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L’ombre de la démocratie en Iran

Photo: The Associated Press

L’Iran vote  aujourd’hui pour élire son nouveau président. Bien que l’issu du scrutin demeure nébuleux mais une chose demeure certaine: celui qui remportera les suffrages est condamné à être moins coloré et provocateur que Mahmoud Ahmadinejad.

Ce sera cependant une des élections les plus intéressantes depuis longtemps en Iran – peut-être depuis la révolution de l’ayatollah Khomeini en 1979. La constitution iranienne empêchant Ahmadinejad de briguer un troisième mandat, la course est grand ouverte. «Par comparaison avec plusieurs pays du Moyen-Orient et du Maghreb, l’Iran a un semblant de démocratie et des élections libres et équitables», explique Faraz Sanei, chercheur iranien pour l’organisation Human Rights Watch. «Mais si on considère comment les candidats présidentiels sont sélectionnés, les élections ne sont pas libres; elles sont injustes.»

En effet, le Conseil des gardiens de la constitution, un organisme désigné par le Guide suprême et le Parlement, sélectionne les candidats pour qui les électeurs peuvent voter. Cette année, quelque 680 Iraniens – dont 30 femmes – ont annoncé leur candidature. Le Conseil en a approuvé seulement huit. Les six toujours en lice oscillent entre un négociateur nucléaire et un homme de religion. «Les gens n’accordent pas beaucoup de crédit aux différences entre les candidats», dit Sasan Aghlani, un analyste de l’Iran au thinktank de Chantham House, en Angleterre. Le religieux, Hassan Rowhani, est un centriste. Mais les observateurs considèrent que Saïd Jalili, le maître des négociations nucléaires, et Ali Akbar Velayati, un proche du Guide suprême Ali Khamenei, sont les favoris.

En 2009, des milliers d’Iraniens ont déferlé dans les rues pour protester contre la victoire qu’ils considéraient «frauduleuse» d’Ahmadinejad. Pris par surprise, le gouvernement a maté les manifestations avec violence. Le populaire candidat réformiste Mir-Hossein Mousavi, presque élu en 2009, est détenu à résidence depuis deux ans et demi. Sa femme, Zahra Rahnavard, demeure une des rares figures d’opposition féminines.

La différence depuis 2009, c’est le Printemps arabe. «Mais aujourd’hui, la situation est bien pire qu’en 2009, dit Sanei. Le gouvernement est parvenu à contrôler beaucoup mieux la circulation d’information et l’utilisation de l’internet. Cette situation rend très improbable les turbulences qui ont agité le pays en 2009.» De plus, le Printemps arabe a eu peu d’impact sur la nation perse.

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Et comme en 2009, les partisans des différents candidats continuent d’organiser des rassemblements. C’est déjà davantage de liberté que ce dont jouissent les Chinois – mais alors que le peu de démocratie en Iran est souvent condamné par l’Ouest, la Chine l’est rarement. Un grand nombre d’Iraniens devraient exercer leur droit de vote aujourd’hui. «Ce pour quoi ils voteront, c’est l’économie et les problèmes sociaux», souligne Aghlani.

Une compétition gagnée d’avance

«Pas une vraie élection, mais une vraie course» – Sharan Tabari, participante à la révolution de 1979, ancienne professeure de politiques et de loi à l’université de Téhéran. Elle vit présentement en exil.

Les élections, en Iran, ne sont pas comme celles qu’on vit n’importe où ailleurs. Il y a des élections dans des pays démocratiques où chaque candidat est choisi de manière juste et équitable par la population. Il y a des élections dans des pays non démocratiques où le gagnant remporte frauduleusement par 99 % des voix. Mais en Iran, c’est différent. Les candidats ne sont pas ceux du peuple, ce sont les candidats choisis par le Guide suprême. Mais entre eux, il y a une vraie course. Le Guide suprême décide du résultat de l’élection, certes, mais celle-ci laisse place à une vraie course.

Des protestations sont très improbables à cause de ce qui est arrivé en 2009. Je dirais que 95 % des Iraniens sont contre la République islamique. Mais leur opposition est basée sur une soif de modernité, et non sur une idéologie. Ils ne risqueront pas leur vie pour changer le régime comme le font, par exemple, les combattants islamistes en Syrie. Les Iraniens sont des gens rationnels, et la perspective d’être torturé en effraie plus d’un. C’est pourquoi le peuple place ses espoirs de réformes dans les candidats modérés, et non dans les manifestations.

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Les aspirants
Au début, ils étaient 680 à avoir déposé leur candidature. Après la sélection faite par le Conseil des guardiens de la constitution, ils n’étaient plus que huit à être toujours en lice. À la ligne d’arrivée, seuls six demeurent. Voici les hommes qui peuvent devenir président de l’Iran aujourd’hui.

Saeed Jalili
Saïd Jalili

  • Qui est-ce? Le négociateur nucléaire en chef de l’Iran; un conservateur très proche du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.
  • Son passé? Il a servi dans la guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988) comme volontaire; diplômé en science politique.

Hasan Rowhani
Hassan Rowhani

  • Qui est-ce? Un religieux musulman modéré, ouvertement critique de la présidence d’Ahmadinejad.
  • Son passé? Il a été négociateur nucléaire en chef, il parle couramment six langues et est doctorant en droit à la Glasgow Caledonian University.

Ali Akbar Velayati
Ali Akbar Velayati

  • Qui est-ce? Le conseiller du Guide suprême sur les questions internationales; un conservateur loyal à l’ayatollah Khamenei.
  • Son passé? Il a servi comme ministre des Affaires étrangères de 1981 à 1997; il est également médecin qualifié.

Mohammad Bagher Qalibaf
Mohammad Baqer Qalibaf

  • Qui est-ce? Le maire de Téhéran; perçu comme un modernisateur au sein d’éléments conservateurs.
  • Son passé? Un ancien chef de police et un pilote qualifié.

Mideast Iran Election
Mohsen Rezai

  • Qui est-ce? Un vétéran de la politique; secrétaire du Conseil iranien de l’Opportunité, qui conseille le Guide suprême; critique du bilan économique d’Ahmadinejad.
  • Son passé? Un ancien commandant des Gardiens de la révolution islamique.

Saeed Jalili, Gholam Ali Haddad Adel, Mohammad Bagher Qalibaf, Ali Akbar Velayati, Mohammad Gharazi, Mohammad Reza Aref, Hasan Rowhani, Mohsen Rezaei
Mohammad Gharazi

  • Qui est-ce? Un candidat indépendant modéré.
  • Son passé? Depuis les années 1980, il a fait office de ministre du Pétrole, de ministre des Télécommunications et de gouverneur provincial.

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