Denis, Bombardier et Donald
Pénibles, les derniers jours, pour tout électeur au cynisme léger. L’affaire Bombardier, d’abord. Ensuite, celle du maire de Montréal. Rien pour rétablir un lien de confiance citoyen-dirigeant échaudé depuis trop longtemps. Retour factuel.
Après avoir chanté haut et fort le caractère impératif d’une aide gouvernementale pour sa survie, Bombardier obtient, sous diverses formes, des sommes plus qu’appréciables de la part des deux paliers. On parle, sans se tromper, de milliards (en excluant la participation de la Caisse de dépôt et placement). Et cela, comble d’outrecuidance, en pleine période d’austérité budgétaire. Pas le moment idéal, disons, pour subventionner grassement une multinationale aux larmes de crocodile.
S’ajoute l’insulte à l’injure: les hauts dirigeants se votent, visiblement sans trop de vergogne, des augmentations pouvant aller jusqu’à 48%. S’ensuit un mouvement de protestation refusant l’ordinaire apathie. Les médias sociaux et traditionnels s’enflamment, et une manifestation en appelle au boycott des produits Bombardier : cela dit, pas sûr que la division d’aéronautique soit très inquiète que monsieur X cesse d’acheter ses jets privés…).
L’annonce de l’entreprise de reporter une partie des augmentations ne change rien à la colère manifeste. Le premier ministre Couillard, certainement le plus fâché de la décision de Bombardier, peine à calmer le jeu. En bref, la grogne populaire est non seulement palpable, mais aussi résiliente.
La réplique de Bombardier? Cessez de nous critiquer, vous allez nuire à la réputation de l’entreprise et ainsi nous priver de contrats futurs. Vous avez bien lu. Après une tentative éhontée de récompenser leur incompétence avec le fric des contribuables, les dirigeants jouent dorénavant la carte de la culpabilisation…Quand même.
L’affaire Denis Coderre, maintenant. On remonte au temps où ce dernier était député à Ottawa. Une poursuite contre et par Shane Doan, des Coyotes de Phoenix. Le classique «je te poursuis! Non, c’est moi! » qui se règle par un autre classique: «On règle à l’amiable, ok?»
Sauf que déranger la justice, même pour une affaire de ti-coqs, coûte cher. Jean Rizzuto, ami du futur maire de Montréal, paie une partie de ses frais et envoie un chèque de 25 000$ aux avocats de son député-copain. Ce dernier «oublie» de divulguer le geste en question.
Au-delà de cette omission probablement contraire à l’éthique, il y a pire. En réponse au journaliste qui l’appelle à ce sujet, M. Coderre nie l’existence de la contribution. Jusqu’à ce que le journaliste lui en fournisse la preuve irréfutable. Le maire admet enfin, et plaide que l’appel initialement reçu l’a été en pleine période de prostatite, laquelle aurait embrouillé sa mémoire. La découverte d’un nouveau symptôme, probablement. Et afin de justifier le geste en soi, M. Coderre ajoute: «Je fais 150 000$ par année avant impôts, suis pas riche, moé…»
À vrai dire, les deux histoires semblent, en un sens, partager le même dénominateur : rire au visage de la population. En encourageant le cynisme ambiant, cela, en bout de piste, peut avoir des conséquences assez néfastes merci. L’élection d’un milliardaire populiste et mégalomane, par exemple…