Vote blanc, vote insignifiant
On la voyait venir, quand même. Hamon et le Parti socialiste étant visiblement cuits à l’avance, seul Mélenchon pouvait représenter un quelconque espoir pour la gauche française. Ses positions, souvent carrées, laissaient toutefois envisager ce qui vient de se produire : Emmanuel Macron, candidat de type extrême centre, accède au second tour.
Son adversaire? Celle qui fait frémir, à juste titre d’ailleurs, tous les tenants d’une certaine ouverture sur le monde, d’une volonté de vivre ensemble. D’un refus de replier la France sur elle-même. D’un point de vue économique, certes, mais aussi et surtout sur le plan identitaire. Le refus du Nous contre Eux. Et n’en déplaise aux efforts de plusieurs pour dédiaboliser le Front national, ce dernier, malgré le congédiement de Jean-Marie, demeure, sous Marine, d’extrême droite. Plus vendeur, aguichant et présentable, mais toujours et encore dangereux.
De son côté, Macron incarne simultanément le vide abyssal et le statu quo. Ex-banquier sans trop d’idées, formules creuses, bon chic bon genre et, évidemment, fan des caméras. Le porte-parole, en bref, de ce que plusieurs considèrent, peut-être à juste titre, comme un mouvement élitiste participant à la déchéance du système actuel. De la fracture des liens entre population et institutions.
Compte tenu de ce qui précède, la déprime chez certains est soit palpable, soit indicible. Le vote entre l’establishment décrié et l’extrême droite? Excitant au max. C’est ainsi qu’on entend, de plus en plus, diverses voix appelant à l’abstention, au vote blanc.
Candidat malheureux d’une gauche qui l’est tout autant, Mélenchon se fait le porte-étendard de cette même option. Après moi, le déluge, en quelque sorte.Macron n’étant guère mieux que Le Pen, alors au diable.
Erreur grave, et qui dénote un nihilisme visiblement non assumé. Cela fait penser à une illustration on ne peut plus récente : celle des dernières présidentielles américaines. On se souvient que plusieurs nous balançaient aux oreilles que la candidature de Clinton n’avait rien de probant. Qu’elle représentait, à l’instar de Macron, l’ordre établi. Celui qui isole, à coups de millions, voire de milliards, le citoyen de ses représentants politiques, de ses élites économico-financières. Celui qui, sûrement hypocritement, manigance ses trucs pas catholiques à l’abri des yeux du contribuable, du justiciable, du travailleur. En bref, Trump ou Clinton, aucune différence. Tout cela a amené, rappelons-nous, une multitude d’électeurs démocrates à voter blanc. Et Trump, moins nigaud qu’il le paraît, a bien réussi à galvaniser son vote en moussant cette révolte contre l’Élite avec un E majuscule. Avec le résultat qu’on connaît.
Excitante, la candidature de Macron? Non. Une bonne chose de l’avoir comme président, probablement pas. Mais tout comme le montre l’exemple américain, il ne pourra faire pire que Le Pen. Juste mieux.
Arrive un temps, comme disait Camus, où il ne s’agit pas de refaire le monde, mais bien d’empêcher sa dislocation. Exactement là où on se trouve, en ce moment. Sauvons d’abord les meubles, et reconstruisons la cabane ensuite.