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Poutine a gagné: qu’est-ce qui nous attend?

Angela Charlton - The Associated Press

MOSCOU — Vladimir Poutine a resserré son emprise sur la Russie avec sa victoire écrasante lors de la présidentielle de dimanche, et la Russie est plus forte que jamais sur l’échiquier mondial.

Ses rivaux domestiques passeront au moins les six prochaines années dans l’ombre. Ses adversaires internationaux sont empêtrés dans leurs propres problèmes, qu’il s’agisse du Brexit ou de la tourmente qui enveloppe l’administration Trump.

Même des fraudes électorales répandues n’auront probablement aucun impact sur l’invincibilité de M. Poutine. Les allégations d’ingérence dans les élections américaines et d’attaque à l’agent neurotoxique au Royaume-Uni ont simplement rehaussé sa popularité au pays.

Voici ce que pourraient nous réserver les six prochaines années du règne de Vladimir Poutine.

Une nouvelle guerre froide?
Les relations entre la Russie et l’Occident sont déjà à leur plus bas depuis l’implosion de l’Union soviétique il y a 26 ans.

En dépit d’une relation cordiale avec le président américain Donald Trump, le nouveau mandat de M. Poutine ne lui donne aucune raison de se montrer conciliant face à Washington, surtout au moment où s’intensifie l’enquête sur une possible ingérence du Kremlin dans la présidentielle de 2016.

Les leaders proches de M. Poutine ont récemment réalisé des gains en Allemagne et en Italie. Les pays occidentaux risquent d’être le théâtre de davantage d’interférences russes visant à miner leurs élections ou à plomber leur démocratie.

Puisque la popularité domestique de M. Poutine grimpe chaque fois qu’il se dresse face à l’Occident, on peut s’attendre à du langage encore plus musclé quand le président russe se sentira menacé chez lui et à des vetos plus audacieux au Conseil de sécurité des Nations unies pour protéger les intérêts de Moscou.

M. Poutine a affirmé récemment que la Russie dispose maintenant de l’arsenal nucléaire le plus sophistiqué de la planète, ce qui illustre clairement son désir de renforcer la puissance d’intimidation de son pays.

La Syrie et la menace extrémiste
Les forces syriennes appuyées par la Russie ont aidé à vaincre Daech (le groupe armé État islamique) en Syrie. M. Poutine prétend que seule l’intervention de la Russie a permis de remporter un conflit dans lequel s’était empêtrée la coalition américaine.

Ces mêmes forces syriennes appuyées par la Russie sont maintenant sur le point de reprendre les dernières enclaves encore contrôlées par les rebelles épaulés par l’Occident.

Le retrait prochain des forces russes déployées en Syrie est peu probable, dans la foulée d’une telle victoire géopolitique et militaire face à une intervention occidentale jugée illégale.

M. Poutine pourrait maintenant tourner ses canons vers d’autres zones de conflit, notamment la Libye où la Russie détient des intérêts pétroliers importants et où une intervention occidentale catastrophique il y a sept ans a laissé derrière elle un pays dysfonctionnel où fourmillent les extrémistes.

Les voisins de la Russie
Aux yeux des Russes, la victoire la plus éclatante remportée par M. Poutine au cours des 18 dernières années a été son annexion de la péninsule de la Crimée. Il a aussi mis fin aux ambitions de l’Ukraine de se rapprocher de l’OTAN et de l’Union européenne.

M. Poutine est ulcéré par les sanctions ensuite imposées par l’UE et les États-Unis, mais il ne semble pas intéressé par les concessions qui les feraient disparaître. L’Ukraine est divisée entre un gouvernement instable à Kiev et une région séparatiste appuyée par la Russie, dans le cadre d’un conflit immuable dont le Kremlin tire avantage.

L’intervention de Moscou en Ukraine a envoyé un message clair aux autres pays de la sphère russe: vous regarderez vers l’ouest à vos risques et périls. Les anciens membres du bloc soviétique au sein de l’UE — la Hongrie et la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie — se rapprochent de plus en plus de la Russie.

Les Russes eux-mêmes
Le nouveau mandat de M. Poutine lui confère théoriquement le pouvoir d’entamer les réformes audacieuses dont la Russie a besoin depuis longtemps pour rehausser le niveau de vie de ses citoyens et se sevrer de sa dépendance envers le pétrole.

M. Poutine a toutefois convaincu les Russes que de telles réformes seraient dangereuses et que la protection du pays face aux menaces doit passer avant une amélioration de la vie quotidienne. Les experts prédisent quand même des mesures comme un accès élargi au logement abordable et une lutte à la corruption sur la scène locale.

Des changements plus ambitieux, comme une refonte du régime de retraite, sont moins probables puisqu’ils sont peu populaires au sein des appuis de M. Poutine. Une réduction du budget des forces de sécurité est aussi improbable pour ne pas déplaire aux amis de M. Poutine au sein de l’ancien KGB.

Son propre avenir
Les Russes passeront surtout les six prochaines années à se demander ce qui arrivera dans six ans.

La Constitution impose à M. Poutine de céder sa place en 2024, mais il pourrait changer les règles pour rester en poste ou nommer un dauphin dont il tirera les ficelles en coulisses.

Quand on lui a demandé dimanche soir, lors d’une conférence de presse improvisée, s’il briguerait de nouveau la présidence en 2030, quand il serait en mesure de le faire, l’homme de 65 ans a répondu: «Ne soyez pas ridicule. Pensez-vous que je serais encore ici à 100 ans?»

Le rival le plus sérieux de M. Poutine, le militant anticorruption Alexeï Navalny, retiendra l’attention des autorités plus que jamais.

D’autres adversaires du président, comme la vedette de la télévision Ksenia Sobchak et le milliardaire Mikhail Khodorkovsky, tenteront de se tailler une place lors des prochaines élections locales et parlementaires.

Les membres de la garde rapprochée de M. Poutine garderont un oeil sur leur propre avenir, en prévision du jour où le patron ne sera plus là.

M. Poutine pourrait aussi essayer d’obtenir l’allégeance de la prochaine génération de Russes en relançant les efforts du pays dans des domaines comme l’intelligence artificielle.

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