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Non, une étude ne suggère pas que 1/3 des étudiants américains violeraient une femme

Photo: Capture d'écran

La nouvelle, qui a fait tout un malheur cette semaine dans les médias américains, commence à prendre de l’ampleur dans les médias francophones. Des gros titres tels «Un tiers des étudiants masculins avouent qu’ils violeraient une femme s’il n’y avait aucune conséquence» (The Independant) ou «Un étudiant masculin sur trois affirme qu’il violerait une femme si il pouvait s’en sortir indemne» (Think Progress) ont déferlé sur les médias sociaux.

Avec des titres comme ça, on peut comprendre pourquoi la nouvelle se propage.

Il y a en effet eu une étude sur cette question (que vous pouvez consulter gratuitement ici), mais sa portée a été grandement exagérée. De plus, les gros titres sont tout à fait trompeurs quant aux objectifs de l’étude.

L’étude portait sur un phénomène connu depuis un bon moment comme quoi le langage utilisé pour décrire une agression sexuelle influe grandement sur la tendance d’un agresseur à avouer un tel comportement. Par exemple, lorsqu’on demande à un homme «violeriez-vous une femme?», on décèle beaucoup moins de réponses affirmatives que quand on demande «forceriez-vous une femme à avoir une relation sexuelle?»

Dans la présente étude, la chercheuse Sarah Edwards et ses collègues voulaient voir si on pouvait déceler des traits de personnalité communs entre les hommes qui disent non à la première question et oui à la deuxième.

Selon ses résultats, 13,6% des participants à l’étude (11 personnes) on affirmé qu’ils violeraient une femme «s’il n’y avait aucune conséquence et si personne ne le saurait», et 31,7% (26 personnes) ont affirmé qu’ils forceraient une femme à avoir des relations sexuelles dans les mêmes circonstances.

Voilà la statistique qui figure dans tous les gros titres.

Quelques gros problèmes quand on essaie de tirer les conclusions-choc que suggèrent les gros titres:

1. L’échantillon est minuscule. Seulement 86 étudiants masculins d’un seul campus au Dakota du Nord ont participé à l’étude. De cet échantillon (et nous n’avons aucune idée comment les sujets ont été choisis), seulement 82 ont remis des questionnaires valides. En d’autres mots, l’échantillon complet de l’étude est de seulement 82 sujets, soit même pas assez pour tirer des conclusions sur le campus en question – qui a une population de 14 697 étudiants –, et encore moins sur l’ensemble des étudiants américains.

Vu d’une autre manière, feriez-vous confiance à un sondage électoral mené auprès de 82 personnes dans une seule circonscription?

2. La chercheuse elle-même prévient que ce n’est qu’une «première exploration» de ce sujet. Elle avoue même que son petit échantillon «de convenance» était un «bon point de départ». Elle appelle à plus d’études du genre.

Est-ce que les résultats de l’étude sont choquants? Tout à fait. L’étude démontre du moins que le viol est encore mal connu par certains jeunes hommes. Rappelez-vous que dans l’étude, 11 hommes ont affirmé qu’ils violeraient une femme, et 15 hommes ont dit qu’ils ne violeraient pas une femme, mais qu’ils forceraient une femme à avoir des relations sexuelles.

En d’autres mots, dans une université du Dakota du Nord, il y a 15 jeunes hommes qui ne croient pas que forcer une femme à avoir des relations sexuelles constitue un viol (et il y en a sûrement beaucoup plus). Et c’est sans mentionner les 11 hommes qui ont tout bonnement admis qu’ils violeraient une femme. Bien des articles auraient pu poser un regard plus sobre sur ces résultats troublants, mais, dans leur quête du clic tout-puissant, ils ont opté pour un gros titre accrocheur.

Suggestion d’un meilleur titre: «Une étude sur des étudiants américains suggère une méconnaissance troublante du viol». Simple, non?

Certes, certains des articles nuancent leur titre-choc en exposant les problèmes relevés ici, mais, nous le savons bien, dans l’ère Twitter et Facebook, bien des gens partagent un article sans lire beaucoup plus loin que le titre.

Quelques exemples:

https://twitter.com/mariamhotaki/status/555766432416661504

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