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Les cerises

Il est de ces journées où tout me galvanise. Un discours. Une entrevue. Un feu follet ou un rabais sur le Paris-Pâté (surtout s’il est annoncé par un feu follet). Ces petits moments de biceps gorgés de courage et d’ambition, j’essaie d’en prendre grand soin pour que le vent qui me grise le toupette et la tempe ne se couche pas avant que j’aie eu le temps d’en récolter les cerises.

Quelles cerises vous êtes-vous promises, depuis mercredi? Combien de barquettes et de dessus de sundae, hum? C’est que mercredi, hein, c’était la «journée sans maquillage». AH, C’EST LÀ OÙ TU VOULAIS EN VENIR, AVEC TES MAUDITES CERISES.

Si.

Une journée nécessaire, y a pas de doute là-dessus. Ces quelques heures où, pour une fois dans l’année, on met la table et sa nappe des grands soirs pour discuter, pas peu fières, de l’importance de se célébrer nature (ou pas). Sans pinottes ni carré de margarine à l’avocado. On se sent fortes. COURAGEUSES. On ose s’exposer le lilas du cerne et l’abysse du pore de peau et, même si c’est un peu coucou, on a raison de savourer l’audace du geste. Le grand frisson de l’interdit.

Mais aujourd’hui, ils sont où, les bâtons et la piñata qui grouillent? La fête est terminée jusqu’à l’an prochain? Jusqu’à la prochaine guignolée, où on se félicitera de garnir le Noël d’autrui d’une canisse de flageolets au sirop et d’une poche de barley? Un matin, on cause frénétiquement pour la cause et hop! le lendemain, on espère ben que tout le monde va mieux parce qu’on a notre petit marché à faire. Mais si on a le malheur de croiser l’animatrice du journal du soir au Perrette, à la recherche d’une pinte de lait, chevelure de chassis ouverts et Crocs aux pieds, le thème phare du souper ne manquera certes pas d’être : «Mais elle a donc bien (mal) vieilli, une telle! Je l’ai vue près des yogourts, tu croirais pas à ça, elle est RAVAGÉE.»

J’ai entendu cette phrase hier matin (bon; j’ai ajouté les yogourts en raison de ses bienfaits pour la flore). On l’a tous, à un moment ou à un autre, entendue ou même prononcée, sans en mesurer la portée. Le fait d’apercevoir une «personnalité» sans maquillage, c’est tout un événement. Qui diable est cette citoyenne de base qui me dit vaguement quelque chose et pour laquelle j’éprouve à la fois pitié et désir volcanique d’en faire une photo de type «spotted à Anjou»? Eh bien, il ne s’agit que de la bonne dame qui se cache quotidiennement sous le maquillage que vous exigez au bulletin du soir. Parce que c’est moins choquant. Et qu’une joue parfaitement fardée, ça fait rêver. Céline Galipeau (qui n’est pas la connue du Perrette) et son grain de peau rosine et lisse comme une pêche pour l’éternité, c’est rassurant! Ça nous confronte moins avec le temps qui passe. Dans l’éventuel choix de l’urne et de la fin de notre histoire SI importante.

Célébrez la journée sans maquillage ou abstenez-vous farouchement de le faire. Mais de grâce, tâchons au moins de ne pas sacrer toutes ces cerises par la fenêtre sans au moins y planter nos palettes.

La bise.

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