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La fin du règne taliban

Photo: Josie Desmarais/Métro

Automne 2013. Je reçois un message de Rémi Bourget, avocat alors ami d’amis. Il souhaite rédiger, avec deux-trois autres, un manifeste afin de s’opposer au projet de Charte des valeurs proposé par le Parti québécois. Las des litiges afférents au débat public, je m’apprête à lui communiquer mon refus d’embarquer dans une telle aventure, malgré son caractère noble, légitime et nécessaire. Rendu dans la voiture, un flash : Youhoo, Bérard? Les libertés civiles sont à risque, la démagogie bat son plein et toi, tu… te prélasses sur le bord de la piscine?

***

La tempête populiste et islamophobe ambiante allait nous amener à serrer les rangs, à faire preuve d’une grande solidarité.

Me souviens d’ailleurs de ma première rencontre avec Dalila Awada, alors victime de bullying. À chacune de mes (innombrables) questions sur la teneur de sa religion, elle répondrait, malgré mon inculture, avec gentillesse, calme, rigueur, nuance et autodérision. Dalila, un instrument d’infiltration islamiste? Sérieux?*

De tristes individus, manifestement en manque d’amour, devaient néanmoins cracher sur notre amie leur venin islamophobe et nourrir, au passage, une quelconque théorie conspirationniste. Parmi ceux-ci, Philippe Magnan, blogueur, et Louise Mailloux, intellectuelle auto-proclamée. Après plusieurs mois de harcèlement et d’incessantes vindictes à l’endroit de Dalila, celle-ci dû se résigner à poursuivre les diffamants.

En condamnant récemment M. Magnan (Mme Mailloux ayant depuis négocié sa sortie), la Cour supérieure vient de donner lieu à l’un des plus beaux jugements, senti et pertinent, qu’il m’a été donné de lire. Parce que le message aux talibans et autres terroristes du débat public est sans équivoque : la liberté d’expression ne peut permettre, impunément, de prendre en otage la réputation d’autrui. Voici quelques extraits de la cour, dont le premier résume les propos de Magnan à l’encontre de Dalila:

[113] Awada est accusée de ne pas porter un vrai voile islamique. Elle porterait un foulard par «ruse». Elle est «habillée, mais nue» et on répète à plusieurs reprises la comparaison avec «la bosse de chameau». Elle est décrite comme une «midinette» se livrant à une entreprise politique en faveur d’un «chef d’orchestre invisible». Elle est liée à une idéologie fasciste-islamiste.

[180] Elle souffre et se sent humiliée d’être décrite comme une midinette aliénée et manipulée par un chef d’orchestre invisible lié à l’islam politique. Et qui manipule à son tour la collectivité en présentant une version rassurante et même séduisante du voile, menaçant les institutions démocratiques et les valeurs liées à la laïcité. Elle, qui porterait le voile par ruse et non par modestie; qui serait une émissaire et une agente de l’islam khomeiniste; qui infiltrerait le mouvement féministe, le parti QS et les médias; qui cacherait les motifs véritables de son discours inclusif et ne dirait pas tout.

[239] Une chose est certaine. Nos démocraties sont fondées sur, notamment, une presse libre et de qualité. Les sites qui pullulent en marge des mécanismes de contrôle de cette qualité risquent de répandre de fausses nouvelles, des théories sans fondements et non vérifiées. La diffusion de fausses informations est un danger aussi grand que le musellement de la presse pour nos démocraties. Un bon exemple de ce préjudice réside dans la trame factuelle du présent dossier.

Alors voilà. Merci, Cour supérieure. Merci, Dalila.

* Et moi, je suis le fils de Ben Laden. Légitime, d’ailleurs…

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