama, est-ce que Trump est un recul?
Il me semble que c’est davantage une démonstration que la véritable Amérique du Nord a été révélée. Ses problèmes sous-jacents ont commencé à être perceptibles avec plus de clarté.

Il n’y a plus un problème afro-américain, il n’y a pas un problème féminin, il y a un problème d’homme ouvertement impérialiste, capitaliste, de manière très claire. Si c’est un pas en arrière, les Américains doivent le régler.

 

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