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Russie: «La haine a tué Boris Nemtsov»

Le mystère demeure entier quant à l’identité du ou des agresseurs de l’opposant Boris Nemtsov, tué en pleine rue vendredi dernier, à deux pas de la cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux, à Moscou Photo: Associated Press

Andreï Kolesnikov, associé de la chaire d’études des politiques intérieures russes au Centre Carnegie de Moscou, explique à Métro l’atmosphère dans laquelle a été commis l’assassinat de l’opposant Boris Nemtsov.

Décrivez-nous M. Nemtsov, le politicien.
Boris Nemtsov était brillant, brave, et à la solde de personne. Ce sont les qualités qui font les vrais politiciens. Je connais un seul politicien semblable : Edgor Gaidar, l’architecte de la refondation de la Russie des années 1990. En vérité, ces deux hommes aspiraient à bâtir une Russie moderne.

Pourquoi a-t-il été tué?
La cause première, c’est l’atmosphère de haine qui prévaut au sein de la société russe, qui a été encouragée par la propagande incessante du Kremlin. Ces dernières années, M. Nemtsov était un politicien à contre-courant : les nationalistes et les partisans du régime autoritaire de Poutine le considéraient comme un suppôt du libéralisme. Je suis sûr que des ultranationalistes, peut-être proches des faucons qui travaillent pour les forces de sécurité de l’État, l’ont tué.

Le porte-parole de Vladimir Poutine a estimé que le meurtre était une «provocation». Êtes-vous d’accord?
Qu’est-ce qu’on aurait voulu provoquer? Des protestations de masse? Mais après la féroce répression des dernières années, les grandes manifestations sont devenues impossibles à organiser dans la Russie d’aujourd’hui. Est-ce que les Russes sont divisés? Ils le sont depuis les élections présidentielles de 2012. Au Kremlin, la moindre protestation est considérée comme une attaque directe contre l’autorité de Poutine. C’est une obsession, ou une paranoïa – typique des régimes fondés sur le culte de la personnalité.

Est-ce que la guerre en Ukraine s’est déplacée dans les rues de Moscou?
La guerre n’a jamais quitté la Russie. Plus de tensions en Ukraine signifie plus de tensions entre les Russes démocrates et les Russes favorables aux politiques autoritaires de Poutine. La société russe est devenue plus agressive, mais en même temps moins sensible : le meurtre de Nemtsov sera oublié dans une semaine.

Qu’est-ce que sa mort  provoquera en Russie?
Une consolidation temporaire de l’opposition – nous l’avons constaté dans les différentes manifestations qui ont eu lieu en Russie dimanche dernier. Mais cette consolidation sera seulement morale et n’aura aucune réalité politique. Il en résultera une plus grande division entre ceux qui soutiennent une plus grande démocratie en Russie et ceux qui soutiennent l’autoritarisme de l’État.

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