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La pauvreté, la faim? Il y a une application pour ça

Photo: Elisabeth Braw

Kumasi, Ghana. Les baraques sont toujours là. Les fouilleurs de poubelles, les ânes et les hommes attendant du travail aussi. Mais les jeunes technophiles, armés de leur ordinateur portable et de leur téléphone intelligent, changent le sort de l’Afrique une application à la fois.

À l’Université des sciences et technologies Kwameh Nkurmah, à Kumasi, au Ghana, des femmes portent des paniers de nourriture sur leur tête et passent à côté d’étudiants allant en cours. Dans l’élégant café internet du campus, Godwin Amefia, 21 ans, gère sa compagnie d’applications mobiles.

«J’ai réalisé que les étudiants n’étaient pas avisés des changements d’horaire, donc j’ai créé une application pour ça», explique-t-il. Sa compagnie, mNotify, a maintenant cinq employés à son bord et présente une série d’applications pour les églises, les écoles et les compagnies.

M. Amefia est aussi membre de mFriday, un concentrateur (un appareil permettant d’interconnecter plusieurs ordinateurs) de l’université dont les membres se retrouvent tous les vendredis pour échanger des idées d’affaires. «C’est une petite partie d’un tout nouveau mouvement en Afrique, observe Bobby Okine, le créateur de mFriday. Les gens veulent faire quelque chose qui sera reconnu.»

Les jeunes Africains croient en un avenir prospère s’ils suivent les pas de Steve Jobs et de Bill Gates – tout en demeurant en Afrique. Pas moins de 73 % des Africains ont maintenant un téléphone cellulaire, comparativement à 4 % il y a 10 ans. Selon l’agence de recherche Royce Funds, 85 % des gens en posséderont un en 2015.

«L’Afrique, c’est l’avenir, croit Jesse Ofori, un étudiant de l’Université Kwameh Nkurmah qui possède sa propre firme de technologie. Nous pouvons aller au Royaume-Uni ou aux États-Unis pour démarrer une compagnie d’informatique, mais la plupart des applications existent déjà là-bas. Il y a plus d’occasions ici. Chaque vendeur de bananes a un téléphone cellulaire. Nous pouvons profiter de ce fait.» À l’aéroport de Kumasi, il y a maintenant des affiches rudimentaires qui annoncent des services bancaires mobiles.

«Les jeunes Africains réalisent qu’avec un portable ils peuvent faire beaucoup d’argent, expose M. Okine. Ils sont bien informés et conscients des problèmes en Afrique. Ils se disent : “Pourquoi ne pas créer une application pour régler certains de ces problèmes?” Les gens veulent du changement et de l’argent.» La compagnie de Bobby Okine, MAK Édu-Consult, a un contrat d’application mobile avec la poste ghanéenne. Un autre membre de mFriday est en train de concevoir une application pour que les autorités puissent identifier les fausses plaques d’immatriculation.

«Les jeunes entrepreneurs dans les pays occidentaux peuvent faire des présentations aux investisseurs en capital-risque, mais au Ghana, il n’y a pas d’investisseurs en capital-risque, ajoute Pierre Brunache, un Haïtien engagé dans le secteur ghanéen des technologies. Ici, nous devons entretenir nos compagnies pendant que nous sommes à l’université. Les étudiants demandent aux entreprises si elles éprouvent des problèmes, et nous créons des applications pour les régler.»

Sans surprise, les concentrateurs comme mFriday foisonnent dans le continent. Au Kenya, en Tanzanie, au Sénégal, au Togo, au Rwanda, en Uganga : tous voient émerger des petites Silicon Valley, où de jeunes magiciens de l’informatique veulent engendrer du changement – et de l’argent – dans leur pays. Il se produit le même phénomène en Éthiopie, un pays longtemps considéré comme le cas désespéré de l’Afrique. Créé il y a un an, le concentrateur iceaddis, à Addis-Ababa, la capitale éthiopienne, regroupe déjà 500 membres et a donné naissance à trois compagnies.

«Aujourd’hui, il y a presque autant de téléphones cellulaires que d’Éthiopiens, et leur nombre augmente toujours», note Oliver Petzoldt, un ingénieur de logiciels. Il travaille à l’Agence allemande pour le développement, qui assiste les entrepreneurs en technologie d’Éthiopie. «La plupart n’ont pas de téléphones cellulaires dits «intelligents», mais les concepteurs imaginent des applications qui permettent aux fermiers de vérifier les prix des matières premières, les accès à l’eau ou la météo.» De plus en plus de ces cellulaires incluent une application Facebook.

Bien sûr, les start-up africaines sont moins sophistiquées que celles de Silicon Valley. Mais elles répondent à un besoin grandissant – et sont dans des langues ignorées des grandes firmes internationales. Godfried Aboagye, un autre jeune étudiant de Kumasi, qui possède aussi sa propre compagnie de technologie, passe près d’une table où dorment deux femmes de ménage pieds nus.

Il note : «Oui, il y a encore beaucoup de problèmes en Afrique. Mais comme nous y vivons, nous savons ce qui s’y passe. Nous sommes donc les mieux placés pour trouver des solutions.»

Téléphones cellulaires, ordinateurs et électricité
Sans surprise, les Africains préfèrent les téléphones cellulaires aux ordinateurs. Ces derniers sont coûteux et difficiles à recharger dans un pays où l’électricité demeure un luxe.

  • La majorité de l’Afrique subsaharienne demeure hors du réseau électrique. Les mobiles doivent également être rechargés, mais ils demandent beaucoup moins d’énergie que les ordinateurs.
  • En 2009, chaque résidant des États-Unis a consommé 1 363 watts, alors que les Ghanéens en ont utilisé en moyenne 29, et les Éthiopiens, 5.
  • L’Afrique produit 5 % de l’électricité mondiale, qui est consommée principalement en Afrique du Sud et dans les pays au nord du Sahara.

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