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Jour de la Terre: entretien avec Isabelle Melançon, ministre de l’Environnement

Photo: TC Media / Félix O.J. Fournier

Avant que les haters anti-libéraux ne sautent un câble, pleine divulgation de conflits d’intérêts: je connais Isabelle Melançon depuis une bonne dizaine d’années, soit avant son saut officiel en politique active. Voilà.

Dynamique et bonne communicatrice, la volonté de celle-ci de «faire avancer un dossier», comme on dit dans le jargon, jure dans le décor.

Comme plusieurs, elle-même au premier chef, ce fut une surprise pour moi de la voir être récemment nommée à l’Environnement.

Cela dit, et bien que les tirs groupés des commentateurs au moment de l’annonce laissaient envisager un mandat pénible, je me doutais bien, connaissant la bête politique, que celle-ci leur donnerait un fil à retordre certain.

Notre première discussion, aux suites de la nomination, ressembla à un truc du genre:

-Tsé Isa, l’Environnement, c’est ÉNORME.

-Penses-tu que je ne le sais pas?!

-Ouais, mais faut pas l’échapper.

-Je répète: penses-tu que je ne le sais pas?

-Oui, je sais que tu le sais. Mais quand même. Le défi, c’est ça. Pas l’imaginaire turban de Chose-bine-la-police-en-devenir.

-JE SAIS.

-Mais comme commentateur, si ça foire, ton truc, j’aurai pas trop le choix de l’écrire, tu comprends?

-JE SAIS.

Bon. Bien que légèrement dubitatif à ce moment précis, reste que les mois suivants ont su me convaincre de la pertinence de la nomination de Melançon, malgré l’absence d’expérience quelconque de celle-ci en la matière.

Dans le temps de le dire, son ministère a fait adopter la norme des véhicules zéro émission (VZE), une nouvelle réglementation sur l’utilisation des pesticides, un investissement de 75M$ afférente à la décontamination des sols à Montréal, et l’adoption d’un projet-pilote sur la traçabilité des sols contaminés. S’ajoute à cela une augmentation de 29% du budget dédié à l’environnement. De quoi faire rougir ses prédécesseurs, mettons.

L’enjeu reste néanmoins urgent et incontournable, et trop peu d’énergie médiatique semble s’y consacrer. Faut jaser Bouchard-Taylor, apparemment.

En prévision du Jour de la Terre, j’ai donc invité la ministre au Centre Bell (l’un des arénas les plus verts d’Amérique du Nord, m’apprend-t-elle, enthousiaste), histoire de fusionner deux de ses principales passions: hockey et politique.

On en a souvent parlé toi et moi: l’environnement constitue, à mon sens, l’enjeu le plus fondamental. Comment expliquer le peu de place que ce dernier occupe à même l’espace et le débat public?
C’est un travail de sensibilisation de tous les instants. Nous devons nous rapprocher des préoccupations citoyennes. Souvent, lorsqu’on parle d’environnement, nous en parlons d’une façon qui concerne peu les citoyens, ou nous abordons cet enjeu uniquement en fonction des coûts relatifs aux différentes mesures.

15 000 scientifiques de plusieurs dizaines de pays annoncent la fin de la planète si nous refusons de prendre immédiatement les mesures qui s’imposent. Comment réagir, à titre de ministre de l’Environnement, à une telle responsabilité?
Une ministre seule ne peut rien. C’est ensemble que nous pouvons changer les choses. C’est une grande responsabilité d’avoir à sensibiliser la population sur ces enjeux ainsi que de s’assurer que cette composante ne soit pas oubliée dans les projets que nous mettons de l’avant comme gouvernement. Le Québec, comme état fédéré, est un leader sur la scène internationale pour la lutte contre les changements climatiques. Les états fédérés doivent continuer à être à l’avant-plan, surtout que le deuxième plus grand émetteur de GES, les États-Unis, semble vouloir se désengager de cette lutte depuis l’élection de M. Trump. Le Québec a donné l’exemple avec le premier plan d’action sur les changements climatiques (PACC) dès 2006, le Fonds vert, le Marché du carbone dès 2012, auquel maintenant participent la Californie et l’Ontario, et le deuxième PACC 2013-2020.

Comment arriver à un quelconque résultat sans la participation fédérale?
Le gouvernement fédéral a posé des gestes en matière environnementale depuis 2015, notamment la mise sur pied du Fonds du leadership et les aires marines protégées. Par contre, l’environnement reste avant tout une prérogative du Québec. Nous suivons particulièrement de près la question de l’évaluation environnementale des projets de compétence fédérale en territoire québécois, afin de mieux arrimer ceux-ci avec nos exigences environnementales et ne pas dédoubler le processus d’évaluation, le concept «un projet, une évaluation». Cela améliorera, selon nous, l’acceptabilité sociale des différents projets.

Je me trompe ou le message libéral, même lors d’annonces intéressantes, peine à se rendre aujourd’hui à l’électorat?
Tous les partis politiques éprouvent de nos jours des difficultés à rejoindre l’électorat. Il existe un cynisme ambiant relativement à l’engagement politique.

Mais quand même. Avoue que la chose semble plus ardue pour ton parti, non? Et la CAQ qui est pratiquement première dans les intentions de vote sans proposer quoi que ce soit de concret. En environnement, notamment.
La CAQ n’a jamais eu de plateforme en environnement et en changements climatiques. Je crois que cela dit tout.

Une bête politique, qu’on vous dit. Laquelle, malgré la tâche gargantuesque, souhaite prendre les moyens nécessaires afin de laisser, sans mauvais jeu de mots, une empreinte de choix. Comme quoi l’audace et l’opiniâtreté ont encore leur place, et c’est heureux, politiquement parlant. Une bonne affaire.

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