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Un récif corallien découvert en Amazonie

Photo: Patricia Yager/Collaboration spéciale

Des chercheurs brésiliens et américains ont découvert un système corallien dans les eaux boueuses du plus long fleuve du monde.

Un énorme récif corallien a été découvert dans les profondeurs boueuses de l’embouchure de l’Amazone, à la stupéfaction des scientifiques.

Long de 1000 km et plongeant jusqu’à 120 m, il s’étend de la pointe sud de la Guyane française jusqu’à l’État de Maranhão, au Brésil. La découverte, réalisée par une équipe internationale composée de chercheurs de l’Université de Géorgie et l’Université fédérale de Rio de Janeiro, est d’autant plus étonnante que les coraux s’épanouissent en général dans des eaux claires et salées, et non dans des courants boueux comme ceux de l’Amazone. Le récif est également l’habitat d’une faune importante, qui inclut des éponges de mer, des langoustes et une pléthore de poissons.

Métro s’est entretenu avec Patricia Yager, professeure d’océanographie à l’Université de Géorgie, aux États-Unis, qui a participé aux recherches en Amazonie.

Est-ce que vous cherchiez ce récif?
Non. Nous étions dans cette zone dans le cadre d’un projet collaboratif pour étudier les panaches d’eau du fleuve Amazone.

Comment avez-vous pensé à chercher du corail?
L’idée provient du professeur brésilien Rodrigo Moura. Il étudie normalement les récifs dans l’«Amazone bleue» située au sud de l’embouchure du fleuve. Lors d’une rencontre préparatoire, j’ai demandé à Rodrigo ce qu’il pourrait faire au cours de l’expédition, en plus de superviser l’équipe de recherche brésilienne. Il m’a tendu un article de 1977 qui mentionnait l’existence d’un récif de poissons et d’éponges dans cette zone.

J’étais étonnée par cette idée. Tout ce que je savais de cette région, c’était qu’elle était boueuse et sombre – des conditions loin d’être idéales pour le corail que nous connaissions alors. D’habitude, les récifs coralliens préfèrent les eaux claires dans lesquelles la lumière peut pénétrer pour fournir l’énergie nécessaire à la photosynthèse. J’étais ouverte à l’idée de creuser cette hypothèse, mais pour être franche, je croyais que c’était un peu fou!

Comment avez-vous fait votre découverte?
Nous avions quelques marques sur une carte datant de 1977, dessinée à main. Quand j’ai comparé la carte avec les données de Google Earth, j’ai constaté que les points sur notre carte se trouvaient à quelque 50 km l’un de l’autre! Je me demandais comment nous allions découvrir un récif dans une si vaste étendue. C’était comme une chasse au trésor.

Par chance, comme nous nous approchions de l’embouchure du fleuve, Rodrigo et son assistant sondaient le fond marin à l’aide d’instruments acoustiques. Nous connaissions alors la forme et la dureté du lit de l’Amazone. Ils ont repéré des endroits au large du Brésil qui semblaient différents des autres lieux observés, et ont enregistré leur position.

Une fois le but premier de notre expédition atteint, nous sommes retournés à un des endroits identifiés plus tôt. Rodrigo a regardé le radar et a demandé que nous arrêtions le navire. «Prélevons des échantillons ici», a-t-il dit. L’eau avait une profondeur d’environ 50 m. En quelques minutes, nous avons dragué des animaux aux couleurs chatoyantes sur le pont. Nous étions tous sans voix!

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L’équipe de chercheurs a sorti des eaux une étonnante diversité d’organismes vivants. Photo: Patricia Yager

Pourquoi était-ce si étonnant?
Les rivières tropicales sont réputées pour exclure les sédiments carboniques propices à accueillir les récifs. Les panaches d’eau du fleuve sont très sombres : c’était difficile d’imaginer qu’un récif puisse vivre en dessous de ces eaux opaques.
Le panache a une épaisseur comprise entre 10 et 20 m. L’eau plus fraîche du fleuve ne touche pas au récif, car ce dernier se trouve en dessous du panache, soit là où les eaux plus claires de l’océan se situent et où se déposent vraisemblablement certains nutriments qui tombent des eaux de surface. Il existe également un courant rapide à la hauteur du récif, qui doit chasser la boue avant que celle-ci recouvre et enterre le corail.

Quelles formes de vie prolifèrent dans le récif?
Il y avait des algues rouges, vertes et brunes, des éponges et des étoiles de mer, des oursins, des poissons et des cnidaires. Beaucoup de petits poissons utilisent le récif comme pouponnière. Cependant, la diversité y est beaucoup plus faible que dans un récif corallien typique.

Quelle est l’importance de la découverte de ce récif pour la biodiversité?
Le récif situé à l’embouchure de l’Amazone constitue un corridor biogéographique entre les Caraïbes et le sud de l’océan Atlantique. Il pourrait nous donner des informations importantes pour nous aider à prévoir la trajectoire qu’emprunteront les récifs coralliens lorsqu’ils seront soumis à des changements climatiques importants.

Est-ce que les récifs de corail sont en déclin dans le monde?
Les récifs coralliens sont soumis à d’intenses pressions en raison de l’activité humaine, notamment le réchauffement et l’acidification des océans, la pêche intensive et l’exploration pétrolière en haute mer.

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