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La pollution est plus mortelle que la guerre

FILE - In this file photo dated Monday, Dec. 1, 2014, a wind turbine overlooks the coal-fired power station in Gelsenkirchen, Germany. The European Environment Agency released a report late Sunday July 9, 2017, saying coal-fired power plants are responsible for the most water and air pollution on the European continent, with Britain among the top polluters, followed by Germany, France and Poland. (AP Photo/Martin Meissner, FILE) Photo: AP

NEW DELHI — La pollution environnementale, de l’air malsain jusqu’à l’eau contaminée, fait plus de victimes chaque année que toutes les guerres et toutes les violences du monde; plus que le tabagisme, la famine et les catastrophes naturelles; et plus que le sida, la tuberculose et le paludisme regroupés.

Un sixième des décès prématurés recensés en 2015, soit quelque neuf millions de personnes, sont attribuables à une maladie causée par une exposition toxique, affirme une vaste étude dévoilée jeudi par le prestigieux journal médical britannique The Lancet.

La facture des décès, maladies et pertes de bien-être engendrés par la pollution est toute aussi titanesque — environ 4600 milliards $ US en pertes annuelles, soit 6,2 pour cent de l’économie mondiale.

«On a souvent étudié la pollution, mais jamais avec autant de ressources ou d’attention que, par exemple, le sida ou les changements climatiques», dit l’auteur principal de l’étude, l’épidémiologiste Philip Landrigan de la faculté de médecine Icahn de Mount Sinai, à New York.

C’est la première fois qu’une étude tente de rassembler toutes les données concernant les maladies et les décès causés par toutes les formes de pollution.

«La pollution est un problème énorme que les gens ne voient pas parce qu’ils n’en aperçoivent que des fragments», explique M. Landrigan.

Les experts préviennent d’ailleurs que les neuf millions de décès prématurés recensés par l’étude ne sont qu’une estimation partielle; le nombre réel de victimes de la pollution est certainement plus élevé, disent-ils, et de nouvelles études et de nouvelles mesures seront nécessaires pour le quantifier.

Des régions comme l’Afrique subsaharienne n’ont même pas encore de mécanismes de surveillance de la qualité de l’air. La pollution du sol ne reçoit qu’une attention distraite. On ne sait rien de plusieurs toxines potentielles, puisque des tests de sécurité et de toxicité ont été effectués sur moins de la moitié des 5000 nouveaux produits chimiques éparpillés dans l’environnement depuis 1950.

«En Occident, nous avons éliminé le plomb de l’essence, et on a cru qu’on avait réglé le problème du plomb. Nous nous sommes débarrassés des rivières en flammes, nous avons nettoyé les pires sites toxiques. Et puis toutes ces discussions sont passées à l’arrière-plan», dit Richard Fuller, un spécialiste des produits toxiques qui compte parmi les 47 experts qui ont contribué au rapport de 51 pages.

L’Asie et l’Afrique sont les régions dont les habitants sont les plus menacés, selon l’étude, et l’Inde arrive en tête des pays individuels.

Le quart des décès prématurés notés en Inde en 2015, soit 2,5 millions de personnes, ont été attribués à la pollution. L’environnement chinois arrive en deuxième place, avec 1,8 million de décès prématurés — soit 20 pour cent du total — entraînés par des maladies causées par la pollution.

La pollution cause également un cinquième des décès prématurés dans des pays comme le Bangladesh, le Pakistan, la Corée du Nord, le Soudan du Sud et Haïti.

Malgré tout, plusieurs pays pauvres ne font toujours pas une priorité du contrôle de la pollution. L’Inde a adopté quelques mesures récemment, par exemple en ce qui concerne les émissions des véhicules et des usines, et New Delhi limite occasionnellement le nombre de voitures sur ses routes. Les feux allumés par des agriculteurs, les incendies de dépotoirs, la poussière soulevée par les chantiers de construction et l’utilisation de carburants polluants passent en revanche sous le radar.

Les résidants de New Delhi ont fait fi d’un jugement qui interdisait l’utilisation de feux d’artifice et de pétards lors du festival Dewali. Le lendemain matin, l’air de la capitale était âcre et enfumé, et la concentration de particules microscopiques PM2.5 — qui peuvent se loger au plus creux des poumons et causer des maladies chroniques — surpassait 900 parties par million, soit 90 fois plus que le seuil toléré par l’Organisation mondiale de la Santé et 22 fois la limite indienne.

«Même si on adopte de meilleures normes environnementales, le niveau de pollution ne cesse d’augmenter», déplore l’environnementaliste indien Shambhavi Shukla, qui n’a pas participé à l’étude de The Lancet.

Même l’estimation modeste de neuf millions de décès prématurés attribués à la pollution est 1,5 fois plus élevée que le bilan du tabagisme; trois fois plus lourde que le bilan du sida, de la tuberculose et du paludisme regroupés; six fois plus importante que le bilan des routes; et 15 fois plus haute que le bilan des guerres et violences.

La vaste majorité des décès causés par la pollution, soit 92 pour cent, surviennent dans des pays à revenus pauvres ou intermédiaires, où les dirigeants se préoccupent surtout de développement économique, de la hausse du niveau de vie et de la construction d’infrastructures de base.

Même dans les pays développés, les communautés les plus pauvres sont habituellement les plus exposées à la pollution, prévient le rapport.

«Au Canada, l’injustice environnementale se produit sur les terres traditionnelles des Premières nations. (Elles) luttent contre le projet des sables bitumineux du nord de l’Alberta et une exposition à la pire pollution atmosphérique du Canada dans ce qu’on appelle la ‘vallée chimique’ en Ontario, où est concentrée 40 pour cent de la production chimique du pays», indique l’étude.

«Les gens ne réalisent pas que la pollution endommage l’économie. Les malades et les morts ne peuvent pas contribuer à l’économie. Ils ont besoin de soins (ce qui est coûteux), explique M. Fuller. Les ministres des Finances croient encore au mythe qu’il faut laisser les entreprises polluer pour pouvoir se développer. Ce n’est tout simplement pas vrai.»

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Pourcentage des décès causés par la pollution

Bangladesh: 26,6 pour cent

Inde: 24,5 pour cent

Pakistan: 21,9 pour cent

Chine: 19,5 pour cent

Éthiopie: 19,1 pour cent

Nigeria: 18,7 pour cent

République démocratique du Congo: 18 pour cent

Indonésie: 13,5 pour cent

Russie: 8,6 pour cent

États-Unis: 5,7 pour cent

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Sur internet:

http://www.thelancet.com/commissions/pollution-and-health

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