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Ce jeune Québécois a découvert une cité maya? Non, disent les experts

En bref

  • Plusieurs médias ont repris cette histoire du Journal de Montréal, prétendant qu’un jeune Québécois de 15 ans a découvert une nouvelle cité maya en analysant les constellations.
  • Des archéologues et autres experts consultés par plusieurs médias démentent vivement cette information.
  • La « cité » serait en fait un champ laissé en friche, selon l’anthropologue Thomas Garrison.

En détail

Aïe aïe aïe, l’inspecteur viral sent qu’il se fera lyncher pour ce billet. Mais bon, la vérité triomphe quand même!

L’article du Journal de Montréal, «Un adolescent découvre une cité maya», publié samedi, a fait tout un malheur sur le web. Sans farce, l’histoire a été répétée sur à peu près tous les continents.

Selon l’article, un ado de 15 ans de Saint-Jean-de-Matha, William Gadoury, a fait une découverte époustouflante: en examinant les constellations, il a découvert une corrélation entre elles et le positionnement des cités mayas. Il a remarqué qu’une étoile ne correspondait pas à une cité. Il a donc demandé à la NASA de lui fournir une carte en haute résolution du lieu. En examinant la carte, William a identifié une cité maya jusqu’ici inconnue.

L’article du Journal lui seul a eu plus de 140 000 partages. C’est sans compter tous les autres articles écrits à ce sujet.

Où sont les experts sur les Mayas?

Par contre, une chose chicotte l’inspecteur: dans aucun de ces articles ne cite-t-on un archéologue, un anthropologue ou un autre expert sur les Mayas.

C’est ce que d’autres médias ont fait. Les résultats sont assez clairs: les experts en la matière rejettent assez vivement la validité de cette découverte.

Le Sydney Morning Herald, un quotidien australien, cite l’anthropologue David Stuart, du Mesoamerica Center à l’Université du Texas à Austin. Son constat: «Tout cela est un fouillis – un terrible exemple de « junk science » (science-poubelle) qui frappe l’internet à vive allure», a-t-il écrit sur sa page Facebook. Il rajoute que les Mayas n’établissaient pas leurs cités en fonction des constellations.

Au tour du site Gizmodo, qui, en plus de citer M. Stuart, a fait appel à deux autres experts.

Thomas Garrison, un anthropologue à l’Université de la Caroline du Sud à Dornsife, explique que la cité découverte par William est en fait un ancien champ de maïs laissé en friche. «J’estimerais que le champ en question a été abandonné il y a 10 ou 15 ans. Ceci est évident pour quiconque a passé du temps dans les basses terres Mayas.»

Il a fait parvenir à Gizmodo une image d’un autre champ de maïs, qui ressemble étrangement à la « cité » découverte par William:

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Gizmodo a aussi parlé à Ivan Šprajc, de l’Institut des études anthropologiques et spatiales de la Slovénie. Son avis: «Nous avons réussi à identifier très peu de constellations mayas, et même dans le cas de celles que nous avons identifiées, nous ne connaissons pas le nombre d’étoiles qui les composaient. Il est donc impossible de vérifier s’il y a une corrélation entre les étoiles et l’emplacement des cités mayas.»

Le quotidien français Le Figaro a lui aussi fait appel à un expert, l’archéologue et enseignant Eric Taladoire, qui semble assez exaspéré par la portée de la nouvelle. «Cette histoire commence à nous fatiguer! Tout est faux. Tout. La presse a foncé sans vérifier quoi que ce soit…», se désole-t-il.

«Nous travaillons depuis 20 ans dans cette région, une équipe de chercheurs slovènes a ratissé toute cette jungle, et on aurait rien trouvé? On a été jusqu’à 80 ouvriers sur place! On nous parle de lieux inaccessibles et reculés, or il y a des routes et des habitants sur ces lieux. Les gens qui ont publié cette découverte n’ont pas regardé de carte!» a-t-il rajouté.

Une cité mouvante?

Comme le faisait remarquer le collègue de l’inspecteur, le journaliste Thomas Gerbet de Radio-Canada, la fameuse cité a même changé de… pays entre deux articles du Journal de Montréal, passant du Belize au Mexique en quelques jours à peine:

Tous les experts consultés sont d’accord pour encourager le jeune William à poursuivre ses études et à continuer à approfondir ses connaissances sur les Mayas. Par contre, ils sont aussi d’accord pour dire que cette nouvelle virale ne tient pas la route.

Note de l’auteur

J’ai longuement hésité avant d’écrire cet article.

D’une part, notre société a besoin de plus de jeunes comme William, des jeunes curieux, passionnés et intéressés par la science. Il mérite clairement d’être encouragé à continuer ses recherches et à s’impliquer dans le monde scientifique.

Par contre, ce n’est pas en élevant son histoire au statut de phénomène mondial, l’exposant du coup à la réaction violente de la communauté scientifique exaspérée par la portée de cette nouvelle exagérée, qu’on va encourager William à continuer.

Que sa théorie ne tienne pas la route, William aurait dû se le faire dire en privé, par un expert qui lui explique clairement mais gentiment les failles dans son raisonnement. En science, on doit être confronté à ses erreurs, ça fait partie du processus.

Or, maintenant, j’ai bien peur que l’explosion de l’histoire sur le web va forcer William à se confronter à une déception assez raide.

On aurait pu écrire un article du genre: “Un adolescent curieux a obtenu l’aide de la NASA pour tester une théorie sur les cités mayas”. Ça aurait permis à William d’obtenir l’attention médiatique qu’il mérite, sans pour autant le mettre en opposition à la communauté scientifique.

On a plutôt décidé de publier sa théorie comme si elle avait été confirmée par les chercheurs et les experts. Il est donc normal que cette communauté – formée de gens qui ont consacré une bonne partie de leur vie à étudier les Mayas – réagisse de façon très ferme pour essayer de limiter la portée de cette désinformation.

Il n’est pas amusant pour moi de détruire le rêve d’un jeune brillant et talentueux comme William. En revanche, ce n’est pas moi qui ai fait en sorte que son visage soit apparu sur mille pages web partout dans le monde en véhiculant des informations non-vérifiées et exagérées.

C’est dans cette optique-là que j’ai décidé de relayer l’opinion des chercheurs.

Vous pouvez envoyer tout commentaire au inspecteur.viral@journalmetro.com

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